Sonnets (Fuster)/Tantale

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TANTALE



Éternellement seul, éternellement las,
Tantale, dont le ciel a défendu qu’il meure,
Tend ses lèvres en feu vers le flot qu’il effleure.
Mais le flot décevant glisse et s’enfuit plus bas.

Alors Tantale crie, il se révolte, il pleure ;
Enchaîné sans recours, épuisé de combats,
Il appelle la mort, — mais la mort ne vient pas,
Et l’air brûle, et l’eau brille, et l’âpre soif demeure.

Tel, d’un suprême espoir je me croyais sauvé :
Mais on subit son rêve après avoir rêvé, —
Et voilà que mon cœur, pris d’une amour fatale,

Mon cœur, ne pouvant boire aux lèvres que j’aimais.
Traîne immortellement cette soif de Tantale
Qui le consumera sans le tuer jamais !