Soleils d’Hiver/31

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A. Lemerre (p. 103-105).


BATAILLE DES FLEURS



Bataille ! Bataille ! Bataille !
En haut, en bas, de tous côtés,
Jetez les fleurs, jetez, jetez…
Et les bouquets de toute taille…

Bataille !


Adieu soucis, ennuis moroses !
Sous la gaîté des cieux rosés,
Dans les paniers vite épuisés
Prenons, au bon soleil écloses,

Les roses !


Bataille ! Bataille ! Bataille !
À toi ce bouquet panaché,
Gros Anglais, sur ton mail juché,
Large et rond comme une futaille…

Bataille !


À vous ces fraîches violettes,
Jeunes gamines de seize ans,
Au teint de lait, aux yeux luisants,
Sautant de joie en vos toilettes

Simplettes…


Bataille ! Bataille ! Bataille !
La main prompte, l’œil aux aguets,
De ces projectiles coquets
Que sans cesse on se ravitaille…

Bataille !


Provençale à la brune tête
Qui me souris dans le soleil,
Pour toi le flamboiement vermeil
De ces œillets, fleurs de poète

En fête !


Bataille ! Bataille ! Bataille !
Promptes ripostes ! Bons coups droits !
Sachons, en escrimeurs adroits,
Frapper d’estoc, frapper de taille…

Bataille !


Dame de haute bicherie
Qui sournoisement me visas,
À toi ces jaunes mimosas,
Double salve d’artillerie

Fleurie !


Bataille ! Bataille ! Bataille !
Oh ! les jolis combats galants
Sans coups mortels, sans chocs sanglants,
Sans blessure ni même entaille !

Bataille !


Sur mon nez une renoncule…
Une jacinthe dans mon cou…
Pif ! Paf ! Attrape !… Un rire fou
De l’un à l’autre véhicule

Circule…


Bataille ! Bataille ! Bataille !
Éclatante Fête des Fleurs,
Fête des parfums, des couleurs,
Qu’un autre que moi te détaille…

Bataille !


Les voitures enrubannées
Vont toujours à la queue-leu-leu…
L’air fraîchit sous le ciel moins bleu…
Les fleurs s’effeuillent piétinées,

Fanées…


Qu’importe ?… Bataille ! Bataille !
Et jusqu’aux dernières clartés,
Jetez les fleurs, jetez, jetez…
Et les bouquets de toute taille…

Bataille !