Séances de la Société agricole et scientifique de la Haute-Loire/2 mars 1882

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SÉANCE DU 2 MARS 1882.


Présidence de M. le Dr Langlois.

M. le Président donne lecture d’une lettre de M. le Ministre de l’agriculture, annonçant qu’une subvention de 800 fr., a été accordée à la Société, pour la tenue du concours des animaux gras, que l’assemblée fixe au lundi 27 mars.

M. l’Inspecteur général de l’agriculture, Heuzé, a écrit à M. le Président, pour le prier de demander à la Société de souscrire à la statue d’Olivier de Serres, en même temps qu’à la médaille commémorative que l’on se propose d’offrir, au savant Pasteur, lors du prochain concours régional d’Aubenas.

M. Paul Le Blanc rappelle les services rendus à l’agriculture par Olivier de Serres. Il cite les deux évêques du Puy du même nom, dont l’un a introduit, en Velay, la culture de nouvelles espèces de vigne.

L’assemblée vote pour ces deux souscriptions une somme totale de 70 fr.

La Revue des Sociétés savantes, contient un article qui cite avec éloge les publications historiques faites dans le dernier volume de nos mémoires.

M. A. Lascombe attire l’attention de l’assemblée sur un verre aux armes des Chambarlhac, ayant appartenu au célèbre général, notre compatriote, que Napoléon avait justement surnommé l’Invincible. Ce verre, don de M. Gimbert Montbrun, est destiné aux collections du Musée Crozatier.

M. A. Lascombe lit la notice suivante sur la découverte récente de monnaies romaines, aux eaux des Salles.


En 1880, les ouvriers de MM. Rioufreyt et Paul de la Roche occupés à des travaux d’amélioration et de captage de sources minérales, dites Saint-Martin et les Rozières, découvrirent en démolissant des substructions en ciment, au lieu dit de Bonnefont-les-Salles, une petite pièce d’or à l’effigie de Tibère, frappée à Lyon, au type de l’autel de Rome et d’Auguste. Cette pièce assez fruste était accompagnée d’une petite épingle ou crochet de même métal, perdue depuis. C’était sans doute une fibule.

Deux autres pièces de monnaie, plus frustes encore que la première, furent également trouvées au même lieu en 1881. L’une d’elles, grand bronze, est probablement un Hadrien. La tête de cet empereur est à peine visible. L’autre, moyen bronze, porte au revers des instruments de sacrifice et peut-être l’effigie de Marcus Antonius Philippus Cæsar.

Ces monnaies datant du Ier et du IIe siècle de notre ère, on doit en conclure que les Romains connaissaient les sources des Salles. On sait d’ailleurs que ces conquérants, grands amateurs de bains et appréciateurs des eaux minérales, avaient pour habitude de déposer à proximité des sources, qu’il avaient divinisées, des monnaies d’or, d’argent et de bronze.

Dans une nouvelle édition de la vie de la mère Agnès, il est dit que la mère Agnès se rendit aux Salles, avec sa mère pour y prendre les eaux, par ordre des médecins, et ce voyage s’effectua en l’année 1623[1].

Vers la fin du XVIIIe siècle, M. de Genssane, membre de la société royale des sciences de Montpellier et correspondant de l’académie royale des sciences de Paris, parle en ces termes des eaux des Salles[2] :

« On trouve sur le bord de la Loire dans le territoire de Salles, paroisse de Saint-Martin, une source d’eau acide fort intéressante ; ces eaux m’ont paru contenir du sel de Glauber : elles sont très apéritives et seraient d’un excellent usage dans bien des cas, si elles étoient bien connues. Un des grands inconvénients, c’est que cette source salutaire est éloignée de toute habitation et qu’il n’y a aucun chemin qui y conduise ; d’un autre côté, ces eaux perdent considérablement à être transportées, parce qu’elles sont volatiles et que la partie spiritueuse s’en dégage tellement par le transport qu’elle casse les bouteilles lorsqu’elles en sont pleines. »

Un mémoire sur les eaux minérales de Margeaix, des Salles, des Estreix et des Pandreaux, publié par M. Arnaud aîné[3], porte ce qui suit :

« Cette eau minérale (des Salles) sourde sur la rive gauche de la Loire, dans la commune du Brignon, à 3 lieues et au sud du Puy. Elle contient par pinte, 28 grains 10/12 de substances fixes, dont 21 grains 11/12 de sous carbonate de soude, 2 grains 11/12 de carbonate de chaux, 1 grain 8/12 d’hydrochlorate de soude, 1 grain 4/12 d’hydrochlorate de magnésie, 7/12 de grain de sulfate de chaux, 4/12 de grain d’oxide de fer, 1/12 de grain de silice. On peut évaluer la quantité de gaz acide carbonique libre à 1/8 du volume de l’eau. »

Mais, comme le fait observer judicieusement M. le Dr Martel, dans une notice sur les eaux minérales de la Haute-Loire[4], le Dr Arnaud, peu exercé au manipulations chimiques, n’ayant point d’ailleurs employé tous les instruments et tous les réactifs nécessaires pour opérer avec justesse, n’a dû obtenir que des résultats plus ou moins défectueux, plus ou moins erronés ; c’est le jugement qu’ont porté sur son travail les rédacteurs des Annales de la Société d’agriculture pour 1827.

