Souvenirs de la Basse Cornouaille/Livraison 2/12

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XII

La Paix du Roi

Trois cents ans nous séparent de ces tristes événements, grandes et terribles leçons pour les peuples.

Ce saccage de Pont-Croix fut le dernier acte de cruauté du partisan, dont les soudards continuaient les ravages dans la contrée. Dès 1598, La Fontenelle voyait ses compagnons moins confiants. Beaucoup d’évasions se produisaient, les routiers abandonnaient le fort, se retiraient dans les campagnes, de là quelques noms étrangers parmi nous… La prudence les éloignait et beaucoup étaient fatigués de cette vie de brigandage. Henri IV était reconnu, Mercœur avait mis bas les armes. Et La Fontenelle toujours endurci, s’entêtait, se sentant peut-être trop coupable, il était trop fier pour faire un premier pas.

Cependant que de terribles réflexions, il devait faire ? comment ses nuits avaient-elles sommeil ? il se tenait sur la défensive.

Un soir un messager se présente… probablement les préoccupations qui obsédaient son esprit, avaient-elles porté leur fruit, car il ordonna d’introduire l’envoyé du Duc de Mercœur… c’était ainsi qu’il s’annonçait.

Le messager n’avait pas donné son nom, mais quand il parut, le chef ligueur reconnut le rusé Florentin, conseiller du Duc. Sans doute l’Italien rusé, n’avait pas pu se soustraire à la mission qui lui avait été confiée.

Il est obséquieux comme tous les valets de prince et humblement il dit : « Dieu soit en aide au baron de la Fontenelle… » celui-ci peu patient de sa nature et moins que jamais devant cette figure qui ne lui revenait pas répond… « Le diable m’épargne, lorsque le complaisant du Duc, vient à l’heure où sortent les corbeaux de nuit. De quoi s’agit-il ? parlez vite… Le rusé Italien s’avance, remet un rescrit qui n’est autre que l’édit de pacification… Au fait dit Guy Éder… Est-ce le traité de votre maître avec le Béarnais ? Je ne connais pas de pareilles pièces… jamais je n’ai fait que la guerre, moi Baron de La Fontenelle et il froissa le parchemin… et après un moment de silence. Est-ce l’acte de reddition de la Cornouaille ? est-ce mon arrêt de mort ?… par la messe, je ne croyais pas le Duc si félon… Et vous Florentin de malheur, oiseau de mauvais augure, auriez-vous mille poignards sous vos guenilles, Guy Éder de Beaumanoir, Baron de La Fontenelle ne remettrait pas sa cause entre des mains si sèches, et si viles que les vôtres… Le partisan se mit à marcher à grands pas, sans jeter un regard sur le seigneur de Murion de Romar, qui l’accompagnait.

Le Florentin n’était pas rassuré, il dit cependant : « ne maudissez pas qui vous veut du bien… » cet écrit contient plutôt un traité d’alliance… et un seul article vous concerne.

Guy Éder répondit : Je serai curieux de le lire… et il lut rapidement quelques lignes… et dit… mais je ne Vois ici que des sommes à donner ?… ah m’y voici… quoi vraiment ? pour ce pauvre Guy Éder. Lavardin de Beaumanoir, ni ordres, ni faveurs !… et soumission sous quinze jours… ah oui, sang Dieu ! j’y songerai, et je verrai vraiment alors, si l’obéissance à Philippe II agonisant, compensée par un bon marquisat, ne vaut pas mieux que la soumission à Henri IV, si avare de ses faveurs, et relevant la tête… et que dit le Duc de Mercœur ? il vous souhaite, Baron de La Fontenelle, mille prospérités dit le Florentin.

