Silbermann/VIII

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NRF (p. 172-193).

VIII


Ce fut ma dernière entrevue avec Silbermann. Notre séparation me fut moins douloureuse à la suite de ces étranges adieux. Toutefois lorsqu’il eut cessé définitivement d’être mêlé à ma vie, je tombai dans une profonde désolation. Ni sa personne même ni la fin de notre amitié n’en étaient cause. Je souffrais de ne plus recevoir, chaque matin, à mon réveil, en même temps que la première flèche du jour, l’inspiration de cette tâche glorieuse. Habitué aux rudes efforts et aux sacrifices qu’elle m’imposait, je me résignais mal à des actes indifférents et sans nobles visées. L’existence avait perdu tout prix et m’apparaissait affreusement morne.

Cette impression provenait aussi de ce que Silbermann, en m’apportant une multitude de notions nouvelles, avait détruit la plupart de celles que je possédais. Et maintenant que son esprit mobile n’était plus là pour entraîner le mien, je m’apercevais de ces ruines.

Elles se trouvaient partout.

Enclin à contredire, prompt à exercer son sens critique, Silbermann m’avait rendu habile à discerner le défaut des choses. Ainsi, en matière de littérature, il avait l’habitude d’appuyer toute admiration par quelque dénigrement ; et comme son goût changeait souvent, il était fréquent de l’entendre dépriser par un raisonnement subtil une œuvre que peu auparavant il avait placée au-dessus de toute autre. Je l’avais trop écouté. Par ces rabaissements successifs il avait abouti à me démontrer l’imperfection de tout ce que j’avais lu. Maintenant, quand je relisais un livre que j’avais aimé naguère, je ne retrouvais plus jamais le même sentiment absolu. La notion obscure que toute qualité est relative empoisonnait les jouissances que me procurait la lecture et arrêtait mes curiosités nouvelles. Enfin, instruit par Silbermann avec légèreté et confusion, je ne voyais plus, dans tout ce que les hommes ont écrit, qu’un stérile remuement de pensées et d’images qui se perpétuait depuis des siècles. Et devant ma bibliothèque, comme si la trop avide intelligence du jeune Juif m’eût communiqué la satiété fameuse d’un de ses rois, je songeais aux paroles de l’Ecclésiaste : « Quel avantage revient-il à l’homme de la peine qu’il se donne ?… Tout n’est que vanité et poursuite du vent. »

Mais c’était dans notre foyer que les ruines causées par Silbermann étaient le plus sensibles. Là, tous mes dieux étaient renversés. Les idées en honneur, nos petites lois domestiques, notre conception du beau, tout avait perdu son prestige. Et l’autorité de mes parents devait subir bientôt une déchéance pareille.

Déjà, depuis quelque temps, je n’avais plus la même vénération aveugle envers eux. J’avais eu le soupçon à deux reprises que certaines de leurs pensées m’avaient toujours échappé. Je n’avais pas oublié l’étrange figure de mon père s’acharnant à m’imputer des actions infâmes ni l’attitude de ma mère cherchant à me détacher de Silbermann par les moins nobles arguments.

Un soir, comme j’allais pénétrer dans la salle à manger où ils se trouvaient, j’entendis prononcer le nom de Silbermann. Je m’arrêtai sur le seuil. J’étais caché par une portière.

— Sa culpabilité ne fait point de doute, disait mon père. Mais en somme on peut dire que les charges relevées contre lui ne sont point précises.

— S’il en est ainsi, mon ami, considère combien l’appui d’un député influent peut te servir. En faisant ce que Magnot te demande, tu acquiers tous les droits à sa reconnaissance.

Je soulevai la portière et entrai.

