Satyres (1789)/Noël sur la naissance du Dauphin

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NOËL
SUR LA NAISSANCE DU DAUPHIN.

AIR : Tous les bourgeois de Chartres.


D’un dauphin, la naissance,
Enchante tout Paris ;
Sa subite existance
Trouble le Paradis.
Qui diable l’a produit,
Dit le Verbe en colere ?
C’est quelque tour du Saint-Esprit,
Car jamais personne n’a dit
Que le roi fût son père.

Pardonnez-moi, mon maître,
Répondit le pigeon,
Je n’ai pas donné l’être
À ce cher nourrisson.
De ce qu’on voit de beau,
La reine est le modele.
Coigny, brûlant d’un feu nouveau,
D’amour alluma le flambeau
Sans moucher la chandelle.


Le roi dit à la reine :
Baisez votre mari ;
Car ce n’est pas sans peine
Que l’œuvre a réussi.
J’étois bien éloigné
De croire à l’aventure :
J’étois prés de l’abandonner ;
Mais à force de fourgonner,
J’ai forcé la serrure.

On fit place à Madame
Tout au près du poupon ;
Monsieur disoit : ma femme
A déjà un soupçon.
Chacun se regardoit
En faisant la grimace.
Un plaisant dit : Je crois le cas ;
La chose ne me surprend pas,
Mais l’auteur m’embarrasse.

Au diable soit l’affaire,
Dit le comte d’Artois ;
Si j’en eus voulu faire,
Il n’eut tenu qu’à moi.
J’aurois pu procurer
Cette race bâtarde ;
Mais pour le bien de mon enfant,
Je m’en allois tranquillement
Baiser ma Savoyarde.


Elisabeth arrive
Aux premières douleurs,
Criant : que ma sœur vive :
Exaucez-moi, Seigneur.
Mais voyant qu’un enfant
Est le mal qui la presse,
Ceci, dit-elle, n’est qu’un jeu ;
J’en ai déjà, vu faire deux
À Diane la comtesse.

Pesant quatre cent livres,
Monseigneur d’Orléans,
Parut, quoiqu’il fût ivre,
Parmi les courtisans :
Il comptoit ses chagrins
Au prélat de Toulouse.
Plaignez, disoit-il, mes destins ;
Mon fils vit avec les catins,
Et moi, je les épouse.

En calculant, d’avance,
Son nouveau bâtiment,
En toute diligence,
Chartres vint un instant :
Dans ma société,
Dit-il, je me concentre ;
Je n’ai plus qu’un petit hôtel ;
D’un palais j’ai fait un bordel :
Je suis là dans mon centre.


Madame de Lambale
Parcourant les appas
De l’épouse royale,
Dit : je ne croyois pas
Qu’on puisse, sans époux,
Un jour devenir mere.
Cependant deux petits bâtards,
Qu’elle avoit créés par hasard,
Lui prouvoient le contraire.

Au comble de la gloire,
Jules dictant ses lois,
Dit : je sais cette histoire
Sur le bout de mon doigt.
La reine aime à jouir,
C’est de l’âge où nous sommes ;
Mais, pour contenter son désir,
Et pour varier son plaisir,
je lui permis les hommes.

Aux faveurs de la reine,
Espérant parvenir,
Charlotte de Lorraine
Voulut tout réunir :
Michelot lui montra
Le nouvel exercice ;
Mais l’offre ayant mal réussi,
La princesse se réduisit
À conserver l’actrice.


Du Nestor de la France
On attendit le mot ;
Mais son indifférence
Attrapa plus d’un sot.
Je trouve tout cela,
Dit-il, très-ordinaire.
On peut se tromper en ce cas.
Et moi donc, ne croyois-je pas
D’Amelot être père ?

Pour voir leur nouveau maître,
On vit, avec éclat,
Près du berceau paroître
Les ministres d’état.
Mais voyant des manchots,
Des sots, des imbéciles,
L’enfant se mettant à parler,
Dit : c’est ce qu’on peut appeller
Le choix de l’évangile.

Castries disoit : l’histoire
S’occupera de moi ;
La plus brillante gloire
Couronne mes exploits.
Je voulois essayer
D’adoucir l’onde amere ;
Ma flotte a si bien travaillé
Qu’elle a déjà, pendant l’été,
Fait de l’eau toute claire.


En Crispin de province
Vint là Miromesnil ;
Jadis ami du prince,
Il eut quelque crédit :
Maurepas qui le vit,
Dit : il sera des nôtres ;
Il est un peu fripon et sot,
Mais enfin, pour ne dire mot,
Vaut autant lui qu’un autre.

Fitz-James la duchesse,
Que son mari gâta,
Parut dans la tristesse
À cette assemblée là ;
Je pleure encor d’Artois,
Dit-elle, ; il étoit drôle.
Chartres m’amusa quelquefois,
Mais de les perdre tous les trois,
Puiségur me console.

Fleury resta muette,
Même auprès de l’enfant ;
De Mesmer la recette
N’opéra nullement.
On crut cet accident
D’abord contre nature,
Mais Lassonne y réfléchissant,
Dit : je reconnois clairement
Les effets du mercure.


Rebut de la livrée,
L’impudente d’Ossun,
De luxure enivrée,
N’en refusoit aucun :
Si de Jesus naissant,
Elle eût, vu la cabane,
Pour ne pas perdre ce moment,
Elle en eût fait chasser l’enfant
Pour coucher avec l’âne.

S’aspergeant d’eau bénite,
La pauvre Luxembourg,
Du diable et de sa suite
Crut garder son-fauxbourg :
Ce jour elle oublia
La chrétienne lavure ;
Le diable vint et la tenta,
Mais le malheureux la rata
Quand il vit sa figure.

Apportant une lettre
Du sieur Agironi,
Fougeri vint se mettre
Parmi les favoris :
On peut se confier,
Dit-elle, à ma parole ;
Désormais, on peut s’y fier,
À Montagnac, pour le dernier,
J’ai donné la vérole.


Avec grande noblesse
Une dame arriva ;
Elle fendit la presse,
Et chacun se rangea.
Cette dame, Messieurs,
En valloit bien la peine ;
C’étoit la princesse d’Hennin :
Comme elle est tribade et catin,
On la prit pour la reine.