Roses saintes (Gilkin)

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La NuitLibrairie Fischbacher (Collection des poètes français de l’étranger) (p. 205-206).
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ROSES SAINTES



Larges roses du soir, fleurs saignantes des ombres,
Mes souvenirs et mes désirs et mes remords
Font un épais buisson fleuri de roses sombres,
Rouges comme l’amour et comme le remords.

Dans le silence ému du jardin de silence
Où le rosier nocturne exhale ses parfums,
Les roses de mon cœur, rouvrant leur cœur immense,
Répandent dans la nuit leur sang et leurs parfums.

Lentement, longuement, mon regard triste plonge
Dans leur pourpre meurtrie, afin de contempler
Les songes d’autrefois au fond des fleurs de songe
Que mon cœur douloureux se meurt de contempler.

Ô fleurs, rouges jadis des plus rouges tortures,
— Lèvres, fièvres et feux de torches dans la nuit, —
Pareilles, maintenant, à des bouches obscures
Dont les derniers baisers s’effeuillent dans la nuit.

Le rosier ténébreux lève ses fleurs géantes
Où bouillonne le sang des royales douleurs
Et de ce lourd bouquet de blessures béantes
Jaillit soudain un corps lumineux de douleurs.

Neige avec un vin rose étrangement pétrie,
Lys qu’une aurore a teint de ses baisers vermeils,
Sa chair vierge, d’amour et de grâce fleurie,
Dans ses pieds et ses mains ouvre des trous vermeils.

Et le front, le front clair, percé de mille épines,
Que les ronces de pourpre ont couronné de sang,
Fleurit comme un buisson fou de roses divines,
Goutte à goutte effeuillant leurs pétales de sang.

Sous le ciel indulgent la chair luit, le sang coule !
Aimons ! Pleurons ! Prions ! Sous la chair j’ai vu Dieu.
Mes désirs, mes remords, mes souvenirs en foule
Se meurent sous les pieds rédempteurs de mon Dieu.