Ma mère s’interrompit. Son visage et celui de mon père prirent aussitôt cette contenance grave et recueillie que je leur voyais toujours au moment que nous nous installions à la table du repas. Oui, c’était devant moi, sous la lumière du globe suspendu, le tableau quotidien, la cérémonie habituelle. Cependant, le changement de leur physionomie n’avait pas été si prompt que je n’eusse surpris dans les traits de ma mère une expression mélangée de cupidité et d’insistance, et dans le regard de mon père une sorte de vacillement. Alors, brusquement, la question que Silbermann m’avait posée un jour me revint en mémoire : « Qui pourrait agir sur ton père ?… une personnalité politique ?… Mon père en connaît plusieurs. » Je compris que l’on avait fait certaines démarches en faveur du père de Silbermann ; je compris que ma mère, mise au courant des faits, était en train d’évaluer avec une âpre connaissance le profit à tirer de la situation, et que le juge, mon père, qui avait toujours présenté à mes actes l’exemple d’une droiture inflexible, hésitait et même penchait vers la fraude.

Je pris place entre eux. Mes pensées étaient vagues. Il me semblait que le sol sur lequel j’avais posé mes pas jusqu’ici perdait soudain toute fermeté. Mes parents se doutaient-ils que j’avais surpris leur conversation ? Je ne sais ; toutefois j’ai le souvenir d’une certaine gêne chez eux. Ils m’observaient à la dérobée. Le repas commença en silence.

Je songeais au sermon sur l’intégrité de la justice que mon père m’avait fait entendre dans son cabinet, à son accent majestueux et quasi divin lorsqu’il prononçait le mot conscience. Je songeais aux blâmes sévères que ma mère portait si souvent sur les actions des autres. Ils n’agissent point comme ils me le donnent à croire, disais-je intérieurement, ils me trompent, ils m’ont toujours trompé.

Cette pensée réfléchissait sa lumière sur le passé. J’avais souvent comparé la conduite de mes parents et le système de leurs actes à ces tapisseries au canevas que ma mère brodait avec patience et régularité durant nos veillées. Et maintenant, il me semblait découvrir l’envers de l’ouvrage ; derrière les lignes symétriques et les beaux ornements aux tons francs, j’apercevais les fils embrouillés, les nœuds, les mauvais points.

Mes parents m’adressèrent quelques paroles engageantes. Je répondis par monosyllabes. Le regard fixe, je revoyais, comme si la tapisserie s’était déroulée devant moi, leurs gestes simples, leurs préceptes stricts, leurs nobles actions ; et chacune de ces belles images s’ajustait à une trame horrible. Ah ! je me souciais peu que ce qu’ils ourdissaient maintenant eût pour conséquence de sauver le père de Silbermann ! Dans le soudain bouleversement de mes notions morales je ne pensais plus à cet événement.

Bien mieux, au lendemain de cette scène, espérant de toute mon âme que mon père ne céderait pas aux pressions exercées sur lui, je souhaitai que la preuve m’en fût donnée par la mise en accusation de l’antiquaire. « Sa culpabilité ne fait point de doute », avait affirmé mon père. Et je tremblais qu’il ne se prononçât contrairement à cette conviction.

Quelques jours plus tard, ma mère, me prenant à part avec une mine mystérieuse et complice, me dit que puisque je m’intéressais au père de mon ancien camarade, je pouvais être rassuré sur son sort : les conclusions de l’instruction lui étaient favorables et seraient certainement approuvées par le parquet.

Ainsi, la conscience de mon père, qui était restée fermée à tout sentiment de pitié, avait fléchi devant la considération d’un avantage personnel.

J’écoutais les paroles de ma mère avec un air si méprisant qu’elle rougit et détourna la tête.

Peu après, en effet, une ordonnance de non-lieu fut rendue en faveur du père de Silbermann. Et par un singulier revirement, cette décision que nous avions tous deux si impatiemment attendue naguère toucha peut-être à peine Silbermann dans sa nouvelle patrie ; et moi, à qui elle confirmait l’indignité de mon père, je l’accueillis avec des larmes de honte.

