Souvenirs de la Marquise de Créquy de 1710 à 1803/Tome 10/01

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À

S.A.S

M. le D. de P.[1]

Monseigneur,

C’est uniquement pour vous et pour Monsieur votre fils que j’avais entrepris et que j’ai surveillé l’exécution de ce long travail, auquel j’ai cru devoir ajouter des notes explicatives. Quand on a des faveurs à distribuer et des bienfaits journaliers à répandre ; quand il est question de nommer à certains emplois dans une maison princière, et surtout quand on se trouve obligé de conférer des bénéfices ecclésiastiques (sans parler ici de toutes les sollicitations qui viennent aboutir naturellement aux Princes du Sang pour décider ou faciliter des mariages) il est bon de savoir à quoi s’en : tenir exactement sur la noblesse des familles, aussi bien que sur les prétentions des solliciteurs. Voilà pourquoi j’ose espérer que les documens que j’ai rassemblés pourront devenir pour vous, en certains cas d’une utitilé pratique.

Ce travail n’est pas établi sur des notices intéressées, c’est-à-dire sur des communications faites ou dirigées par les familles qu’il pourrait intéresser directement vous verrez bien aisément qu’il n’a pas été puisé non plus dans les articles des dictionnaires généalogiques, et, je n’ai pas manque d’y contrôler certaines assertions du feu Duc de Saint-Simon, dont j’ai lu les manuscrits et dont j’ai pu vérifier l’injustice acrimonieuse et l’infidélité malveillante.

Il a été fourni par cinquante années de lectures et d’observations attentives, et de plus il est fondé sur les notes, les extraits, les recherches et les vérifications d’un ancien archiviste de la couronne et d’un savant paléographe, hommes consciencieux, qui s’étaient occupés d’en réunir et d’en classer les principaux élémens.

Cet ouvrage est rigoureusement équitable, mais il est si loin d’avoir été conçu dans un esprit de dénigrement, que la plupart de ces mêmes familles y trouveraient souvent, sur l’origine et les illustratrions de leurs ancêtres, une foule de notions qui n’ont pas été conservées dans leurs traditions, et dont il n’est fait mention dans aucune des généalogies qui les concernent et qu’elles ont fait imprimer.

Il ne s’ensuit pas que certaines familles ne puissent faire remonter les preuves de leur noblesse au-dessus de la date qui leur est assignée sur le premier de ces tableaux. On peut retrouver des titres ignorés ; on peut déchiffrer des rescrits obscurs, et l’on peut se faire jour à travers des chartes mal expliquées. Vous pensez bien qu’un Alt-Ber, ou Haut-baron du temps de Saint Louis, devait avoir eu des ancêtres. On n était pas seulement fils de ses œuvres au XIIe siècle ; et, du reste, on peut juger par les qualifications qui s’appliquent aux personnages contractans, qualifications que j’ai toujours eu soin de faire mentionner, on peut décider quelle était déjà la situation nobilaire du premier ancêtre avéré de chaque fiiation prouvée par titres. On n’a voulu désigner sur le premier tableau qu’une date certaine et précisément fixée par celle d’un acte filiatif. Les illustrations seigneuriales, ecclésiastiques, auliques ou militaires ont été registrées avec, la même exactitude, avec sollicitude, on pourrait dire, et elles se trouveront détaillées dans les chapitres suivans.

Il n’est pas besoin de parler ici de l’attachement respectueux ni des sentimens dévoués que je porte à votre Altesse Sérénissime.

  1. ce manuscrit a été retrouvé parmi les papiers du Duc de Penthièvre, inventoriés par la municipalité de Andelys après la mort de ce Prince et la saisie de son mobilier en 1793. (Note de l’Éditeur).