« Monologue du Franc Archier de Baignollet » : différence entre les versions

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{{Titre|Monologue du Franc Archier de Baignollet|Anonyme|XV<sup>e</sup> siècle|Monologue du Franc archier de Baignollet}}


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{{c|S’ENSUIT LE MONOLOGUE DU <br />FRANC ARCHIER DE BAIGNOLLET <br />AVEC SON ÉPITAPHE}}
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[[Catégorie:Moyen Âge]]
<poem>
[[Catégorie:XVe siècle]]

C’est à meshuy ! J’ay beau corner !
Or ça, il s’en fault retourner,
Maulgré ses dentz, en sa maison
Si ne vis-je pieça saison
Où j’eusse si hardy couraige
Que j’ay ! Par la morbieu ! j’enraige
Que je n’ay à qui me combatre…
Y a-il homme qui à quatre,
Dy-je, y a-il quatre qui vueillent
Combatre à moy ? Se tost recueillent
Mon gantelet ; vela pour gaige !
Par le sang bieu ! je ne crains paige,
S’il n’a point plus de quatorze ans.
J’ay autresfoys tenu les rencz,
Dieu Mercy ! et gaigné le prix
Contre cinq Angloys que je pris,
Povres prisonniers desnuez,
Si tost que je les euz ruez.
Ce fust au siège d’Alençon.
Les troys se misrent à rançon,
Et le quatriesme s’enfuyt.
Incontinent que l’autre ouyt
Ce bruit, il me print à la gorge.
Se je n’eusse crié : Sainct George !
Combien que je suys bon Françoys,
Sang bieu ! il m’eust tué ançoys
Que personne m’eust secouru.
Et quand je me senty feru
D’une bouteille, qu’il cassa
Sur ma teste : « Venez ça, ça !
Dis-je lors. Que chascun s’appaise !
Je ne quiers point faire de noise,
Ventre bieu ! et buvons ensemble.
Posé soit ores que je tremble,
Sang bieu ! je ne vous crains pas maille. »

''Cy dit ung quidem, par derrière les gens : ''
: Coquericoq.

