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Saint-Thégonnec. L’Église et ses annexes/2/3

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CHAPITRE III


Calvaire (1610).


Le calvaire de Saint Thégonnec est un calvaire de premier ordre. Il n’est cependant pas aussi riche ni aussi imposant que ceux de Guimiliau et de Plougastel-Daoulas. Il est formé de trois croix, celle du Christ et celles des deux larrons, et d’un massif carré sur lequel sont reproduites différentes scènes de la Passion.

Quatre anges entourent la croix principale. Deux d’entre eux, formant comme grappe de chaque côté de la croix, recueillent le sang qui s’écoule des mains et du cœur du Christ. Le sang des pieds coule dans des calices tenus par deux autres anges.

Des deux côtés de la croix, sur les branches du croisillon supérieur on voit deux cavaliers dont l’un d’entr’eux est saint Longin, le soldat qui, d’un coup de lance, perça le cœur de Notre-Seigneur.

Entre les deux cavaliers, mais du côté opposé de la croix, se trouve un Christ à la colonne.

Sur les branches du croisillon inférieur, est représentée Notre-Dame de Bon-Secours entourée de saint Pierre et de saint Jean. Derrière ces trois personnages on voit au milieu, adossé à la croix, un Ecce-Homo, et dans les côtés la Vierge et saint Yves.

Sur le socle du calvaire se trouvent représentées différentes scènes de la Passion ainsi que la Résurrection.

À l’arrière-plan, tout à fait au pied de la croix, c’est la descente de Croix. Devant ce groupe, à gauche, c’est la mise au tombeau, et à droite, la Résurrection. Cette dernière scène comprend quatre personnages. Sur le tombeau un ange, à genoux, les yeux fixés vers le ciel où vient de monter le Christ.

Au bas, un soldat étendu à terre, tenant encore sa lance sous le bras, et de chaque côté du tombeau un soldat endormi.

En faisant le tour du calvaire par la droite, nous trouvons les scènes suivantes :

1° Jésus garrotté. 2° Le Christ, les yeux bandés, et souffleté par deux soldats. 3° La flagellation. 4° l’Ecce Homo. 5° Pilate se lave les mains après la condamnation de Notre-Seigneur. 6° Jésus portant sa croix rencontre la Véronique. Enfin, dans une petite niche au milieu du socle, saint Thégonnec et son chariot [1].

Ces différentes scènes de la vie de Notre-Seigneur ne sont pas reproduites dans l’ordre décrit par les évangélistes. À certains groupements, il manque même quelques personnages. Quand ces personnages ont-ils disparu, et à quelle époque, l’ordre des groupes a-t-il été bouleversé ? D’après une tradition encore vivante à Saint-Thégonnec, ce serait lors de l’époque révolutionnaire.

Les officiers municipaux de Saint-Thégonnec, comme bien d’autres d’ailleurs, reçurent une lettre pleine de menaces du district de Morlaix pour n’avoir pas encore abattu les croix qui se trouvaient sur le territoire de la commune.

« 16 Thermidor, an II (3 Août 1794).


« Je suis instruit que, malgré les diverses instructions que nous avons faites d’enlever les croix qui existent sur votre commune, vous n’avez fait jusqu’ici aucune démarche pour les faire disparaître ; je vous déclare que si, à la prochaine tournée que je ferai dans votre arrondissement, ces restes impurs du fanatisme insultent encore aux yeux des bons citoyens, je serai forcé de vous dénoncer aux autorités supérieures, et vous serez traités comme suspects, et vous savez la honte attachée à cette punition [2]. »

La municipalité n’exécuta pas cet ordre impie. On peut croire que, si les croix du calvaire sont encore debout, c’est que la chute de Robespierre et la réaction thermidorienne qui en fut la conséquence, arrêtèrent le zèle du district de Morlaix. Quant aux statuettes posées sur le socle du calvaire, la population se chargea elle-même de les faire disparaître. C’est à qui prendrait sa statue pour la soustraire à la haine iconoclaste des sans-culottes. Lorsque revint le calme, on vit le calvaire se reconstituer comme par enchantement. Les statuettes remontèrent de nouveau sur leur socle, et la reproduction des groupes se fit tant bien que mal. Quelques personnages de ces groupes furent même si bien cachés, qu’il fut dans la suite impossible de les retrouver [3].

  1. Voir Légende de Saint-Thégonnec.
  2. Documents pour servir à l’histoire du Clergé dans le Finistère pendant la Révolution, par M. le chanoine Peyron, p. 326.
  3. Ce calvaire a été l’objet d’un acte de vandalisme dans la nuit du 28 septembre 1908. Plusieurs groupes ont été renversés sur le socle et d’autres jetés à terre. Trois sujets : la flagellation, le portement de croix et Jésus souffleté par des soldats, ont même été brisés.