Sagesse de Bretagne/De la Fortune

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Sagesse de BretagneAlphonse Lemerre, éditeur1 (p. 250-255).

De la fortune


I
Mieux vaut instruire son petit enfant

Que de lui amasser du bien.
 
Mieux vaut un bon renom
Que du bien plein la maison.
 

Dieu ne regarde pas à la condition.


II

 

Pauvreté n’est pas un péché,

Mieux vaut cependant la cacher.

Celui qui a se lèche les lèvres,
Celui qui n’a pas regardé de travers.

Mieux vaut fumée que gelée,
Mieux vaut argent que cheveux.
 
Mieux vaut riche paysan
Que gentilhomme sans argent.
 
Une clef d’argent sait ouvrir
Mieux qu’une clef de fer toutes les portes ;

Mieux qu’une clef d’argent, ouvre une clef d’or.
III

 

Toujours l’on trouve la moisson du voisin

Meilleure que la sienne.
 
Qui tient le sac est aussi grand voleur
Que celui qui l’emplit.
 
Rarement homme s’enrichit
Sans tromper son prochain.

Pauvre qui s’enrichit
Devient pire que le diable.
 
Quand vous seriez de la race du chien,
Si vous êtes riche, entrez dans ma maison ;
Quand vous seriez de la race du roi,

Si vous êtes pauvre, allez à la grâce de Dieu.


IV


Les biens viennent, les biens s’en vont

Comme la fumée, comme toute chose.
 
Le bien qu’amasse le râteau
Avec le vent s’en va bientôt.
 
Celui qui épargna trouva
Le lendemain quand il se leva.
 
L’argent qui vient du diable

Vite s’en va pour le ferrer[1].
V
Il est plus facile au fils de demander au père

Qu’au père de demander au fils.
 
Quand le pauvre viendra à votre porte,

Si vous ne donnez pas, parlez-lui poliment.

 

prière en battant le beurre.

 

Saint Ives, saint Jean,

Mettez du beurre dans ma baratte ;
Et laissez-y un peu de lait

Afin d’en donner au cher pauvre.
  1. À la lettre : pour ferrer Pôl, un des surnoms du diable