Qu’esse cy ? J’ay oüy poullaille
Chanter chez quelque bonne vieille ;
Il convient que je la resveille.
Poullaille font icy leurs nidz !
C’est du demourant d’Ancenys,
Par ma foy ! ou du Champ-Toursé…
Helas ! que je me vis coursé
De la mort d’ung de mes nepveux !
J’euz d’ung canon par les cheveux,
Qui me vint cheoir tout droit en barbe ;
Mais je m’escriay : « Saincte Barbe !
Vueille-moy ayder à ce coup,
Et je t’ayderay l’autre coup ! »
Adonc le canon m’esbranla,
Et vint ceste fortune-là
Quand nous eusmes le fort conquis.
Le Baronnet et le Marquis,
Craon, Cures, l’Aigle et Bressoire,
Accoururent pour veoir l’histoire ;
La Rochefouquault, l’Amiral,
Aussi Beuil et son attirail,
Pontièvre, tous les capitaines,
Y deschaussèrent leurs mitaines
De fer, de paour de m’affoler,
Et si me vindrent acoler
A terre, où j’estoye meshaigné,
De paour de dire : « Il n’a daigné ! »
Combien que je fusse malade,
Je mis la main à la salade,
Car el m’estouffoit le visaige.
« Ha ! dist le Marquis, ton oultraige
Te fera une foys mourir ! »
Car il m’avoit bien veu courir,
Oultre l’ost, devant le chasteau.
Hélas ! j’y perdy mon manteau,
Car je cuidoye d’une poterne
Que ce fust l’huys d’une taverne.
Et moy tantost de pietonner,
Car, quand on oyt clarons sonner,
Il n’est courage qui ne croisse.
Tout aussitost : « Où esse ? Où esse ? »
Et, à brief parler, je m’y fourre,
Ne plus ne moins qu’en une bourre.
Si ce n’eust esté la brairie
Du costé devers la prairie,
De nos gens, qui crioient trestous,
Disant : « Pierre, que faictes-vous ?
N’assaillez pas la basse court
Tout seul ! » je l’eusse prins tout court,
Certes ; mais c’eust esté outraige.
Et se ce n’eust esté ung paige
Qui nous vint trencher le chemin,
Mon frère d’armes Güillemin
Et moy, Dieu lui pardoint, pourtant !
Car, quoy ? il nous en pend autant
A l’œil, eussions, sans nulle faille,
Frappé au travers la bataille
Des Bretons ; mais nous apaisames
Nos couraiges et recullames…
Que dy-je ? non pas reculer,
Chose dont on ne doibt parler…
Ung rien, jusque au Lyon d’Angiers.
Je ne craignoye que les dangiers,
Moy ; je n avoye paour d’aultre chose.
Et quand la bataille fut close,
D’artillerie grosse et gresle
Vous eussez ouy, pesle-mesle :
''Tip, tap, sip, sap'', à la barrière,
Aux esles, devant et derrière.
J’en eus d’ung parmy la cuirace.
Les dames qu’estoient en la place
Si ne craignoyent que le couillart.
Certes, j’estoye ung bon paillart ;
J’en avoye ung si portatif,
Se je n’eusse esté si hastif
De mettre le feu en la pouldre,
J’eusse destruit et mis en fouldre
Tout quanqu’avoit de damoiselles.
Il porte deux pierres jumelles,
Mon couillart : jamais n’en a meins.
Et dames de joindre les mains,
Quand ilz virent donner l’assault.
Les ungs se servoyent du courtault
Si dru, si net, si sec que terre.
Et puis, quoy ? parmy ce tonnerre,
Eussez ouy sonner trompilles,
Pour faire dancer jeunes filles
Au son du courtault, haultement.
Quand j’y pense, par mon serment !
C’est vaine guerre qu’avec femmes ;
J’avoye toujours pitié des dames.
Veu qu’ung courtault tresperce ung mur,
Ilz auroyent le ventre bien dur,
S’il ne passoit oultre… Pensez
Qu’on leur eust faict du mal assez,
Se l’en n’eust eu noble couraige ;
Mesmes ces pehons de villaige,
J’entens pehons de plat pays,
Ne se fussent point esbahis
De leur mal faire ; mais nous sommes
Tousjours, entre nous gentilz hommes,
Au guet dessus la villenaille.
J’estoye par deçà la bataille,
Tousjours la lance ou la bouteille
Sur la cuisse : c’estoit merveille,
Merveille de me regarder.
Il vint ung Breton estrader,
Qui faisoit rage d’une lance ;
Mais il avoit, de jeune enfance,
Les reins rompus ; c’estoit dommaige.
Il vint tout seul, par son oultraige,
Estrader par mont et par val ;
Pour bien pourbondir ung cheval
Il faisoit feu et voire flambe.
Mais je lui trenchay une jambe,
D’ung revers, jusques à la hanche ;
Et fis ce coup-là ung dimenche,
Que dy-je ? ung lundy matin.
Il ne s’armoit que de satin,
Tant craignoit à grever ses reins.
Voulentiers frappoit aux chanfrains
D’ung cheval, quand venoit en jouste,
Ou droit à la queue, sans doubte.
Point il ne frappoit son roussin,
Pource qu’il avoit le farcin,
Que d’ung baston court et noailleux,
Dessus sa teste et ses cheveulx,
De paour de le faire clocher.
Aussi, de paour de tresbucher,
Il alloit son beau pas, ''tric, trac'',
Et ung grant panon de bissac
Voulentiers portoit sur sa teste.
D’ung tel homme fault faire feste
Autant que d’ung million d’or.
Gens d’armes ! c’est ung grant tresor ;
S’il vault riens il ne fault pas dire.
J’ay fait raige avecques La Hire :
Je l’ay servy trestout mon aage.
Je fus gros vallet, et puis page,
Archier, et puis je pris la lance,
Et la vous portoye sur la panse,
Tousjours troussé comme une poche.
Et puis, monseigneur de la Roche,
Que Dieu pardoint, me print pour paige.
J’estoye gent et beau de visaige,
Je chantoye et brouilloye des flustes,
Et si tiroye entre deux butes.
A brief parler, j’estoye ainsi
Mignon comme cest enfant-cy ;
Je n’avoys pas gramment plus d’aage…
Or ça, ça, par où assauldray-je
Ce cocq que j’ay ouy chanter ?
A peu besongner bien vanter ;
Il fault assaillir cest hostel.

''Adonc apperçoit le Franc Archier un espoventail de''
''chenevière, faict en façon d’ung gendarme, ''
''croix blanche devant et croix noire''
''derrière, en sa main tenant''
''une arbaleste.''

