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Sermon joyeux d’un depucelleur de nourrices

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SERMON JOYEUX

d’un Depucelleur de Nourrices.



HE mon Dieu ! tant i’ay faict de tours
De petits ſaults & de voyages,
Puis ung pour voir en decours
Ces doulx yeux, ces plaiſans viſaiges,
Ces plaiſans corps, ces doulx ymages
Traictis à porter ſur le poing,
Ung homme d’armes caſſé aux gaiges
En fuſt couru cinq cens lieues loing.
Si n’eſt-il que frapper en coing,
Et hanter en maints divers lieux,
Eſtre touſiours gent & empoinct,
Et en tout temps eſtre amoureux.
Ha pauvres amans malheureux !
À vous treſtous ie ſignifie
Et conclus touſiours pour le mieux
Qu’il n’eſt qu’eſtre en Seigneurie,
Puiſqu’il faut que ie vous le dye,
Le ſangbieu i’euſſe eſté riche
Une foys un iour de ma vie,
Si i’euſſe prins une Nourrice,

Qui vouloit bien que ie la prinſſe
Par honneur & en mariage,
Et m’abandonner que ie feiſſe
Cela & tout le cariage,
Mais ie craignois le pucelage
Donc ie moderay mon courage,
Et eus remors de conſcience ;
Touttefois ne feuſt en conſéquence
De moy tant fuſtes réſolu
De ſçavoir faire réſiſtance,
Que ie n’en euſſe un verd pelu,
Et moy le méchant trupelu.
Quand ie me fus bien réiouy,
Le ſang bieu i’ay cuit & moulu,
Fie-ie en moy, ſi n’en iouy
Au matin quant i’eus bien ouy,
Iamais n’auray le pucellage ;
Et voicy ce plaiſant ymage.
Ce cul maſſif, ce corps petis
Ce tetin dur comme un fourmage
Et reffait comme un pain fetis,
Deux gros yeulx rians putatifs,
Un langaige fin, frate & friant,
Pour bien trouver ſans appétis
Quand il venoit quelque priant
Une fois en la dépriant,
Ie mis mon doigt en ſes tetins,

Ha que vous eſtes ennuyant,
Se me dict la chienne maſtine !
Voire voicy bien ſigne
Que vous m’aymez par deſhonneur,
Il ſemble que ie ne ſois pas digne
D’avoir à mari tel Seigneur.
Ha, ha ! ſe dis-ie, ſa voſtre honneur
Aultre choſe ie ne demande,
Mais on le faict de meilleur cueur
Quand on cognoiſt ce qu’on marchande.
Coment m’appellez-vous bien marchãde.
À qui parlez-vous ie ne ſçai,
Mais il n’eſt ſi bonne viande
Que celle qu’on prent à l’eſſay,
À bien peu que ie ne la laiſſay,
Tant me rebroua laidement ;
Et ſi n’avois-ie ne faim ne ſoif
Tant ie l’aymoye parfaictement.
Ha, ha ! ſe dis-ie mamour, comment
Me laiſſez-vous geſir au plaſtre ?
Il me ſembloit hier tant ſeulement
Qu’il ne falloit que vous abattre.
Vous garçon, vous meſchant follaſtre,
Venez-vous pour moi requerir,
Ie vous ferai ſi très-bien battre
Qu’il vous ſouviendra de mourir,
Et moy d’aller & de courir,

Et devant & elle me regarde,
Or Dieu me veuille ſecourir.
Oncques i’eus ſi belle veſarde,
Ie ſuls là tant que la nuict tarde
Au vent & à la pluye gelée,
Et elle va à la mouſtarde
À tout la chandelle allumée,
Et moy après, & d’abordée
Ie la ſouffle & elle s’écrie :
Or dis-ie ma très-bien aymée,
Taiſez-vous, & ie vous en prie,
Qui eſſe ? ce ſuis-ie ma mie,
Celuy que vous debvez aimer.
Ha ! ie prie Dieu qu’il vous mauldye,
Ne vous ſçauriez-vous nommer ?
Et de baiſer, & d’accoller
Cecy cela que faictes vous ?
Ie ſuis priée de me marier,
Se me diſt-elle tous les iours,
Et ſouffroit deſſus & deſſoubz
Qu’on levaſt drapeaulx & cotelles,
Mais elle defendoit tous les coups
Qu’on ne touchaſt point aux mammelles.
Nous fuſmes là bien deux chandelles
À baver & à caqueter,
Ainſi ſervent les Becquerelles
De mouſtarde après-diſner ;