Alors, après ce dénouement, un sentiment de révolte éclata en moi contre mes parents. Je pensais avec colère aux rigides principes de morale qu’ils m’avaient inculqués sans les observer eux-mêmes ; je pensais à la voie étroite et difficile que je m’étais toujours évertué à suivre ? Vers quel but ? Et de quelle utilité cette dure servitude ? Quelquefois, dans la rue, par le goût de m’imposer de petits devoirs, je m’appliquais à marcher sur la ligne marquant la bordure du trottoir. N’était-ce pas d’une manière analogue que je me conduisais dans la vie, regardant à peine les choses, l’esprit obsédé par une règle aussi rigoureuse et aussi absurde ?

Je comptais toutes les privations que je m’étais infligées ; je songeais à la réduction que je faisais constamment subir à mon être, lorsque, avec autant de soin et autant de joie que mon grand-père tandis qu’il rognait sa vigne, je retranchais mes sentiments trop vifs et réprimais mes beaux désirs.

Il me parut qu’on avait abusé de ma crédulité d’enfant ; et avec une sourde violence, je me dressai contre ceux dont j’avais été la dupe. J’évitai autant que je pus la compagnie de mes parents. Peu à peu, je cessai même de leur adresser la parole.

Je ne sais ce qu’ils pensaient de ma conduite, car j’affectais d’ignorer leur présence et ne levais plus jamais les yeux sur eux. Néanmoins il m’arrivait parfois de les épier obliquement dans un miroir ou dans une surface polie, et j’apercevais alors le regard de ma mère désespérément attaché à ma personne.

Quelque temps passa. Je vivais dans un affreux ennui, n’ayant plus foi en la vertu et n’ayant point le goût du mal.

Un soir, comme je rentrais à la maison, je vis ma mère venue à ma rencontre dans l’antichambre. Elle tenait à la main un journal et me dit avec une émotion joyeuse :

— Ton père est nommé conseiller à la cour. La nouvelle est annoncée officiellement ce soir.

À ces mots, en dépit de mes efforts pour rester insensible, je ne pus réprimer un signe d’intérêt. C’est que cet avancement était attendu dans ma famille depuis des années. Maintes et maintes fois j’en avais entendu parler. Je savais qu’il marquait une étape considérable dans la carrière de mon père. Je n’ignorais pas l’activité déployée par ma mère pour le hâter. « Passer à la cour »… s’exclamait-elle souvent en joignant les mains… Toutes ces pensées me remuaient malgré moi…

Ma mère discerna sans doute ce trouble. Elle dit gravement ces simples mots :

— Mon enfant, ne te joindras-tu pas à nous en ce jour de bonheur ?

Je levai les yeux vers son visage. Depuis longtemps je m’en étais obstinément détourné. Et comme si retrouver ce visage me l’eût mieux fait voir, j’y découvris certains signes que je n’avais pas remarqués encore : quelque chose d’épuisé dans les orbites et un certain amincissement aux tempes. Il me parut pour la première fois que cette figure n’était point formée, ainsi que les enfants le croient de leurs parents, d’une chair inaltérable et comme idéale, mais, au contraire, périssable et qui déjà était usée. Je ne sais quel fut le sentiment qui se fit jour dans mes yeux ; mais je vis ma mère qui abaissait la tête et faisait un geste accablé. Alors, fondant en larmes, je me jetai tout d’un coup vers elle.

Je ne pleurais pas seulement par attendrissement ou par repentir ; je pleurais surtout sur la misère qui se révélait à moi. Car j’avais compris, en reconnaissant la fragile matière de ce pur visage, qu’il n’est point d’âme, toute vertueuse et toute tendue à la sainteté qu’elle est, qui puisse s’élever hors de l’imperfection humaine. J’avais compris que l’application d’une haute morale est impossible à aucun d’entre nous. Et je pensais tristement qu’il me fallait renoncer aux belles missions que j’avais rêvé d’accomplir.

Sans doute ma mère distingua-t-elle la vraie raison de mes larmes. Une expression de douleur et d’humiliation parut sur ses traits. Peut-être allait-elle me confier combien elle avait souffert, au cours de sa vie, de ses luttes morales et de ses défaillances. Mais je voulus lui épargner tout aveu et appuyai doucement mon front sur ses lèvres frémissantes.