Ah, ah ! empressement magnanime vraiment, vrai dévouement de prince, dit le partisan avec mépris ; et se croisant les bras et relevant la tête… on est beau-frère de Roi, grand dans ce monde, on a du crédit, des honneurs, on commande à des soldats… un beau matin une envie de guerre civile vous prend, le rôle de rebelle à son avantage… vite on hisse un drapeau à ses armes, on fait sonner la trompette, et les peuples accourent, et les mécontents se présentent, et les dupes naïfs prennent place, se mettent en marche, entrent en guerre… D’abord tout marche bien, et la confiance suit le succès… quand il arrive que les bonnes chances disparaissent, quand le ciel s’assombrit, le rebelle princier se soumet, s’amende : et vite, oui vite un traité qui sacrifie tout… et les honneurs seront pour le chef : mécontents dupes naïfs, partisans, on les sacrifie, on les abandonne à la merci du maître offensé… et ces mécontents, ces dupes, ces partisans seront punis !! ah, par sainte Anne, nous le verrons bien cette fois ! Sang Dieu, sang Dieu !! Ceci ne sera pas aujourd’hui… valet de prince, vil porteur de sots messages, retire-toi, emporte ton damné traité… et Guy Éder lui jette à la figure l’édit et le traité… Le Florentin fuit, disparaît, heureux de pouvoir sortir du fort, ne songeant pas à regarder derrière lui.

Mais l’Italien fourbe a retenu ce qui a trait au roi d’Espagne, plus tard ces paroles seront invoquées, et seront causes de l’arrestation.

Guy Éder néanmoins resta songeur et soucieux.

Vraiment lutter seul, c’était dangereux, impossible… ensuite l’état de démoralisation de ses troupes l’inquiétait.

Quelques jours se passèrent… un beau matin à peu de distancé du fort on découvrit plusieurs cavaliers bien montés, qui arboraient un drapeau blanc en signe de paix.

Des costumes luxueux avaient remplacé l’armure de guerre… un messager annonce à haute voix… des officiers du Roi, ceux-ci arrivent de Quimper, portent panaches blancs, écharpes de même couleur et se donnent comme des envoyés du comte de saint Luc ; ordre est donné de les accueillir avec honneur et distinction, ces seigneurs mettent pied à terre dans la place ouverte… ce n’était plus des messagers obséquieux comme l’Italien fourbe du Duc de Mercœur, mais des courtisans habiles à manier la parole… Le roi, disent ils, professe pour le brave baron de La Fontenelle, des sentiments de haute estime… Ce fut l’ouverture habile des pourparlers. Le roi comprend l’état d’esprit d’un brave, toujours heureux, mais les circonstances sont là… vous avez fait une promesse au comte de saint Luc qui s’en souvient… Le moment est venu de tenir la promesse… si jamais je me rends, ce sera au noble comte de saint Luc, vous en souvenez-vous ?

Un des envoyés tend un rescrit… dont le contenu dit…

Nous, comte de saint Luc, commandant de toute la province de Bretagne au nom de sa majesté le roi, Henri quatrième du nom, par la grâce de D1eu, roi de France et de Navarre, et Messire Guyon Éder, Lavardin de Beaumanoir Éder… etc… capitaine tenant pour le parti de l’Union, le fort Tristan en Cornouaille, avons arrêté les bases d’un traité qui doit donner naissance à une paix solide, désirée par tous les gens de bien.

Le comte de saint Luc s’engage à faire rembourser au dit sire de La Fontenelle, des deniers propres de sa majesté, les sommes qu’il a payées pour sa rançon et les intérêts d’y celles…

C’était procéder de manière habile, en homme qui connaissait le gouverneur de l’ile Tristan… S’oblige en outre, à ce qu’il soit tenu dans la dite ile Tristan, quatre compagnies de gens de pied, de cinquante hommes chacune, avec sa compagnie de gens d’armes, et deux capitaines appointés pour servir à la marine, aux gages de 400 livres chacun, avec sa compagnie de gens d’armes et appointements de gouverneur du fort, pour être le tout payé des deniers de sa majesté, affectés à cette province, etc. etc.

De plus le baron de La Fontenelle commandera en l’absence des lieutenants du roi en la dite province, navires, vaisseaux ronds, qui seront entretenus pour le compte de sa majesté en la côte de Bretagne.

En outre lui promet, le dit comte de saint Luc, obtenir du roi, qu’il ne sera nullement recherché pour ce qu’il a fait depuis les guerres ; et que les assignations qui lui seront légitimement dues, pour raison de la garnison, lui seront acquittées depuis les guerres, moyennant que dessus, promet le dit sire de La Fontenelle, d’entrer au service de sa majesté et de venir trouver le comte de Saint Luc dans six semaines. — Pour plus de sûreté, se charge le dit Sire de Saint Luc de faire homologuer en la cour du parlement, toutes lettres d’adresse, d’abolition nécessaires qui seraient expédiées par la dite majesté… fait à Rennes, etc. etc.