Les eaux des Salles ont été, il y a quelques jours, l’objet d’une analyse sérieuse et, dans une récente séance de l’Académie de médecine de Paris[5], M. Jules Lefort, au nom de la commission des eaux minérales, a donné lecture du rapport suivant :

« MM. de la Roche et Rioufreyt, propriétaires au Puy, ont formé une demande à l’effet d’être autorisés à exploiter deux sources d’eau minérales dites « source Saint-Martin et source des Rozières » qu’ils possèdent à Bonnefont, commune de Saint- Martin-de-Fugères, canton du Monastier, arrondissement du Puy (Haute-Loire).

Ces sources émergent du granit gris qui forme à leur point d’émergence le lit de la Loire. Leur captage est satisfaisant. Le débit de la source Saint-Martin est rendu assez variable par les bouffées d’acide carbonique qui s’échappent par intervalles : il est de 8 litres, 75 par minute, soit 12 600 litres en 24 heures. La température de l’eau est de 13°,5.

La source des Rosières a un débit de 6 lit. 1/2 en 3 minutes, soit 3 240 litres en 24 heures. Sa température est de 16 degrés.

Elles ont donné à l’analyse les chiffres suivants pour un litre :

Saint-Martin Rosières
Saint-Martin Rosières
Carbonates alcalins 
1,120 1,320
Carbonates de chaux 
0,402 0,512
Carbonate de magnésie 
0,192 0,270
Chlorure de sodium 
0,205 0,210
Sulfates alcalins 
0,020 0,030
Peroxide de fer 
0,010 0,010
Silice 
0,080 0,086
Total 
2,029 2,438

Ces deux sources contiennent une plus grande quantité d’acide carbonique libre et combiné. La composition de ces sources les fait rentrer parmi les eaux minérales. Comme toutes les formalités réglementaires ont été remplies, nous proposons à l’Acadé mie d’émettre un avis favorable, afin que les sources Saint- Martin et des Rosières soient autorisées à l’effet d’être employées en France pour l’usage médical. »

Les conclusions du présent rapport, mises aux voix, sont adoptées par l’Académie.


M. Nicolas signale l’énorme pression atmosphérique qui s’est produite ces jours derniers. D’après M. Dumas, de l’académie des sciences, cette pression (714mm) est due à un cyclone ascendant. Elle n’a eu aucune influence fâcheuse sur les récoltes, mais toutefois notre confrère estime qu’elle peut avoir pour conséquence, chez, l’homme, un accroissement de mortalité.

Un acte concernant la corporation des maçons et charpentiers du Puy, au XVIIe siècle, est, de la part de M. Henry Mosnier, l’objet de la communication qui suit :


Acte concernant la corporation des maçons et charpentiers de la ville du Puy (1632).

Les registres des anciens notaires de la ville du Puy contiennent un assez grand nombre d’actes concernant les corporations des divers métiers de cette ville. Que nos chercheurs les réunissent, et nous aurons bientôt une histoire complète des ces corporations si peu connues de nos jours :

