Souvenirs d’outre-mer/12

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ROME.



Rome, avec ses incomparables monuments, nous retrace toutes les époques de l’histoire universelle.

Où son origine remonte-t-elle ?

À sept siècles et demi avant Jésus-Christ, répondent les historiens ; mais les récentes découvertes archéologiques tendent à établir que Rome date de quatorze siècles avant l’ère chrétienne, et fut fondée par des bergers nomades qui, n’ayant pu traverser le Tibre, s’arrêtèrent sur le mont Palatin et s’y fixèrent.

Romulus (753 ans avant J.-C.) rebâtit la ville sur de nouvelles bases et l’agrandit.

Rome prit alors son essor et devint florissante.

Elle fut successivement monarchie, république, empire, cité papale et monarchie constitutionnelle.

Tarquin le Superbe ayant été expulsé à la suite de ses tyrannies et de ses infamies, Rome se constitua en république.

Sous le régime républicain, elle se développa d’une manière merveilleuse.

Le peuple romain, du haut de ses sept collines, après avoir accompli conquête sur conquête, put dicter ses lois à l’univers.

Sa population atteignit alors un million d’âmes.

Dans Rome devenue empire, se livra cette lutte mémorable entre le paganisme et le christianisme.

La croix triompha, et Julien l’Apostat dut s’écrier dans un moment de rage et de désespoir :

« Tu as vaincu, Galiléen ! »

Parmi les monuments de Rome antique, notons en passant :

Le Colisée, cette immense rotonde à cinq étages pouvant contenir 80,000 spectateurs, où se donnaient les spectacles païens, où les chrétiens martyrs étaient livrés aux bêtes, où coulait le sang des gladiateurs, où des milliers de fanatiques prêts à mourir pour le seul plaisir de César, venaient le saluer en s’écriant :

« Ave Caesar, morituri te salutant » !

Le touriste est tout émerveillé de voir encore debout les façades et les colonnades des temples de Castor et Pollux, de Vesta, de Vénus, de Jupiter, les arcs de Constantin, de Dolabella, de Septime-Sévère, la tour de Néron, la colonne de Trajan, la statue équestre de Marc-Aurèle, les termes de Dioclétien et de Titus, le Panthéon, le Capitole.

Comment ces constructions plus que dix-huit fois séculaires ont-elles pu, sans broncher, subir des ans l’irréparable outrage ?

Je trouve la réponse dans ces vers sublimes de Victor Hugo :

« Ils donnèrent aux murs l’épaisseur des montagnes,
« L’ombre des tours faisait la nuit dans les campagnes. »

On voit là des murs mesurant plus de neuf pieds de largeur, et cette maçonnerie était consolidée par le fameux ciment romain, ciment merveilleux, inventé primitivement par les Égyptiens, dit-on, puis transmis au peuple romain, enfin perdu et disparu dans le démembrement et la dissolution du vaste empire.

L’antiquité avait ses architectes dont les œuvres encore debout, portant l’empreinte du bon goût et du génie, témoignent qu’ils n’étaient pas inférieurs à ceux de nos jours.

Et le forum romain, que de souvenirs y sont attachés !

Le visiteur ne peut retenir une certaine émotion à la pensée qu’il foule de son pied l’endroit où Cicéron adressait au peuple républicain ses harangues enflammées :

Quousque tandem, Catilina,
Abutere patientiâ nostrâ ?


qu’il voit ce Capitole historique où étaient acclamés les généraux victorieux, la roche Tarpéienne d’où étaient précipités les malheureux disgraciés, et les restes du palais des Césars qui semblent nous dire d’une voix d’outre-tombe :

« Sic transit gloria mundi ! »


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Sur les débris de Rome païenne, se sont élevées les quatre cents églises chrétiennes que nous voyons aujourd’hui, et parmi lesquelles St-Pierre de Rome, St-Jean de Latran, Ste-Marie-Majeure, St-Paul-hors-les-murs, St-Laurent, Ste-Marie de la Minerve, le Gésu, font à juste titre, l’admiration de l’étranger.

Des marbres de toutes les couleurs, prenant les formes les plus gracieuses et les plus idéales sous le ciseau des maîtres de l’art, des fresques, des mausolées, des chefs-d’œuvre de Raphaël, de Michel-Ange, de Léonard de Vinci, du Titien, du Dominiquin, du Pérugin, attestent le génie du christianisme chanté par Chateaubriand.

Le château St-Ange est un des plus curieux souvenirs du moyen âge.

Du toit de ce gigantesque édifice qui servit autrefois de château fort, vous admirez le poétique panorama de Rome et ses nombreux clochers, ses monuments, le Tibre qui serpente dans son enceinte, ses collines et la campagne romaine, nous montrent à chaque étape une page intéressante de l’histoire ancienne.

On y voit aussi des galeries de beaux-arts, œuvres des plus grands artistes italiens, et le célèbre mur de la cité Léonine, avec sa porte et ses issues secrètes communiquant au Vatican.

Le château St-Ange fut bâti par l’empereur Adrien, et complété par Antonin le Pieux ;

Sous Honorius, il fut converti en forteresse.

Grégoire le Grand, pendant une procession qu’il faisait pour conjurer le fléau de la peste ravageant alors ses états, vit l’archange St-Michel au-dessus du château St-Ange, remettant son épée dans le fourreau.

