Souvenirs d’outre-mer/04

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LONDRES.


Me voici bientôt à Londres, la capitale du royaume britannique, cette immense fourmilière humaine, où s’agitent six millions de descendants d’Adam.

Je loge dans le quartier Leicester, qui appartient au marquis de Westminster.

C’est un quartier à demi français.

Des enseignes écrites en bon français, des hôtels où l’on parle la langue de Fénelon, où l’on vous régale de la vraie cuisine française, des librairies et des magasins où l’on parle notre langage avec grâce, nous donnent la douce illusion de retrouver là un coin de la Province de Québec.

Vous y trouvez aussi des prêtres et des religieux d’origine française, qui sont heureux de vous rencontrer et de vous témoigner leur dévouement.

Parmi les beaux monuments de la métropole britannique, notons l’Abbaye de Westminster où reposent les restes de la plupart des grands hommes anglais, écossais ou irlandais qui ont illustré l’histoire de l’empire.

On y voit une curiosité historique, la fameuse chaise royale du couronnement.

Elle servit pour le sacre de tous les rois d’Angleterre, depuis le règne de Jacques ier, fils de Marie Stuart.

Une grosse pierre ovale et aplatie, apportée d’Écosse par ce monarque, y est fixée comme sceau de l’alliance des royaumes d’Angleterre et d’Écosse, commémorant la réunion des deux couronnes.

Cette chaise est appuyée et repose sur quatre lions en bronze.

La tour de Londres est une antiquité très originale et très intéressante à visiter, contenant les armures, épées, casques, boucliers et tout ce qui servait à équiper les chevaliers et les guerriers du moyen âge.

On y conserve précieusement la célèbre épée et l’armure d’Henri viii, qui devait être un fort colosse pour pouvoir les porter et manier.

On y admire aussi les merveilles des Indes, qui sont étalées en riches collections.

La couronne britannique et ses joyaux, les plateaux, coupes et vases en or solide réservés pour le sacre royal ou le baptême de l’héritier du trône, sont exposés dans un compartiment construit à l’épreuve du feu et des voleurs, et gardés par des sentinelles.

Les bâtisses du parlement, palais de Westminster, dominant la Tamise, présentent un coup d’œil grandiose.

Les constructeurs y ont observé à l’extérieur comme à l’intérieur un mode d’architecture noble et sévère, se rapprochant du style gothique.

On y admire deux tableaux artistiques d’une grande dimension et d’une valeur incomparable : l’un représente la bataille de Trafalgar et la mort héroïque de l’amiral Nelson ; l’autre représente la rencontre de Wellington et de Blücher à la bataille de Waterloo.

On y admire aussi la statue d’Olivier Cromwell, célèbre par la révolution de 1648, et celles des principaux hommes d’État dont nos compatriotes anglais ont droit d’être fiers, tels que Pitt, Fox, Palmerston, Russell, Gladstone, etc.

Un des plus beaux édifices de Londres est la cathédrale de St-Paul. Ses immenses proportions, son dôme, la colonnade du dôme et sa coupole, son intérieur orné de monuments élevés à la gloire des célébrités britanniques, surtout le tombeau de Wellington, monument digne du vainqueur de Waterloo, font à juste titre l’admiration du touriste.

Le Royal Albert Hall est une rotonde immense, la plus vaste enceinte de la cité empire, érigée pour concerts et pour les grandes assemblées populaires, en l’honneur du regretté prince Albert, en face de Hyde Park.

C’est là, qu’à une magnifique réunion du Congrès eucharistique tenue à Londres en 1909, notre illustre archevêque Monseigneur Bruchési proposa, en termes élogieux pour nous canadiens-français, que le congrès de l’année suivante, 1910, fût convoqué à Montréal, glorieusement surnommé Rome de l’Amérique du Nord.

À quelques pas de là, sur le front du parc, s’élève le fameux monument du prince Albert érigé, au coût de plusieurs millions, par la reine Victoria, à la mémoire de son royal époux ; l’emplacement mesure deux cents pieds carrés.

L’œuvre principale, repose sur une triple base. La structure en cuivre doré n’a pas moins de cent-cinquante pieds de hauteur.

Le socle est entouré des statues des orateurs, poètes, philosophes, littérateurs, hommes d’État et célébrités de toutes les nations, divisées en groupes et sections appropriées.

Une tourelle sculptée et dorée, garnie de trois rangs de niches ornementées, avec statues bronzées, en est le digne couronnement.

Aux quatre coins, des figures allégoriques représentent les quatre principaux continents sur lesquels Albion étend son empire.

La statue du prince Albert est une œuvre d’art remarquable dont la grande cité peut se glorifier. Parmi les autres édifices dignes de mention, citons en passant : la « mansion house », résidence du lord-maire, le « royal exchange », où est installée la bourse, et dont une partie a été convertie en riche musée, le « horse guards building, » le « war office », l’« indian office, » le « foreign office building », la « banque d’Angleterre, » quadrilatère occupant le front de quatre rues, admirablement construite à l’épreuve des cambrioleurs, où sont entassés les millions de la finance, gérés et balancés avec une comptabilité d’une exactitude merveilleuse, par des milliers de commis.

Mentionnons aussi le « british muséum », enrichi de tous les chefs-d’œuvre de l’antiquité : pyramides, bustes hiéroglyphes, pierres tombales et inscriptions ; le monument Nelson sur la place Trafalgar, dont les quatre coins sont ornés de quatre énormes lions en pierre, qui semblent en garder l’approche ; le « Chelsea Hospital », le « County lunatic asylum », le « water works », le « royal military asylum », le « licensed victualers asylum », le « national art gallery », le « palais de justice », les conservatoires, etc.

Chose remarquable, dans les principaux musées de Londres, la sainte Vierge figure avec grâce et honneur sur un grand nombre des plus belles peintures, et la Madone ne paraît pas trop mal à l’aise en compagnie de messieurs les Anglais protestants qui, après tout, la croient une dame très respectable.

Parmi les places publiques qui embellissent la grande cité, les principales sont : “Hyde park”, “Regent park”, “Victoria park”, le “carré Richmond”, le “old dear park”, les “royal gardens”, le “parc Battersea”, agréablement situé sur les bords de la Tamise, les “Kensington’s gardens”, le “St. James park”.

L’étranger ne manque pas d’admirer les palais royaux de St. James, de Buckingham ; celui de Kensington, ancienne résidence du duc de Kent, où naquit la reine Victoria.

Le voyageur qui visite Londres doit aussi se payer le luxe d’une excursion en bateau sur la Tamise.

Quelle jouissance inoubliable que de voir se dérouler à nos yeux le tableau vivant de la plus grande cité de l’univers, de ses docks, les plus considérables après ceux de Liverpool, où flottent les pavillons de milliers de navires venus de tous les points du globe ; de ses ponts nombreux et magnifiques, entre autres celui de Westminster et le Tower bridge !

Après cette excursion, pénétrez sous terre, traversez la Tamise par le tunnel, vous verrez là un effort prodigieux du génie de l’homme, et vous graverez en vous un bon souvenir des merveilles de Londres.

* O *

Il est beau et consolant de constater le réveil et les progrès du catholicisme sur ce sol britannique qu’on appelait jadis « l’île des Saints ».

Les conversions y sont très fréquentes, le rite anglican se rapproche de plus en plus du rite catholique, et nous avons lieu d’espérer que le rêve sublime de Léon xiii, le retour de nos frères séparés dans le giron de l’Église catholique, n’est pas loin de se réaliser.