« L’an mil-six-cent-trente-deux et le dixiesme jour du mois d’aoust advant midy, pardevant moy, notaire royal, establis en personne Pierre Chabrier, Barthélemy Roffiac et Claude Delolme, bailles et gardes des maistres massons et charpantiers de ceste ville du Puy, l’année présente, lesquelz, de leur gré, ont confessé avoir bien reallement receu présentement, devant moy dict notaire, tesmoingtz de Mathieu Accarion, Benoist Gramel et Pierre Floury, aussi bailles et gardes desdicts massons et charpantiers, l’année derniere, et encore ledict Benoist Gramel, second baille, l’année présente, illec présent et acceptant, scavoir est ung coffre qu’est dans l’esglise Sainte Claire, avec la clef, ung calisse avec sa patène d’argent et sa botte fermant à clef, une bassine estain cornoilhe avec sa paix, ving cinq deulhes petites ou grandes feulhes, quatre escusons servant aux processions, deux chandeliers leton, ung drap de mort, deux chandeliers fer, ung plat bois à donner le pain benit, deux croix bois, une enseigne vieilhe de taffetas, plus autre enseigne neufve de taffetas blanc, jaulne et rouge, avec ung St -Joseph au milieu d’icelle, une escharpe ou serviette pour pourter le pain bénit, une chasuble, avec son diacre et soubz diacre, laissée aux religieux de ladicte esglise pour faire le service divin. Dans le dict coffré a esté trouvé ung petit sac toile, avec quelques papiers dedans, concernant lesdicts estats, et, dans ung autre petit sac toile, a esté trouvé un arrest de la cour de parlement de Toulouse, pourtant autorisation des articles desdicts estals, signé de Malenfant, contract de transaction passé d’entre lesdicts mestiers, autre contract de transaction receu par Me Ferrand, notaire, le dernier febvrier, 1624, sentence arbitralle donnée par Mes Bertrand et Estienne du Claux, notaires audict siége, donnée par le sénéchal dudict Puy portant autorisation desditz articles nouveaux et autres actes et papiers mentionnés aux inventaires cy devant faicts que nous a esté en particulier espécifiés, trente-sept bouts cierges de cire entamés qu’ont esté laissés dans ledict coffre au pouvoir des bailles et gardes, l’année présente, et oultre ce ont confessé avoir receu desdicts Accarion et Floury les lettres de maistrise de Me  masson de Pierre Chauchetère, à lui octroyées par Monsieur frère unique du roy données à Paris, le 12 aoust mil six-cent-vingt-sept, signées Gaston, et plus bas par Monseigneur Goulas, scélées en cire rouge sur simple queue. — Plus imprimé de l’édict du Roy pourtant création de deux maistrise de toutes sortes et qualités d’arts et mestiers ez villes et lieux de royaume de France, où les mestiers sont jurés en faveur du mariage de monsieur le duc d’Orléans, frère unique du Roy, donné à Paris au mois de décembre mil-six-cent-vingt-six, contrat de vente desdictes lettres de maistrise, passé par Simon Canal, bourgeois de Ganges, en faveur dudict Chauchetère du douziesme de novembre mil-six-cens-trente-ung, signé par Charnaury, notaire, sentence donnée en la cour de monsieur le seneschal du Puy pourtant réception dudict Chauchetère audict estat et mestier de Me  masson, du sixiesme janvier dernier, signé par Monsieur de Fillère, juge-mage, lesdictes lettres de maistrise et autres actes rendus par ledict Chauchetère ausdicts Accarion et Floury, suivant le contract de maistrise passé en sa faveur par lesdicts mestres massons et charpantier, le huictiesme de ce mois. Plus lesdicts bailles et gardes nouveaux ont confessé avoir reçeu desdicts Accarion et Fleury ung coffre qui est dans l’esglise Sainct Ilaire de ladicte ville, dans lesquels a esté trouvé et rendu à iceux, une chasuple avec son estolle et manipule, une aube et deux amycts, un calisse avec sa palène estain, quatre burettes estain, deux napes, deux paires corporaliers et une purificatoire, ung mouchoir, deux chandeliers leton, ung missel, ung poupitre bois, une boiste à tenir hosties, ung libre en parchemin fort vieux et quelques bouts de cierges cire. Lesquels meubles tiltres, donations et choses sus especeffiées, lesdicts Chabrier et Roffian, Delolme, bailles et gardes nouveaux, ont quitté et quittent lesdicts Accarion et Floury et autres bailles et guardes de l’année dernière ; comme aussy ont reçeu dudict Accarion les quittances et autres mentionnées en son compte et promettent le tout randre en bon estat aux bailles qui seront esleus l’année advenir, soubz obligation et soubmission de leurs personne et biens au rigueur des cours royalles du Vellay, Sénéchaussée, communauté et commune duditct Puy et aultres de ce royaulme de France, avec deue renonciation. Faict au Puy, présens Guilhaume Sollier, Pierre Gire, Me  masson et charpentier de ladicte ville, Pierre et Sébastien Mareschal clercs dudict Puy, soubsignés avec ledict Delolme, les autres n’ayant sceu signer, de ce enquis, et moy, notaire royal soubsigné, recepvant. »

(Protocoles de Pierre Mareschal, notaire au Puy, 1630-1632, folIIJc IIIJXX VIJ.)


L’ordre du jour appelle la nomination des bureaux de la Société et du Comice agricole. Le dépouillement du scrutin donne pour résultats, le maintien des anciens bureaux.

À l’appui de sa candidature au titre de membre résidant, M. A. Wyart, professeur au lycée du Puy, envoie une notice sur le Collège de Tournon. Une commission est spécialement désignée pour présenter à la prochaine séance un rapport sur cette candidature.


A. Jacotin.

  1. Vie de la vénérable mère Agnès de Jésus, par M. de Lantages. Nouvelle édition revue et considérablement augmentée par l’abbé Lucot. Paris. Ve Poussielgue-Rusand. 1863. 2 vol. in.-8o, Tome I, pages 37, 134, 190, 226, 227, 228, 241.
  2. Histoire naturelle de la province de Languedoc, partie minéralogique et géoponique, par M. de Genssane… Montpellier, Rigaud Pons et Cie 1777, in-8, page 236 du tome III.
  3. Annales de la Société d’Agriculture… pour 1827, page 114.
  4. Almanach historique et agricole de la Haute-Loire pour 1852. Le Puy, Gaudelet, 1852, in-18, page 243.
  5. Bulletin de l’Académie de médecine no 5. Séance du 31 janvier 1882. Paris. G. Masson, in-8 sans date.