Séances de la Société agricole et scientifique de la Haute-Loire/16 novembre 1882
SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1882.
M. le Président lit la communication suivante de M. le Dr Langlois, sur les exploitations agricoles du département de la Lozère :
M. Langlois rend compte d’une excursion agricole qu’il vient de faire dans la Lozère. Il a visité en vue des prix culturaux du concours régional de 1883, trente-deux propriétés. Plus accidenté encore que la Haute-Loire, le département de la Lozère comporte les cultures les plus variées : la vigne y prospérait avant le phylloxéra dans l’arrondissement de Florac ; celui de Mende est en partie consacré à l’agriculture proprement dite ; celui de Marvejols avec ses montagnes élevées est livré en majeure partie à l’agriculture pastorale et à la sylviculture.
La Lozère subit la loi commune comme parcellement de la propriété : très divisée dans la portion riche et viticole, elle se conserve en étendues plus considérables dans la portion agricole ; on trouve encore dans l’arrondissement de Mende des propriétés de deux à trois cents hectares : plusieurs d’entr’elles sont très bien cultivées et pourraient servir de modèle aux agriculteurs de la Haute-Loire. Une partie de l’arrondissement de Mende est plantée en châtaigniers, et M. Langlois y a étudié des travaux d’irrigation au moyen desquels on est parvenu à doubler et tripler la production de ces arbres. Quelques uns de ces canaux ont jusqu’à 8 ou 10 kilomètres de longueur et s’élèvent à plus de 150 mètres au dessus de leur point de départ. Enfin l’arrondissement de Marvejols est le refuge de la grande propriété. On y rencontre de 800 à 1 000 hectares entre les mains du même propriétaire ; la majeure partie est consacrée à l’élevage et cinq à six cents bêtes à cornes peuplent pendant l’été ces vastes étendues. Le lait provenant de ces animaux est employé à la fabrication des fromages dits de Laguiole ou du Cantal qui pèsent de 35 à 40 kilogs.
En résumé, dans la Lozère, à part trois ou quatre cultivateurs, l’agriculture est plutôt en retard qu’en avance sur la Haute-Loire.
M. Arnaud, membre non résidant, soumet à l’Assemblée un projet d’irrigation de la plaine de Saint-Vincent, à l’aide des eaux de la Loire. D’après notre confrère, — qui entre dans les détails les plus minutieux dans l’exposé de sa proposition, — il serait facile, et cela à peu de frais, d’arroser cette immense plaine, d’une étendue de 1 200 hectares et qui comprend en partie les communes de Lavoûte, Beaulieu et Saint-Vincent. M. Arnaud estime, qu’avec une dépense de 400 000 fr., on pourrait doubler la valeur de ces terrains.
La Société félicite M. Arnaud de son heureuse initiative et l’engage à persévérer dans une voie qui ne peut qu’augmenter la fortune et la prospérité des agriculteurs de cette contrée.
M. Hérisson lit une notice sur les résultats obtenus dans le champ des expériences agricoles[1].
M. A. Jacotin fait en ces termes la narration du serment prêté, en 1589, par A. de Senecterre, évêque du Puy, A. de Saint-Vidal et autres, à la cause de la Ligue :
Les chroniqueurs qui se sont occupés des grandes luttes religieuses dans les régions du Velay, parlent tous, avec plus ou moins de détails du serment prêté en avril 1589 par l’évêque Antoine de Senecterre, le grand ligueur Antoine de Saint-Vidal, ainsi que tous les habitants du Puy à la cause de la Ligue. Burel, le plus explicite et en même temps le plus authentique des annalistes de cette mémorable époque donne de grands détails sur cet important événement. Il raconte que le vendredi saint 1589 l’évêque de Castres accompagné de François Vignals, conseiller au parlement de Toulouse, de deux marchands, deux capitols et deux conseillers de la même ville vinrent au Puy pour annoncer que la ville de Toulouse s’était déclarée en faveur de la Ligue et engager la ville du Puy à imiter l’exemple de la capitale du Languedoc. Le mercredi 2 avril, suivant Burel, le 6 avril, d’après le document original ci-dessous conservé aux archives départementales, l’évêque du Puy et tous les grands seigneurs du Velay, les consuls, les officiers de la sénéchaussée, du bailliage, de la cour commune des bourgeois, des avocats, des marchands, réunis au nombre de plus de deux mille dans la salle de l’évêché jurèrent en ces termes leur inviolable attachement à « la saincte union. »
« Nous promectons a Dieu et à la benoiste Vierge Marie et a toutz les sainctz et sainctes de paradis et jurons de vivre et mourir en la relligion catholicque apostolicque et romaine et nous opposer envers et contre toutz qui voldroient antreprendre aulcune chose au prejudice de ladicte relligion et de ceste unyon.