Guy Éder appuyé sur un bahut, restait immobile et muet… Tout à coup sortant comme d’un sommeil.

Ce traité, Messieurs, est le même que celui dont le comte de Saint Luc, a eu la bonté de me faire l’offre, lorsqu’il m’a délivré à la rançon de 2 239 écus d’or… je me tiens pour son obligé… puis élevant sa haute taille, élargissant ses épaules… Si jamais, le Baron de la Fontenelle, remet son épée à main d’hommes, ce qu’il ne saurait décider encore, ce sera entre les mains du noble comte de Saint-Luc, mais lorsque Lavardin de Beaumanoir traitera, ce sera avec le roi.

Sans manifester trop d’étonnement, les seigneurs saluèrent… La Fontenelle les retint ajoutant,… Messieurs, avant de nous quitter, écoutez ce ne sera pas long.

« Mon parti a été celui de la France entière malgré sa défaite le parti reste sacré à mes yeux. Tant pis pour les lâches et les traitres, j’ai eu le courage de m’opposer au Béarnais qui prétend en ce jour nous réunir tous… Les partis se confondent dans le vainqueur, si je reste seul je deviens factieux… Le roi d’Espagne ne demanderait pas mieux que de m’aider… moi je n’aime pas à voir les étrangers se mêler de nos affaires, je ne veux relever que de Dieu… Il m’est pénible de repousser les conditions du noble Comte de Saint-Luc… c’est un digne gentilhomme qui possède toute mon estime, mais la nécessité m’y contraint… Les envoyés n’insistèrent pas sur une modification de réponse… Il fallait traiter avec le roi.

Un mois après la garnison recevait une nouvelle visite, mais plus importante.

Plusieurs membres du parlement de Bretagne, quelques hauts dignitaires de la Couronne se présentaient… Ils portaient des parchemins armoriés, d’où pendaient de larges sceaux d’étain :

Ceux-ci restèrent étonnés de l’excellente tenue des troupes du fort, eux qui s’attendaient à trouver un ramassis sans ordre et sans discipline.

Le Lieutenant de Romar, seigneur de Murion. était nous l’avons dit très instruit pour son temps, se contenta de prononcer ces paroles qui n’ont pas besoin de commentaires.

« Quand on traite avec un Sultan, un Visir ou un Schah de Perse, il faut toujours se méfier du muet qui prépare le cordon… » Ce proverbe oriental, il le dit, mais non devant son capitaine, il faut le reconnaître.

La Fontenelle appuyant fièrement son gantelet sur le pommeau de sa redoutable épée, invita son état-major à s’approcher pour prêter l’oreille au message du roi, dont un gentilhomme délégué donne lecture.

J’abrège le tout.

Guy de Beaumanoir Éder, Baron de La Fontenelle, puisque la divine providence, etc. etc… pour ces causes, nous ayant présentement, notre ami de Beaumanoir, commandant maintenant en nos villes et places de Douarnenez et l’Île Tristan, fait connaître qu’il était non moins disposé à notre obéissance… etc., etc… avons dit, déclaré et ordonnons… que ès ville et fort Tristan et Douarnenez, il ne fera autre exercice que la religion apostolique et romaine, ains à autre lieu de l’ile et lieux circonvoisins… voulons outre cela, et nous plaît, que le dit seigneur de La Fontenelle et tous ceux qui l’ont suivi et asservi durant les présents troubles, jouissent les mêmes grâces, conditions et concessions déclarées par notre édit fait sur et faveur de la réduction à notre obéissance de notre cousin le Duc de Mercœur, etc., etc… Lui seigneur de La Fontenelle, officiers, soldats, qui l’ont assisté leurs veuves et héritiers, quitte et déchargés de tout crime, meurtres brûlements, etc., etc., dont à toujours nous abolissons mémoire, notamment de la prise de Penmarc’h… imposant sur toutes les choses susdites, silence perpétuel à nos Procureurs généraux… et d’autant que dans les, présents troubles il a été pour la défense et conservation des dites place et fort Tristan, fait plusieurs levées de deniers, sur les paroisses des évêques de Tréguier et de Cornouaille, sans qu’on en ait conservé forme, registre, ordre ni autre formalité, lesquelles levées, le dit sire de La Fontenelle a eu sur les bras avant tout que besoin était, avons donné et donnons à icelui, tout ce qui a été pris, manié et reçu, sans qu’il soit besoin d’en rendre compte… cy donnons mandement et nos amis et féaux conseillers tenant notre cours de parlement à Rennes, chambres de nos comptes… etc.