(A part.)
Ha ! le Sacrement de l’autel !
Je suis affoibly ! Qu’esse-cy ?

(A l’espoventail.)
Ha ! Monseigneur, pour Dieu, mercy !
Hault le trait, qu’aye la vie franche !
Je voy bien, à vostre croix blanche,
Que nous sommes tout d’ung party.

(A part.)
D’ond, tous les diables ! est-il sorty,
Tout seul et ainsi effroyé ?

(A l’espoventail.)
Comment ! Estes-vous desvoyé ?
Mettez jus, je gage l’amende.
Et, pour Dieu, mon amy, desbende
Au hault ou au loing ton baston !

''Adonc il advise sa croix noire.''

Par le sang bieu ! c’est ung Breton,
Et je dy que je suis Françoys !…
Il est fait de toy, ceste fois,
Perrenet ; c’est ung parti contraire !

(A l’espoventail.)
Hen, Dieu ! et où voulez-vous traire ?
Vous ne sçavez pas que vous faictes.
Dea ! je suis Breton, si vous l’estes.
Vive sainct Denis ou sainct Yve !
Ne m’en chault qui, mais que je vive !
Par ma foi ! Monseigneur mon maistre,
Se vous voulez sçavoir mon estre,
Ma mère fut née d’Anjou,
Et mon père je ne sçay d’où,
Sinon que j’ouy reveler
Qu’il fut natif de Lantriquer.
Comment sçauray-je vostre nom ?
Monseigneur Rollant, ou Yvon,
Mort seray quand il vous plaira !

(A part.)
Et comment ! il ne cessera
Meshuy de me persecuter,
Et si ne me veult escouter !

(A l’espoventail.)
En l’honneur de la Passion
De Dieu, que j’aye confession,
Car je me sens jà fort malade !
Or, tenez, vela ma salade,
Qui n’est froissée ne couppée ;
Je la vous rens, et mon espée,
Et faictes prier Dieu pour moy.
Je vous laisse, sur vostre foy,
Ung vœu que je doibs à sainct Jacques.
Pour le faire, prendrez mon jacques,
Et ma ceinture et mon cornet.

(A part.)
Tu meurs bien maulgré toy, Pernet,
Voire maulgré toi et à force !

(Au public.)
Puis qu’endurer fault et à force,
Priez pour l’ame, s’il vous plaist,
Du Franc Archier de Baignolet,
Et m’escripvez, à ung paraphe,
Sur moy ce petit epitaphe :

''Cy gist Pernet le Franc Archier, ''
''Qui cy mourut sans desmarcher, ''
''Car de fuyr n’eut onc espace, ''
''Lequel Dieu, par sa saincte grace, ''
''Mette ès cieulx, avecques les ames''
''Des francs archiers et des gens d’armes, ''
''Arrière des arbalestriers.''
''Je les hay tous : ce sont meurdriers ! ''
''Je les congnois bien de pieça.''
''Et mourut l’an qu’il trespassa.''

Velà tout ; les mots sont très beaux.
Or, vous me lairrez mes houseaulx,
Car, se j’alloye en paradis
A cheval, comme fist jadis
Sainct Martin, et aussi sainct George,
J’en seroye bien plus prest… Or je
Vous laisse gantelet et dague :
Car, au surplus, je n’ay plus bague
De quoy je me puisse deffendre.

(A l’espoventail.)
Attendez ! me voulez-vous prendre
En desaroy ? Je me confesse
A Dieu, tandis qu’il n’y a presse,
A la Vierge et à tous sainctz.

(A part.)
Or meurs-je les membres tous sains
Et tout en bon point, ce me semble.
Je n’ay mal, sinon que je tremble
De paour et de malle froidure,
Et de mes cinq sens de nature…
Cinq cens ! Où prins, qui ne les emble ?
Je n’en veiz onc cinq cens ensemble,
Par ma foy ! n’en or, n’en monnoye.
Pour néant m’en confesseroye :
Oncques ensemble n’en veiz deux.
Et de mes sept pechez morteux
Il fault bien que m’en supportez :
Sur moy je les ay trop portez ;
Je les metz jus, avec mon jacques.
J’eusse attendu jusques à Pasques,
Mais vecy ung advancement.
Et du premier commendement
De la Loy, qui dit qu’on doibt croire
(Non pas l’estoc quand on va boire,
Cela s’entend) en ung seul Dieu,
Jamais ne me trouvay en lieu
Où j’y creusse mieulx qu’à ceste heure,
Mais qu’à ce besoing me sequeure.