Et par ce que les villes de Paris, Tholoze, Lyon et autres principalles de ce royaulme auroient justement prins les armes avec les princes catholicques pour le soubstenement et conservation de ladicte relligion catholicque, apostolicque et romaine, bien et estat de ce royaulme, et obeyssance aux reytérés commandements que nous ont esté faicts de l'autoritté de la court de parlement de Tholoze. Nous nous unissons avec ladicte ville de Tholoze comme principalle de nostre ressort ensemble avec lesdictes villes de Paris, Lyon et autres villes catholicques de ce royaulme, suyvant les requisitions que de la part desdictes villes de Paris et Lyon nous ont esté faictes pour ayder et favoriser lesdicts princes et villes catholicques à la manutantion de la relligion catholicque apostolicque et romaine, extirpation des heresies et y employer nous, moyens et propres vies nonnobstant touts commandements que nous pourroient estre faicts au contraire.
Nous jurons aussi d'entendre de tout notre pouvoir et puissance à la conservation de ceste ville du Puy et establissement d'ung bon et asseuré repos en icelle et des autres villes et comunaultés de ce gouvernement soubz l'auctorité de ladicte court de parlement et commandement de monsieur de Saint-Vidal gouverneur en ceste ville et pays de Vellay à la descharge du pouvre peuple et de ne permectre l'entrée en notre dicte ville a auculnes personnes suspectes de quelque estat, qualité et dignité qu'ils soient, par le moyen desquels l'estat de ceste dicte ville puisse estre altéré au préjudice de la dicte relligion catholicque et tresante unyon et a ces fins ne recepvoir aulcungs chefs hereticques ny faulteurs d'iceulx.
Et ou aulcunes villes, lieux et personnes unis seroient assaillis par ceulx du contraire party, et auroient besoing d'ayde et secours, nous promectons respectivement de les secourir de nous, forces et moyens et nous treuvons advertis de ce que nous penserons pouvoir appartenir à notre conservation et deffance.
Promectons aussi de ne fere aulcung traicte ne capitulation ou association avec personnes de quelque estat, qualité, auctorité et commandement puissent estre sans le sceu volloir et consentement de la dicte court de parlement et des autres villes qu'auront faict et jure la tresante unyon.
Prions tous les seigneurs gentilshommes, villes et communaultez de ce gouvernement s'unir avec nous en ceste si saincte resollution, leur promectant de notre part toute assistance de nous moyens en ce qu’ils en auront besoing.
Faict et arresté dans la salle de l’evesche de la ville du Puy en la presence et assistance de Monseigneur levesque de ladicte ville, monseigneur de St-Vidal gouverneur, messieurs les doyens abbés de St-Vosy, de St-Pierre Latour et autres du chappitre, les sieurs d’Adiac, de Seneujol, de Marminhac, de Pielleprat, messieurs des Arcis, Trioulenc, d’Asquemye, Irailh conseillers en la seneschaucée, Jehan Delom procureur notaire du Roy, messieurs Claude Luquet, Claude Pascal, Eyraud du Mas, Christofle Ferrand officiers en la cour commune, Jehan Colhabaud et Godefroy Vilars juge et lieutenant au baillage de Velay, messires d’Agrain, Coulomb, Mealhet, Le Blanc et Pélissier consuls et plusieurs autres notables et bourgeois, ce sixième jour d’avril l’an mil VC quatre vingt neuf.
M. le Président donne lecture d’une lettre de M. Nicolas, directeur de la ferme-école, relative à l’état des récoltes et aux observations mé- téorologiques des mois de septembre et d'octobre. Il résulte de cette communication que les travaux de la saison sont très en retard, que l'ensemencement du froment n'est pas encore achevé à cause des pluies fréquentes, que les tubercules des pommes de terres sont peu nombreux et souvent pourris, enfin que dans plusieurs localités les regains ne sont pas encore rentrés.
Quant aux observations météorologiques, notre confrère en adresse le tableau suivant :
septembre | octobre | |||||||
Moyenne barométrique |
691 | mm | 8 | 692 | mm | 4 | ||
Moyennes thermométriques |
minimum |
— 2 | 7 | — 0 | 7 | |||
maximum |
+ 18 | 1 | + 15 | 2 | ||||
Moyennes générales |
+ 10 | 4 | + 8 | |||||
Quantité de pluie recueillie |
124 | 3 | 70 | 5 |
- ↑ Voyez IIIe volume, mémoires, p. 360.