Savoir aimer/Hymne

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Savoir aimerPubliés par les amis de l’auteur (p. 10-12).


HYMNE



Amour qui voles dans les nues
Baisers blancs, fuyant sur l’azur,
Et qui palpites dans les mues,
Au nid sourd des forêts émues,

Qui cours aux fentes des vieux murs,
Dans la mer qui de joie écume,
Au flanc des navires, et sur
Les grandes voiles de lin pur,

Amour sommeillant sur la plume,
Des aigles et des traversins,
Que clame la sybille à Cume,
Amour, qui chantes sur l’enclume ;

Amour, qui rêves sur les seins
De Lucrèce et de Messaline,
Noir dans les yeux des assassins,
Rouge aux lèvres des spadassins ;


Amour riant à la babine
Des dogues noirs et des taureaux,
Au bout de la patte féline,
Et de la rime féminine ;

Amour, qu’on noie au fond des brocs,
Ou qu’on reporte sur la lune,
Cher aux galons des caporaux,
Doux aux guenilles des marauds ;

Aveugle qui suit la fortune,
Menteur naïf dont les leçons
Enflamment dans l’ombre opportune
L’oreille rose de la brune ;

Amour, bu par les nourrissons
Aux boutons sombres des Normandes ;
Amour des ducs et des maçons,
Vieil amour des jeunes chansons ;

Amour, qui pleures sur les brandes
Avec l’angelus du matin
Sur les steppes et sur les landes
Et sur les polders des Hollandes ;

Amour, qui voles du hautain
Et froid sourire des poètes,
Aux yeux des filles dont le teint
Semble de fleuret de satin,

Qui vas sous le ciel des prophètes
Du chêne biblique au palmier,
De la reine aux anachorètes,
Du cœur de l’homme au cœur des bêtes ;


De la tourterelle au ramier
Du valet à la demoiselle
Des doigts du chimiste à l’herbier,
De la prière au bénitier,

Du prêtre à l’hérétique belle,
D’Abel à Caïn réprouvé,
Amour, tu mêles sous ton aile
Toute la vie universelle

Mais, ô vous qui m’avez trouvé,
Moi, pauvre pêcheur que Dieu pousse,
Diseur de Pater et d’Ave,
Sans oreiller que le pavé,

Votre présence me soit douce !