(A l’espoventail.)
Ne desbendez ? Je ne me fuys !

(A part.)
Hélas ! je suis mort où je suis.
Je suis aussi simple, aussi coy
Comme une pucelle ; car, quoy
Dit le second commendement ?
Qu’on ne jure Dieu vainement.
Non ay-je en vain, mais très ferme,
Ainsi que fait ung bon genderme,
Car il n’est rien craint, s’il ne jure.
Le tiers nous enjoingt et procure,
Et advertist et admoneste,
Que l’en doit bien garder la feste,
Autant en hyver qu en esté :
J’ay tousjours voulentiers festé,
De ce ne mentiray-je point ;
Et le quatriesme nous enjoint
Qu’on doit honnorer père et mère :
J’ay tousjours honoré mon père,
En moy congnoissant gentilhomme
De son costé, combien qu’en somme
Sois villain et de villenaille.

(A l’espoventail.)
Et, pour Dieu, mon amy, que j’aille
Jusques amen ; miséricorde !
Relevez ung peu vostre corde ;
Ferez que le traict ne me blesse.

(A part.)
Item, morbieu ! je me confesse
Du cinquiesme, sequentement :
Deffend-il pas expressément
Que nul si ne soit point meurtrier ?

(A l’espoventail.)
Las ! Monseigneur l’arbalestrier,
Gardez bien ce commendement ;
Quant est à moy, par mon serment,
Meurdre ne fis onc qu’en poulaille.

(A part.)
L’aultre commendement nous baille
Qu’on n’emble rien ; ce ne fis oncque,
Car en lieu n’en place quelconque
Je n’euz loysir de rien embler.
J’ay assez à qui ressembler
En ce point ; je n’ay point meffait,
Car, se l’en m’eust pris sur le fait,
Dieu scet comme il me fust mescheu !

''Cy lusse tomber à terre l’espoventail, celluy qui le tient.''

(A l’espoventail.)
Las ! monseigneur ! vous estes cheu !…
Jésus ! et qui vous a bouté,
Dictes ? Ce n’ay-je pas esté,
Vrayement, ou diable ne m’emporte,
Au cas, dictes ? Je m’en rapporte
A tous ceulx qui sont cy, beau sire,
Affin que ne vueillez pas dire
Que c’est demain ou pour demain.
Au fort, baillez-moy vostre main,
Je vous ayderay à lever.
Mais ne me vueillez pas grever :
J’ai pitié de vostre fortune.

''Cy apperçoyt le Franc Archier, de l’espoventail, que ce n’est pas ung homme.''

Par le corps bieu ! j’en ay pour une !
Il n’a pié ne main ; il ne hobe ;
Par le corps bieu ! c’est une robe
Plaine, de quoy ? charbieu ! de paille !
Qu’esse-cy ? morbieu ! on se raille,
Ce cuiday-je, des gens de guerre…
Que la fièvre quartaine serre
Celluy qui vous a mis icy !
Je le feray le plus marry,
Par la vertu bieu ! qu’il fut oncques.
Se mocque on de moy quelconques ?
Et ce n’est, j’advoue sainct Pierre !
Qu’espoventail de chenevière,
Que le vent a cy abatu !…
La mort bieu ! vous serez batu,
Tout au travers, de ceste espée…
Quand la robbe seroit couppée,
Ce seroit ung très grand dommaige.
Je vous emporteray pour gaige,
Toutesfoys, après tout hutin.
Au fort, ce sera mon butin,
Que je rapporte de la guerre.
On s’est bien raillé de toi, Pierre,
La charbieu saincte et beniste !
Vous eussiez eu l’assault bien viste,
Se j’eusse sceu vostre prouesse :
Vous eussiez tost eu la renverse,
Voir, quelque paour que j’en eusse.
Or pleust à Jésus que je fusse,
A tout cecy, en ma maison !
Qu’il poise ! Mengié a foison
De paille : elle chiet par derrière.
C’est paine pour la chamberière,
De la porter hors de ce lieu.

