Sous le masque/Mes sœurs mélancoliques

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Sous le masqueBibliothèque Internationale d'Édition, Edward Sansot (p. 47-49).
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Mes sœurs mélancoliques


à Berthe Bady.


Comme je vous comprends, mes sœurs mélancoliques
Et comme je vous aime en vous voyant pleurer,
Vous dont, le cœur se brise au souffle des musiques
Et pour qui tous les vents sont chargés de secrets.


Je vois Celle qui rêve au bord de la fenêtre
Celle qui se détourne et qui mord son mouchoir,
Celle qui dit « qui sait ? » celle qui dit « peut-être ? »
Celle qui ne dit rien et regarde le soir.

Je vois la délaissée et ses tresses défaites
Sa robe qu’une main chère n’ouvrira plus
Et tous les baisers morts sur sa lèvre muette
Et les baisers vivants, désormais superflus.

Je vois tous les chagrins qui traînent par la ville,
Les désespoirs assis le long des boulevards.
J’entends tous les sanglots des longues nuits stériles
Les sanglots étouffés dans les chambres épars.

Je souffre de l’attente et je souffre du doute
Je m’agenouille aussi, je verse tous les pleurs.
Vos peines, ô mes sœurs, je les éprouve toutes,
Vos chagrins mille fois m’ont traversé le cœur.


J’ai retrempé ma chair et retrempé mon âme
Au fleuve de douleur qui nous baigne toujours
Au feu vivifiant qui vous consume, ô femmes,
Ô mes sœurs qui portez le fardeau de l’amour !