Donné à Angers… etc.
Signé : Henri

Et plus bas… par le roi… signé Potier, scellé de cire verte sur ce replit écrit… enregistré pour y avoir recours… etc., etc.

Ce parchemin fut présenté à La Fontenelle qui le posa négligemment sur la table.

La même commission prit un autre parchemin et lut ce qui suit :

Henri par la grâce de Dieu… etc., etc., et signé Henri et plus bas signé, Potier…

C’était la confirmation par le roi au sire de La Fontenelle au commandement du fort Tristan.

Toutes ces preuves se trouvent dans l’histoire de Bretagne, Dom Taillandier… volume III page 1662.

Le gentilhomme s’apprêtait à lire d’autres papiers.

La Fontenelle par un mouvement de générosité, ou plutôt par une sorte d’impatience, arrêta brusquement lecture et fit défiler ses soldats devant les commissaires royaux.

Il m’a été fastidieux de déchiffrer toutes ces pièces, mais leur reproduction est nécessaire pour faire ressortir la mauvaise foi… car trois ans après, Guy Éder subissait son jugement à Paris, et Potier, était un des juges… Expliquez donc ce manque de parole royale. De Romar avait mille fois raison en citant son proverbe.

Certes La Fontenelle ne méritait pas pitié, il avait commis trop de crimes, mais c’étaient paroles royales… oui mais, ce sont là, jeux de prince.

Le soir un splendide festin fêtait la paix du roi, et le vin coulait à profusion dans les coupes. Quelques ligueurs endurcis se montraient peu satisfaits mais le vin était bon, et le bon vin aidant, la gaité se mit dans les rangs… à la fin du festin tous crièrent vive le roi… et ce cri passait de bouche en bouche, des commissaires aux ligueurs…

La fête eut-elle été complète, si la chanson historique et connue de tous, n’eut pas été entonnée ?

Vive Henri quatre,
Vive le roi galant,
Ce diable à quatre,
À le triple talent,
De boire et de battre,
Et d’être vert galant.

Le partisan dit-on était triste… à quoi servait-il ? il fallait se soumettre…

Le fort fut laissé sous le commandement d’un lieutenant et Guy Éder partit pour un voyage… probablement se rendit-il chez son frère… dans le pays de Tréguier, son absence fut de quelque durée… Cette époque de la vie du partisan est pleine d’obscurité.

Il revint cependant au fort Tristan, voici dans quelles circonstances…

Des bruits non sans fondement circulent.

Plusieurs capitaines Bretons avaient eu à se plaindre de l’astuce, de la perfidie, de l’insigne mauvaise foi du partisan, ils ne voulaient pas croire à un retour de la part d’un tel homme, à une plus droite… Il a toujours anguille sous roche, disaient-ils.

Sourdéac, De Mollac, les vaincus de Brest, firent insister auprès du Roi, pour que l’on arriva à ordonner la destruction complète des travaux de fort Tristan, bien qu’une lettre royale en eut donné le commandement au Baron de La Fontenelle, avec d’autres conditions avantageuses. Des commissaires munis d’ordres formels arrivèrent au moment où Guy Éder n’était pas là, un hasard heureux fit que le partisan survint la veille au soir de leur arrivée.

À la vue des ordres dont ils sont munis, La Fontenelle frémit de colère et de rage… Je m’opposerai, dit-il, à son lieutenant, à l’exécution de toute démolition au fort… Ses colères allaient le reprendre, et nous connaissons le paroxysme de ces états chez lui… Il parvint à se maîtriser car son premier mouvement avait été de les faire jeter à la mer, de refermer de nouveau ses portes.

Un manque de parole de roi serait indigne ? il ne pouvait y croire… Ce n’est que par erreur qu’il a pu donner des ordres de démolition.

Cette citadelle est importante, nécessaire contre les Anglais qui nous menacent toujours… on doit la conserver, puisque les Espagnols n’ont pas abandonné nos côtes de Bretagne. L’exécution d’une pareille perfidie ne pourrait provenir d’un ordre royal ?