Entraînant avec légèreté son fardeau, elle poussa la porte du cabinet de mon père. Mon père sourit à notre vue et, laissant son travail, il vint vers nous. Il me baisa au front. Nous restâmes tous les trois unis un moment. La servante entra et annonça le dîner. Alors, à ces mots, mon père, récitant le verset avec une pointe d’enjouement :

— Mangeons et réjouissons-nous, car mon fils que voici était mort et il est revenu à la vie ; il était perdu et il est retrouvé.

Et ma mère, avec des mouvements ravissants, fit le geste de me vêtir d’une belle robe et de me passer au doigt un anneau, ainsi qu’il est écrit au retour de l’enfant prodigue.

Au lycée, après le départ de Silbermann, je m’étais replié dans l’isolement auquel m’avait condamné mon amitié pour lui. Avec une rancune tenace je restais parmi mes compagnons aussi fermé et aussi farouche qu’en face de mes parents. Et puis, est-ce qu’aucun d’eux était capable de remplacer Silbermann ? En voyais-je un seul, même entre ceux qui goûtaient le plus les choses de l’esprit, qui fût animé d’une passion intellectuelle semblable à celle du jeune Israélite ? Quand je pensais à la curiosité qui agitait perpétuellement celui-ci, quand, rappelant nos entretiens, je me remémorais cette qualité brûlante et capiteuse qu’il savait donner aux idées abstraites, il n’y avait point d’intelligence autour de moi qui ne me parût dénuée et sans force.

Cependant, j’aurais pu renouer facilement quelques camaraderies, car le conflit qui m’avait fait mettre à l’écart était oublié peu à peu. Au dehors, l’activité des partis politiques s’était amortie et la ligue des Français de France avait perdu beaucoup de son importance. À l’intérieur du lycée, l’excitation antisémite avait cessé pour plusieurs raisons. D’abord, les Juifs étaient chaque jour en plus grand nombre et, de ce fait, moins remarqués. Puis, à la suite d’une grave incorrection envers un professeur, Montclar avait été renvoyé. Privés de leur chef, ses compagnons s’étaient calmés ; La Béchellière avait repris ses manières froides et gourmées, et Robin était retourné à d’inoffensifs plaisirs.

Je ne pensais plus guère à Robin et ne cherchais pas à me rapprocher de lui.

Un jour, environ le printemps, comme nous étions en classe, je le vis qui rêvait avec une gravité inaccoutumée vers la croisée. On apercevait à travers la vitre, détachés sur le ciel bleu, les premiers rameaux verdoyants. Puis, soudain, son regard se dirigea de mon côté et se posa lentement sur moi. Mais ne recueillant aucun consentement, aucune réponse, ce regard repartit. La surprise passée, ce signe de concorde ainsi hasardé m’émut profondément. Je songeai, sans bien savoir pourquoi, au premier coup d’aile de la colombe après les sombres jours du déluge ; et j’eus le présage d’un apaisement définitif de toutes choses. Mais soit fierté, soit faiblesse, nous n’osâmes rien l’un envers l’autre ; et plusieurs semaines passèrent sans nouvelle tentative.

Le printemps apporta, cette année, une chaleur prématurée. Les pluies furent rares, et l’air, sous le ciel ardent, fut étouffant.

Dans la solitude où je me trouvais, j’étais particulièrement sensible à cette aridité ; j’éprouvais comme une altération de tout mon être et rêvais d’une source nouvelle qui rafraîchirait ma vie.

Un soir, sur le chemin de la maison, je passai devant l’école Saint-Xavier. C’était l’heure de la sortie. La température était tiède. Le soleil se couchait derrière quelques nuées. Et soudain, sans un coup de tonnerre, dans l’air entièrement calme, de grosses gouttes de pluie commencèrent à tomber. J’allais m’abriter contre un mur, sous un échafaudage qui était en saillie. Les élèves de Saint-Xavier s’éparpillèrent dans la rue. Quelques-uns, des plus jeunes, qui portaient encore l’uniforme de l’école, la courte veste bleue et la casquette ornée d’un ruban de velours, se mirent à courir et, par jeu, levant les bras, criant et riant sous l’ondée bienfaisante, adressèrent des louanges au ciel.