Il comprit qu’il était exaucé : la peste cessa, et Rome fut sauvée.

Pour commémorer ce prodige, Boniface IV, en 608, érigea sur le sommet de la forteresse une chapelle dédiée à l’archange St-Michel.

Un compartiment du fameux château servit jadis de prison, un autre servit de voûte pour y mettre en sûreté les trésors de l’Eglise.

Le pont St-Ange, qui couvre le Tibre à quelques pas de là, fut construit en l’an 134, par l’empereur Adrien, pour communiquer au château St-Ange.

Clément IX le compléta et l’embellit.

On y admire de belles statues de saint Pierre et de saint Paul.


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Les sources abondantes qui coulent du flanc des collines romaines, alimentent la ville d’une eau limpide et pure et font jaillir leurs ondes cristallines sur les places publiques ornées de statues, de groupes historiques ou artistiques, de colonnes, de bassins sculptés, de figures allégoriques.


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Rome a aussi ses légendes dont quelques-unes remontent aux âges les plus reculés, entre autres :

« La fameuse louve » de Romulus et de Rémus ;

« Les oies du Capitole », qui furent un jour les sauveurs des Romains (sans s’en douter probablement).

Certains monuments religieux nous retracent les souvenirs de l’ère chrétienne, accompagnés de douces légendes :

Tels que la place et les églises des Trois-Fontaines, la prison de S. Pierre, l’église de Notre-Dame des Neiges, l’église « Quo vadis », etc.

Les catacombes nous montrent la persévérance et la patience des premiers chrétiens.

Sans l’aide de la mécanique, ils trouvèrent le moyen de creuser ces galeries souterraines dont quelques-unes, comme St-Calixte, atteignent une douzaine de milles de longueur.

La « Scala santa », transportée de Jérusalem à Rome par Ste-Hélène, est sans contredit la plus précieuse antiquité de la ville éternelle.

Les nombreux musées de Rome en font un lieu de prédilection pour les antiquaires et les savants.

Je vous avouerai que quelque chose m’intéressait plus que tout cela :

C’était une audience du Saint-Père, dont je fus favorisé grâce à la bienveillante recommandation de Messire le Supérieur des Sulpiciens.

En effet, les visiteurs se sentent saisis d’admiration et d’un certain charme mystique, lorsqu’ils voient arriver au milieu d’eux cet auguste vieillard tout vêtu de blanc, à l’apparence angélique, au regard doux et serein, reflétant dans toute sa personne, quelque chose de céleste.

Quel bonheur on ressent en baisant sa main auguste, ornée de l’anneau du pêcheur, symbole de son autorité sublime, en entendant ce bon père dire quelques bonnes paroles à chacun de ses enfants, et les bénir tendrement !

Il venait de donner audience à plus de cent prêtres et autant de religieuses :

Quel infatigable dévouement !

Pie X, au regard mélancolique, à la démarche un peu courbée, paraît plus vieux que sur les photographies que nous avons de lui : ce qui s’explique facilement par les multiples occupations et les grandes responsabilités qui pèsent sur cet auguste souverain de la catholicité.

Le Saint-Père voit toujours, avec une certaine prédilection, les catholiques du Canada lui présenter leurs hommages.

Le Vatican contient de superbes musées et la plus belle bibliothèque de l’Europe.

La chapelle Sixtine est ornée de tableaux inimitables, tels que :

« Le jugement dernier » ;

« Dieu donnant les clefs de l’Église à S. Pierre »

« Les combats de l’Église » ;

« Le vaisseau de l’Église résistant aux flots courroucés ».

Vous parlerai-je de la basilique de St-Pierre ?

Comment pouvoir décrire en quelques lignes ce que la chrétienté a mis plus d’un siècle à édifier ?

Les colonnades, la coupole, la façade, le tombeau d’Alexandre VII, la confession de St-Pierre, le dôme et ses peintures inimitables, les monuments de Benoît XIII et de Pie IX, les tableaux de l’Ascension et de l’Assomption, le baldaquin, les statues du Sauveur et des douzes apôtres, ornant la corniche de la façade, la place et la colonne de St-Pierre, font de cette basilique aux proportions gigantesques la plus belle de l’univers.

On ne peut sans être impressionné lire ces lettres d’or gravées autour de l’immense voûte :

« Tu es Petrus, et super hanc petram, aedificabo ecclesiam meam… »

Je voyais là une réponse ferme, précise et immuable aux persécutions des impies, qui s’acharnent en ce moment contre l’œuvre du Christ.

Rome possède aussi des édifices modernes qui sont remarquables, entre autres :

« La banque d’Italie, le palais de l’exposition, le ministère des finances, les palais royaux, le palais Farnèse, la villa Borghèse avec ses musées et ses jardins, des hôtels magnifiques, où l’on vous donne tout le confort désirable. »

On y voit aussi des places publiques embellies et modernisées, où les fanfares et les orchestres vous régalent de la musique italienne au rythme doux et harmonieux.

Le climat de Rome est beau et salubre.

La population de la ville compte, aujourd’hui, 575,000 âmes.

Les touristes y affluent de toutes les parties du monde, et tous les amateurs d’antiquités et de beaux-arts, sans en excepter les protestants, se font un devoir de visiter ses monuments impérissables, surtout la basilique de St-Pierre.


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