Et voicy couvre feu ſonner
Din don dan, la Vierge honorée,
Dieu me le veuille pardonner,
Ie ſuis Nourrice villenée
Que feiſt-elle & d’abordée
Elle commença à tancer,
Ha, dict elle, malle iournée,
Puiſſe envoyer Dieu au meſtier,
Il l’a fallut aller chercher
Au marché à la Boucherie,
Et quand c’eſt venu au dreſſer,
Encore eſtoit elle faillie.
Ha garce ! que Dieu te mauldye,
Diſt la maiſtreſſe Dieu aydant,
Tu pourrois bien eſtre fourbie,
Te falloit-il demeurer tant ?
Bien bien fais le Bers de l’enfant,
Et lui donne ung peu la tette,
Et ie ſuis à l’huis de devant,
Là où ie baiſe la cliquette,
Ie regarde puis hault puis bas,
Et comme ie lieve la teſte,
Voicy cheoir ung pot de piſſas,
La vertu bieu quel faguenas !
Fy ſans bieu oncq ne pouvoit pirs,
Ma robbe couloit comme un panirs
Qu’on tire du parfond du puys,

Et voicy ſaillir ventz de l’huys,
Le corps bieu fis-ie, ſuis-ie prins,
Et ie ſaulx tout ainſi trempé,
Si ne ſerai-ie point happé,
Ie m’en vais, ie n’ai point ſoupé,
Ie puz, ie ſens, ie ſuis infect :
Venrtrebieu ie ſuis bien trompé,
Fis-ie en moi ſi n’ai rien faict,
Ie voi mon lict qui n’eſt pas faict,
Il n’y a ne feu ne chandelle,
Ie couchay la nuict en effet
Sans changer pourpoinct ni cotelle :
Au matin ie viens vers la Belle
Ung peu devant le ſoleil levant,
Quelque peine que i’euſſe pour elle,
I’eſtoye mieux prins que par devant,
Et Dieu gard & Dieu vous avant,
Comme va & bien ma mye,
Sur ma foy ie vous ayme tant
Que ie ne ſçai plus que i’en dye,
Si ſuis-ie, bien en melancolie
De ce que i’ay ſentu icy.
Ha ! ſe dis ie, ma doulce amye,
C’eſt le ruiſſeau qui put ainſi,
Deux amoureux ſur un eſtat
Ils ne vivent pas ſans ſoulcy.
Pauvres amans de Portugal,

Ha ! dict-elle ie ſens ſi mal
Que ie ne puis icy durer,
Mais ie veux en eſpecial
Ung peu votre faict aſſeurer,
Si me voulez icy iurer
Que vous me tiendrez feaulte
Ceſte nuict ſans plus endurer
Noſtre faict ſeroit appoincte :
Or dis-ie par ma loyaulté,
Ie ſeray ſecret & couvert.
Or bien doncques ſur ce troycet
Ie vous laiſſeray l’huys ouvert,
Ie m’en voys, ie porte le vert,
Ie m’accouſtre, ie me tiens friſque,
I’ay le cul auſſi deſcouvert
Comme un danſeur de moriſque,
I’armes le poil, ie m’eſtricque,
Ie tracaſſe, rien ne me nuiſt,
Mais i’euz le plus beau coup de bricque
Ie vous le compteray ennuyſt
Quant ce vint entre ſept & huict,
Ie m’en vins à l’luys de derriere,
Et ie ſens le verroul qui nuyſt
Tour à travers de la barriere :
Ha ſe fis-ie, faulce loudiere
Vous m’avez ioué de la fue,
Et ie m’en voys un peu arriere,

L’heure n’eſt pas encore venue,
Ie gaindz, ie glaſtys, i’eſternue,
Ie regarde ne ſçay que c’eſt,
Et elle ſe lieve toute nue
Pour venir ouvrir le guichet.
Elle s’en va l’huis eſt ouvert,
Mais qui pirs eſt ie n’en ſçay rien :
Ha garce le m’avez-vous faict ?
Sansbieu vous ne faictes pas bien,
Ie heurte, ie fais le petit chien,
Gnauf, nauf, c’eſt à demain,
Sansbieu pour perdre le mien
Ie feray ung coup de ma main,
Et ie m’en voys ung bien peu loing,
Et i’acours l’eſpaule en avant,
Et ie treſbuche mon villain,
Et ie chetz la teſte devant.
He le vray Dieu treſtout puiſſant !
Qu’eſt-ce la s’eſcria le maiſtre ?
Diſt la Nourrice, c’eſt le vent
Qui a rompu une feneſtre,
Encore ce peut bien eſtre,
Faictes tant qu’elle ſoit recloſe,
Levez-vous & l’allez remettre
Viſtement ſans faire aultre choſe.
Ie ſuis-là, ou pour parler ie n’oſe,
De crainte de les reſveiller ;

Mais la trappe eſtoit deſcloſe,
Dont ie cheutz au fond du cellier.
Meſſeigneurs, voici le varlet
Qui depucelle les Nourriſſes,
À tous le dict ſoient blans ou verts,
Ieunnes ou viels, pauvres ou riches,
Ie ſuis qui romps les Huis ouvers,
Et depucelle les Nourriſſes.


FIN.