(Au public.)
Seigneurs, je vous commande à Dieu ;
Et se l’on vous vient demander
Qu’est devenu le Franc Archier,
Dictes qu’il n’est pas mort encor,
Et qu’il emporte dague et cor,
Et reviendra par cy de brief.
Adieu ; je m’en vois au relief.
</poem>

{{c|FIN DU MONOLOGUE <br />DU FRANC ARCHIER DE BAIGNOLLET.}}
[[Catégorie:Monologues]]
[[Catégorie:Monologues]]
[[Catégorie:XVe siècle]]
[[Catégorie:Moyen Âge]]
[[Catégorie:Textes anonymes]]

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Version du 11 mars 2012 à 19:54

Œuvres complètes de François Villon, Texte établi par éd. préparée par La Monnoye, mise à jour, avec notes et glossaire par M. Pierre JannetA. Lemerre éd. (p. 122-135).

Ainsi que fut Nabugodonosor ;
Ou bien ait perte aussi griefve et villaine
Que les Troyens pour la prinse d’Heleine ;
Ou avallé soit avec Tantalus
Et Proserpine aux infernaulx pallus,
Ou plus que Job soit en griefve souffrance,
Tenant prison en la court Dedalus,
Qui mal vouldroit au royaume de France !

Quatre mois soit en un vivier chantant,
La teste au fons, ainsi que le butor ;
Ou au Grand-Turc vendu argent contant,
Pour estre mis au harnois comme un tor ;
Ou trente ans soit, comme la Magdelaine,
Sans vestir drap de linge ne de laine ;
Ou noyé soit, comme fut Narcisus ;
Ou aux cheveux, comme Absalon, pendus,
Ou comme fut Judas par desperance,
Ou puist mourir comme Simon Magus,
Qui mal vouldroit au royaume de France !

D’Octovien puisse venir le temps :
C’est qu’on luy coule au ventre son trésor ;
Ou qu’il soit mis entre meules flotans ;
En un moulin, comme fut saint Victor ;
Ou transgloutis en la mer, sans haleine,
Pis que Jonas au corps de la baleine ;
Ou soit banny de la clarté Phœbus,
Des biens Juno et du soulas Venus,
Et du grant Dieu soit mauldit à outrance,
Ainsi que fut roy Sardanapalus,
Qui mal vouldroit au royaume de France !

ENVOI.

Prince, porté soit des clers Eolus,
En la forest où domine Glocus,
Ou privé soit de paix et d’espérance,
Car digne n’est de posseder vertus,
Qui mal vouldroit au royaume de France !

LE JARGON OU JOBELIN
DE MAISTRE
FRANÇOIS VILLON.

BALLADE I.


A Parouart, la grand Mathe Gaudie,
Où accollez sont duppez et noirciz,
De par angels suyvans la paillardie,
Sont greffiz et prins cinq ou six.
Là sont bleffeurs, au plus hault bout assis
Pour l’evagie, et bien hault mis au vent.
Escevez-moy tost ces coffres massis !
Ces vendengeurs, des ances circoncis,
S’embrouent du tout à néant…
Eschec, eschec, pour le fardis !

Brouez-moy sur ces gours passans,
Advisez-moy bien tost le blanc,
Et pictonnez au large sur les champs :
Qu’au mariage ne soyez sur le banc
Plus qu’un sac de plastre n’est blanc.

Si gruppez estes des carireux,
Rebignez-moy tost ces enterveux,
Et leur montrez des trois le bris :
Que clavés ne soyez deux et deux…
Eschec, eschec, pour le fardis !

Plantez aux hurmes vos picons,
De paour des bisans si très-durs,
Et, aussi, d’estre sur les joncs,
En mahe, en coffres, en gros murs.
Escharricez, ne soyez durs,
Que le grand Can ne vous fasse essorer.
Songears ne soyez pour dorer,
Et babignez tousjours aux ys
Des sires, pour les debouser…..
Eschec, eschec, pour le fardis !

ENVOI.

Prince Froart, dit des Arques Petis,
L’un des sires si ne soit endormis,
Levez au bec, que ne soyez griffis,
Et que vous n’en ayez du pis…..
Eschec, eschec, pour le fardis !



BALLADE II.

Coquillars, narvans à Ruel,
Men ys vous chante que gardez
Que n’y laissez et corps et pel,
Com fist Colin de l’Escaillier,
Devant la roe babiller

Il babigna, pour son salut.
Pas ne sçavoit oingnons peller,
Dont Lamboureur lui rompt le suc.

