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Version du 15 mai 2018 à 07:31
lamentablement, il n’oserait jamais. Alors quoi ? Fuir, se résigner ou s’étourdir… L’heure de fuir était passée. La marquise avait jugé qu’Étienne n’avait nul besoin de carrière. Fils unique, héritier d’une fortune territoriale dont l’administration ne pouvait être sans danger abandonnée à un intendant, il se marierait jeune et continuerait les traditions charitables et hospitalières des châtelains de Kerarvro. C’était un idéal modeste, mais qui satisfaisait pleinement les ambitions de madame de Crussène et surtout la rassurait.
Etienne, très indépendant, n’avait pas éprouvé non plus le besoin d’avoir une carrière précise, limitée. Combien il le regrettait aujourd’hui. Les marins, les officiers étaient des actifs après tout, mais des actifs exempts de luttes intérieures et d’incertitudes. Pour lui, la lutte était poignante et sans issue ; ses vingt-quatre ans sonneraientbientôt. Depuisdix-huit mois qu’il était sorti du régiment, il avait l’impression d’avoir marché à reculons, défaisant le chemin jadis parcouru, retournant vers l’obscurité. Alors il avait songé aux Haras, à l’Institut agronomique, aux Chartes, à toutes les besognes pour lesquelles il n’était point fait, qu’il eftt entreprises néanmoins pour éhapper à ce cauchemar. Mais il avait passé l’âge où bien des connaissances spéciales nécessaires à l’examen d’entrée lui 1nanquaient.A certains jours des résolutions viriles s’imposaient à son esprit. Non, il ne serait plus le jouet de préjugés vieillis ; il repousserait la solidarité injuste qui l’unissait au passé mort, il déciderait librement de la route à suivre...., mais s’il arrivait que quelque occasion se présentât, il n’osait ou ne pouvait en profiter : au del’nier moment son élan .se brisait tout net. Le cavalier qui a permis à sa monture de se dérober plusieurs fois perd confiance en abordant l’obstacle. Etienne connut bientôt le peu de portée de ses décisions et les limites prochaines de sa volonté. Il appela l’imprévu, le tragique même à son aide. Ce qu’il ne savait pas vaincre, c’était l’incident minime qui lasse par sa répétition : ce qu’il ne savait pas soutenir c’était la lutte quotidienne, détaillée : il s’imaginait que quelque secousse le prenant au dépourvu et l’obligeant à agir sans délai le trouverait plus capable de résister aux défaillances. Et il attendit. .., le temps passa. Rien ne vint.
Il essaya de ,, faire la noce ». Combien à Paris la font par désœuvrement, pour s’empêcher de penser ou même, car le cas d’Etienne est plus fréquent qu’on ne le croit - pour se consoler de ne pas