Je les regardai, à l’étroit dans mon coin, et haussai les épaules. En raison de mon caractère volontiers secret ou d’une éducation un peu puritaine, j’avais toujours considéré la libre expansion de la joie comme une manifestation choquante et niaise. Et cependant, il y avait tant d’ingénuité et de gentillesse dans les mouvements et les mines de ces garçons, ils me parurent avec une telle évidence plus heureux que je ne l’étais, que l’envie me vint de me mêler à eux et de recevoir le même baptême délicieux...

À ce moment, quelqu’un, qui tête baissée se protégeait contre la pluie, vint se réfugier à côté de moi. Sous l’abri, la tête se releva ; et je reconnus Philippe Robin. En me voyant, il eut une expression gênée, rougit et esquissa un sourire. Sans rien dire, je m’écartai un peu pour lui faire place. Et comme je faisais ce mouvement je découvris derrière nous un dessin sur le mur. C’était une caricature au fusain représentant grossièrement Silbermann. Les traits avaient pâli, mais ils avaient entaillé la pierre et étaient encore bien visibles. On reconnaissait, surplombant le cou maigre, le profil anguleux, le nez recourbé, la lèvre pendante. Au-dessous on lisait encore une inscription : Mort aux Juifs.

Le regard de Robin s’était porté en même temps que le mien vers le mur. Il rougit plus fort, hésita un instant, puis, d’une voix humble et caressante, il murmura :

— Veux-tu que nous oubliions tout cela et que nous redevenions amis ?

Oublier ?… Était-ce possible ? À la vue du dessin et de l’inscription, une ardeur comme mystique s’était rallumée en moi. Je pensais à ce que j’avais appelé ma mission, je me remémorais ma promesse initiale, la longue lutte soutenue, mes efforts pour sauver Silbermann ; j’avais le souvenir du frissonnement extraordinaire qui s’emparait de moi lorsque, à ses côtés, honni et frappé autant que lui, je répétais : « Je lui sacrifie tout… » Non, ces choses ne pouvaient point s’effacer. La moindre parole de réconciliation me parut un reniement. J’eus l’impression qu’elle ne pourrait sortir de ma gorge ; et raidi, les dents serrées, je demeurai dans un silence farouche.

Mais comme je repassais mentalement par ces épreuves, j’aperçus la voie où j’étais engagé ; voie difficile, abrupte, où l’on gravit sans repos, où l’on se heurte à mille obstacles, où le moindre trébuchement amène une chute. J’eus la vision d’une vie pénible et dangereuse au cours de laquelle on s’écorche davantage chaque jour. Et vers quel but ? Ne savais-je point maintenant que sur les sommets auxquels j’avais rêvé d’atteindre, nul humain ne vivait ?

Philippe Robin, attendant une réponse, ne disait plus rien, mais il m’observait du coin de l’œil. Son visage était gai et serein. Il semblait se tenir sur une route bien plus facile, où étaient ménagés des biais commodes, des sauvegardes propices, et qui côtoyait les abîmes sans s’y perdre jamais.

J’eus le sentiment que j’étais placé devant ces deux chemins et que mon bonheur futur était suspendu au choix que j’allais faire. J’hésitais… Mais tout d’un coup le paysage du côté de Philippe me parut si attrayant que mon être se détendit ; et, faiblement, je laissai échapper un sourire. Philippe, devinant mon acquiescement, mit la main sur mon épaule. La pluie avait cessé. Il m’entraîna.

Et comme je faisais le premier pas avec lui, je me retournai vers la caricature de Silbermann et, après un effort, je dis sur un petit ton moqueur dont le naturel parfait me confondit intérieurement :

— C’est très ressemblant.

FIN