Changez, andossez souvent,
Et tirez tout droit au tremble,
Et eschicquez tost en brouant,
Qu’en la jarte ne soyez ample.
Montigny y fut, par exemple,
Bien estaché au halle-grup,
Et y jargonnast-il le temple,
Dont Lamboureur lui rompt le suc.

Gailleurs, bien faitz en piperie,
Pour ruer les ninars au loing,
A l’assault tost, sans suerie !
Que les mignons ne soient au gaing,
Tout farcis d’un plumas à coing,
Qui griefve et garde le duc,
Et de la dure si très loing,
Dont Lamboureur luy rompt le suc.

ENVOI.

Prince, arrière de Ruel,
Et n’eussiez vous denier ne pluc,
Que au giffle ne laissez la pel,
Pour Lamboureur, qui rompt le suc.



BALLADE III.

Spélicans,
Qui, en tous temps,
Avancez dedans le pogois,
Gourde piarde,
Et sur la tarde,
Desboursez les pauvres nyais,
Et pour soustenir vostre pois,
Les duppes sont privez de caire,
Sans faire haire,
Ne hault braiere,
Mais plantez ils sont comme joncz,
Pour les sires qui sont si longs.

Souvent aux arques,
À leurs marques,
Se laissent tous desbouser
Pour ruer,
Et enterver
Pour leur contre que lors faisons.
La fée aux Arques vous respond,
Et rue deux coups, ou bien troys,
Aux gallois.
Deux, ou troys
Mineront trestout aux frontz,
Pour les sires qui sont si longs.

Et pour ce, benards,
Coquillars,
Rebecquez-vous de la montjoye,

Qui desvoye
Votre proye,
Et vous fera de tout brouer ;
Par joncher
Et enterver,
Qui est aux pigeons bien cher :
Pour rifler
Et placquer
Les angels de mal tous rondz,
Pour les sires qui sont si longs.

ENVOI.

De paour des hurmes
Et des grumes,
Rassurez-vous en droguerie
Et faerie,
Et ne soyez plus sur les joncz,
Pour les sires qui sont si longs.



BALLADE IV.

Saupicquetz frouans des gours arques,
Pour deshouser, beau sire dieux,
Allez ailleurs planter vos marques !
Benards, vous estes rouges gueux.
Berard s’en va chez les joncheux
Et babigne qu’il a plongis.
Mes frères, soiez embrayeux
Et gardez les coffres massis.

Se gruppez estes, desgrappes
De ces angels si graveliffes ;

Incontinent, manteaulx et cappes,
Pour l’emboue ferez eclipses ;
De vos sarges serez besifles,
Tout debout et non pas assis.
Pour ce, gardez d’estre griffes
Dedens ces gros coffres massis.

Nyais qui seront attrapez,
Bientost s’en brouent au Halle,
Plus ne vault que tost ne happez
La baudrouse de quatre talle.
Des tires fait la hairenalle,
Quand le gosser est assiegis,
Et si hurcque la pirenalle,
Au saillir des coffres massis.

ENVOI.

Prince des gayeulx, à leurs marques,
Que voz contres ne soient griffis.
Pour doubte de frouer aux arques,
Gardez-vous des coffres massis.



BALLADE V.

Joncheurs, jonchans en joncherie,
Rebignez bien où joncherez ;
Qu’Ostac n’embroue vostre arrerie,
Où acollez sont vos ainsnez.
Poussez de la quille et brouez,
Car tost seriez roupieux.
Eschet qu’acollez ne soyez,
Par la poe du marieux.

Bendez-vous contre la faerie,
Quanques vous aurez desbousez,
N’estant à juc la riflerie
Des angelz et leurs assosez.
Berard, se povez, renversez,
Si greffir laissez voz carieux ;
La dure bientost renversez,
Pour la poe du marieux.

Entervez à la floterie,
Chantez-leur trois, sans point songer.
Qu’en artes ne soyez en surie,
Blanchir vos cuirs et essurger.
Bignez la mathe, sans targer ;
Que vos ans ne soyent ruppieux !
Plantez ailleurs contre assiéger,
Pour la poe du marieux.

ENVOI.

Prince Benard en Esterie,
Querez coupans pour Lamboureux
Et autour de vos ys tuerie,
Pour la poe du marieux.



