Séances de la Société agricole et scientifique de la Haute-Loire/7 décembre 1882

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SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1882.


Présidence de M. le Dr Langlois.

M. le Président appelle l’attention de la Société sur le roulement établi pour les concours départementaux qui, suivant le mode adopté, se tiennent alternativement à Yssingeaux, à Brioude et au Puy. Dans cette dernière ville doivent avoir lieu en 1884 le concours départemental et le concours régional. Ce double concours dans une même ville et la même année offrant de graves inconvénients, M. le Président propose d’établir le concours départemental à Yssingeaux en 1884 et au Puy en 1883. L’Assemblée adhère à cette proposition.

M. Langlois présente des échantillons de soja, plante fourragère et légumineuse dont un semis de 35 grammes de graines fait à Saint-Marcel lui a fourni 800 grammes de graines qu’il met à la disposition des membres désireux d’essayer la culture de cette plante, consommée comme le haricot et le pois, et qui sert surtout à l’état de fourrages et de graines à la nourriture du bétail, de la volaille, etc.

À propos de la maladie des pommes de terre, qui a fait partout de grands ravages et compromis la récolte de ces tubercules, le Journal de l’Agriculture de M. Barral (no du 9 septembre 1882) préconise un moyen de combattre ce fléau. Il est dû à un agriculteur danois, M. Jensen. On sait que la maladie des pommes de terrés est attribuée à un cryptogame, le Botrylis infestans, désigné par les naturalistes sous le nom de Peronospora infestans. Sous l’influence des pluies de juillet et d’août les spores apportées par le vent sur les feuilles de la pomme de terre s’y développent et fructifient en formant des tâches noires et amènent la décomposition des feuilles. Bientôt les tubercules sont attaqués. M. Jensen, pour se rendre compte de quelle façon le mal se propage de la tige à la racine de la plante, est arrivé, par une étude approfondie de la question, à cette conclusion, c’est que les spores provenant des cryptogames des feuilles, tombent sur le sol et sont entraînées par l’eau qui traverse celui-ci jusqu’aux tubercules où elles se développent à nouveau en infestant ces tubercules.

Dans des expériences faites à Copenhague, M. Jensen a constaté que la proportion de tubercules malades était beaucoup plus considérable près de la superficie qu’à une plus grande profondeur ; que les tubercules malades sont le plus souvent ceux qui sont le plus rapprochés de la tige et qu’il est permis de conclure que la propagation de la maladie aux tubercules vient du dehors. Mais jusqu’à quel point le sol possède-t-il la faculté de se laisser traverser par les spores ? M. Jensen a fait à cet égard des expériences très curieuses. En filtrant sur un entonnoir contenant de la terre, de l’eau renfermant des spores de Botrylis, en examinant l’eau qui sort au bas de l’entonnoir, il peut constater le nombre moyen de spores qu’elle contient après la filtration. Il a trouvé ainsi, avec une terre argileuse, que la couche de terre étant épaisse de 0 m. 04, il ne reste, après filtration, que 5,8 pour cent de spores que l’eau contenait primitivement sur une couche de 0 m. 10 il ne passe plus que 1 pour cent de spores. Avec du gros sable de mer, la couche étant de 0 m. 04, on trouve dans l’eau après filtration, 2,9 pour cent de spores ; la couche étant de 0 m. 10, on ne trouve plus que 0,3 pour cent de spores. La terre retient donc une énorme proportion de spores, la quantité que l’eau de pluie peut entraîner diminue rapidement avec la profondeur, et les terres légères retiennent beaucoup mieux les spores que les terres argileuses. N’y aurait-il pas là le secret de ce fait généralement constaté que la maladie des pommes de terre fait beaucoup moins de ravages dans les terres légères que dans les terres fortes ?

L’ensemble de ces faits a amené M. Jensen à cette application pratique : Si, au moment où la maladie apparaît sur les feuilles, on procède à un battage qui augmente l’épaisseur de la couche de terre au-dessus des tubercules, on aura mis ceux-ci à l’abri des atteintes du cryptogamme.

Le Journal de l’Agriculture de M. Barral développe ensuite, d’après M. Jensen, le nouveau système de culture des pommes de terre.

M. le Président donne communication d’une lettre en date du 3 décembre courant qu’il vient de recevoir de M. Alexis Bignet, propriétaire à Josat, canton de Paulhaguet. Un mémoire est joint à cette lettre et a pour titre : Étude sur la culture et sur les moyens de l’améliorer, par un habitant des campagnes.

Cet opuscule touche à tant de sujets qu’il est difficile d’en faire une analyse sommaire. L’auteur recommande, avec raison, l’emploi des engrais verts dans les terrains d’un accès difficile aux voitures. Parlant ensuite des engrais autres que le fumier, il engage les cultivateurs à utiliser les débris de toute nature qui, trop souvent, sont perdus pour la culture. Il se préoccupe aussi des plantes que l’on pourrait acclimater dans la Haute-Loire et cite notamment le trèfle incarnat, l’épeautre et le topinambour. Il est moins bien inspiré lorsqu’il recommande l’ailante pour l’éducation du bombyx Cinthia. On sait, en effet, que cette éducation en plein air, préconisée par Guérin Meneville, n’a pas réussi, les oiseaux mangeant ordinairement les vers. Ce qu’il dit de la culture du mérisier pour la fabrication du kirsch, de celle du châtaignier, du pommier court pendu, etc. est marqué au bon coin. Quant à l’eucalyptus, nous pensons que notre climat est beaucoup trop froid pour cet arbre.

En résumé, ce petit travail est fort intéressant : mais ce n’est qu’un programme que l’auteur ferait bien de développer dans une œuvre de longue haleine.

Notre confrère, M. C. Chappuis, conducteur des ponts et chaussées en Algérie, réalisant la promesse qu’il nous avait faite d’un don de coquillages fossiles pour le Musée du Puy, nous les a expédiés récemment en les accompagnant d’une note sur leur provenance. Ils ont été recueillis dans les roches calcaires exploitées pour la construction du barrage réservoir des grands Cheurfas, situé sur la rivière de la Mékérra ou Sig, à 22 kilom. en amont de la ville de Saint-Denis-du-Sig, département d’Oran. Ces rochers sont à une altitude moyenne de 260 mètres au-dessus du niveau de la mer, à une distance à vol d’oiseau de 60 kilom. de la côte, et font partie de la chaîne de montagnes du moyen Atlas.

Le coquillage fossile, qui se rencontre en plus grand nombre dans les rochers calcaires exploités en carrières, est l’Oursin de mer (Spatangus), ce qui permet de classer géologiquement ces terrains.

La Société réitère ses remerciements à M. Camille Chappuis pour ce don important et constate avec le plus grand plaisir le zèle et le dévouement de plusieurs de nos confrères qui, comme M. de Surrel, à la Plata, et M. Chappuis aux pieds de l’Atlas, n’oublient point la mère patrie et le pays qui les a vus naître.

M. Lascombe lit un rapport sur une exploration archéologique faite par lui dans diverses communes du canton de Vorey et signale sur ces divers points des antiquités préhistoriques, gallo-romaines et du moyen âge.

Le même membre a recueilli, soit au Puy, soit à Vorey, des chansons patoises dont il donne connaissance à l’Assemblée.

M. Nicolas, directeur de la ferme-école de Nolhac, fait connaître les observations météorologiques du mois de novembre.


A. Lascombe.