Soleils d’Hiver/37
RETOUR
euf heures du matin… Paris ! On entre en gare,
Les yeux gros de sommeil.
Fini, le rêve d’or ! Éteint, le brillant phare
Qu’allumait le soleil !
Adieu, la côte douce où les brises câlines
Allaient, rasant le sol !
Adieu, la mer ! Adieu, panache des collines,
Le grand pin parasol !
Les cochers, dans la cour, attendent en silence ;
Le ciel se fond en eau.
Sec depuis trop longtemps… Dieu me voit, et me lance
Tout un fond de tonneau !
Dans le fourmillement de la ville enfiévrée,
Dans l’éternel remous
De ce torrent humain, molécule ignorée,
Vite, replongeons-nous !
Dès demain, ce seront les mêmes choses faites
Et faites tant de fois ;
Les mêmes serrements de mains, les mêmes têtes
Avec les mêmes voix ;
Les mêmes magasins, les mêmes coins de rues,
Les mêmes ciels lavés,
Et les mêmes… serins croisant les mêmes… grues
Sur les mêmes pavés ;
Et les mêmes dîners dressant les mêmes cônes
De petits fours branlants ;
Et, sur les boulevards, les mêmes fiacres jaunes
Aux mêmes chapeaux blancs !
Courses, ennuis, tracas, — contre lesquels s’insurge
Chacun, à tout propos !
Sempiternel manège où, moutons de Panurge,
Nous tournons sans repos !
Paris, Paris fiévreux, Paris fou, Paris blême
Sous ton ciel attristant,
Ah ! qu’on te maudirait, qu’on te haïrait même…
Si l’on ne t’aimait tant !