BALLADE VI.

Contres de la gaudisserie,
Entervez tousjours blanc pour bis,
Et frappez, en la hurterie,
Sur les beaulx sires bas assis.
Ruez de feuilles cinq ou six,
Et vous gardez bien de la roe,

Qui aux sires plante du gris,
En leur faisant faire la moe.

La giffle gardez de rurie,
Que vos corps n’en ayent du pis,
Et que point, à la turterie,
En la hurme ne soyez assis.
Prenez du blanc, laissez du bis,
Ruez par les fondes la poe,
Car le bizac, à voir advis,
Faict aux Beroars faire la moe.

Plantez de la mouargie,
Puis ça, puis là, pour l’artis,
Et n’espargnez point la flogue
Des doulx dieux sur les patis.
Vos ens soyent assez hardis,
Pour leur avancer la droe ;
Mais scient memorandis,
Qu’on ne vous face la moe.

ENVOI.

Prince, qui n’a bauderie
Pour eschever de la soe,
Danger du grup, en arderie,
Faict aux sires faire la moe.


Fin des œuvres de maistre
François Villon.


POÉSIES
ATTRIBUÉES À VILLON


I. RONDEL.


Les biens dont vous estes la dame
Ont mon cueur si très fort espris,
Qu’il feust mort, s’il n’eust entrepris
De vous aymer plus que nul ame.

Quant à moy, point je ne l’en blasme,
Pour ce qu’ilz ont de tous le pris
Les biens dont vous estes la dame.

De ce qu’il fault que je vous ayme,
Je sçay trop bien que j’ay mespris ;
Mais qui en doit estre repris ?
Non pas moi. Qui donc ? Sur mon ame,
Les biens dont vous estes la dame.


II. RONDEL.

A bien juger mon propre affaire
Et piteux cas, sans riens en taire,

Plus qu’autre croire me debvez,
Se par advanture n’avez
Information de contraire.

Celle ou celluy qui m’a brassé
Ce maulvais los et pourchassé
Me het et ne vous ayme pas ;
Mais il quiert que soye chacié
De vostre amour et effacié.
Je congnois bien telz advocas.

Se vous avez voulu refaire
Leur voulenté pour me deffaire,
Vous faictes mal et me grevez.
Considerez que vous sçavez
Qu’onc vers vous ne voulus meffaire
A bien juger.


III. RONDEL.

Une fois me dictes ouy,
En foy de noble et gentil femme ;
Je vous certifie, ma Dame,
Qu’oncques ne fuz tant resjouy.

Veuillez le donc dire selon
Que vous estes benigne et doulche,
Car ce doulx mot n’est pas si long
Qu’il vous face mal en la bouche.

Soyez seure, si j’en jouy,
Que ma lealle et craintive ame
Gardera trop mieulx que nul ame
Vostre honneur. Avez-vous ouy ?
Une fois me dictes ouy.

IV. RONDEL.

Se mieulx ne vient d’amours, peu me contente ;
Une j’en sers qui est bien suffisante
Pour contenter un grant duc ou un roy.
Je l’ayme bien, mais non pas elle moy ;
Il n’est besoing que de ce je me vante.

Combien qu’elle est de taille belle et gente,
De m’en louer pour ceste heure presente
Pardonnez-moy, car je n’y voy de quoy ;
Se mieulx ne vient d’amours, peu me contente.

Quant je luy dy de mon vouloir l’entente,
Et cueur et corps et biens je luy presente,
Pour tout cela remede je n’y voy.
Deliberé suis, sçavez-vous de quoy ?
De luy quicter et le jeu et l’actente.
Se mieulx ne vient d’amours, peu me contente.


V. RONDEL.

De mon faict je ne sçay que dire ;
Par tout où je vois je m’adire,
Et des yeulx voy moins que du coute.
En danger suis qu’il ne me couste
La vie, tant suis remply d’ire.

De mon faict je ne sçay que dire,
Car ma dame si ne tient compte
De mon martyre, quant luy compte,
Mais me dit que trop aise suis,
Et qu’en ce royaulme n’a conte
Qui ait de nulle meilleur compte
Que j’ay d’elle, quant je la suis.

Attention : la clé de tri par défaut « Ballade joyeuse des Taverniers » écrase la précédente clé « monologue du franc archier de baignollet ».