Il va le dire à son lieutenant La Boule, qui avait reçu les émissaires la veille, car lui n’avait pas accédé à une demande d’audience faite par eux. « Je m’opposerai à toute démolition… un manque de parole de Roi est chose indigne, mais l’infâme La Boule, le plus coupable à Pont-Croix était un traitre… » il avait bien su pour lui-même, se faire octroyer de lettres d’abolition et d’oubli… Les traitres de cette sorte changent souvent d’opinion. C’est toujours la politique de bien des gens, se ranger du côté du plus fort… et cela se voit chaque jour, il en est qui sont toujours du côté du manche.

La Fontenelle est désespéré, se voyant impuissant il fait jurer à son lieutenant de ne laisser rien faire, de s’opposer à tout travail, et sans vouloir entendre les commissaires, il dit, qu’il part pour Paris… il quitte le fort aussitôt, confiant dans l’obéissance de La Boule… il arrive à Rennes, où le parlement le fait arrêter… j’avoue qu’ici on est mal renseigne sur tous ces détails… toujours est-il, qu’on le retint prisonnier… Ce fut d’abord à Rennes, mais on le trouve plus tard écroué à Saint-Brieuc (ceci est certain).

Et pendant la détention, le fort tombait sous le marteau des démolisseurs… Les garnisons de Quimper, de Brest, de Morlaix même sont mises en réquisition, et firent des prodiges, car elles firent disparaître toutes traces.

Quelle était donc grande la crainte du héros, puisque l’on prenait tant de précautions… craignait-on un retour inoffensif ?

J’ai lu les lettres de pardon accordées à La Boule, inutile de les donner ici, Dom Taillandier les relate. Un pareil traitre payait sa dette, se faisait oublier par de nouvelles obséquiosités… c’est une manière de se faire pardonner, le moyen employé par les lâches, sous tous les gouvernements… que d’exemples on pourrait citer ? que d’alinodies qui font rire

On remit Guy Éder en liberté, mais on ne lui cacha pas le tour qu’on lui avait joué, en détruisant à son insu des redoutes si savamment édifiées, qu’il eut défendu comme une tigresse défend sa progéniture.

Sombre et abattu, irrité, il se rend à Beaumanoir près de son frère Amaury et pendant quelques semaines, il part visiter d’anciens ligueurs, et cela de châteaux en châteaux, pendant cela, ses ennemis ne dorment pas, de nombreuses plaintes sont portées de Penmarc’h, de Pont-Croix… D’autres localités exposent leurs doléances ; ils portent plainte contre leur bourreau, contre celui qui a vécu de rapines, de vol, d’exaction, de cruautés, jetant les yeux sur les lettres d’abolition et de pardon, sur ces arrêts conçus dans des termes si paternels qui ne sauraient cacher une arrière-pensée il répondait : c’est parole de roi, c’est donc sacré.

Nous le trouvons retiré à Coadélan, château du patrimoine de Marie de Mézarnou dont il avait fait sa femme.

Amaury vint le voir dans cette solitude, et ce frère ainé ne lui cacha pas tout ce qui se tramait contre lui à Paris.

On est allé jusqu’à dire que Guv Éder fit un voyage à la capitale, en tous cas il ne dût pas être de longue durée, car on le retrouve encore à Coadélan et autres lieux.

Triste et désolé pendant tout cela, La Fontenelle reste confiant dans la foi jurée… il visite ses manoirs délabrés, ainsi que ceux du patrimoine de Mézarnou… aussi le voit-on, à la Ville Doré près de Saint-Brieuc, au manoir de La Fontenelle contiguë, Trégueux. Tantôt il allait visiter Paimpol, Tréguier, l’ile Bréhat.

Les familles ruinées par lui se tenaient à l’écart… lui tendait à multiplier ses bienfaits dans le pays, à les redoubler même… je veux disait-il, que longtemps après moi, la jeunesse des pays environnants, parle du seigneur de Coadélan et de Trébriant.

Est-ce à ce revirement, à ces manières bienveillantes de Seigneur que l’on doit ces complaintes du pays de Tréguier, lui doit-on toutes ces louanges car les Guerz en font un homme bon et généreux… Rien n’y put faire, il ne put se faire oublier… et croyez-vous, que si l’on échappe à la justice des hommes, on puisse échapper à la justice du Dieu qui est patient parcequ’il est éternel.