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interpellation, il est le plus admirable debater de son pays. S’il a pris son chapeau, il faut croire qu’il avait réellement affaire au sénat. L’a-t-il pris d’une façon maussade et désobligeante ? a-t-il paru narguer les mécontens ? s’est-il permis de hausser les épaules ? On peut discuter là-dessus. Ce qu’on ne peut contester, c’est qu’un retraimiento pour une raison d’étiquette est un mauvais procédé qui rend tout impossible. Les chefs de l’opposition voyaient avec chagrin revenir au pouvoir un homme de grand talent et de grand courage, qui possède le génie du gouvernement. Ils sentaient que leurs espérances étaient ajournées, qu’ils en avaient pour quatre ans au moins. Ils ont cherché une occasion de se mettre en grève, ils l’ont trouvée. Un quidam qui avait fait sa fortune par des moyens peu délicats, mais qui avait toujours sauvé les apparences, disait dans un moment d’expansion : « Le résultat de ma longue expérience est que pour réussir il faut mêler à la coquinerie une certaine dose d’honnêteté. » On peut dire aussi qu’une certaine dose de probité est nécessaire à la bonne politique et qu’on se trouve toujours mal de ne pas observer les règles du jeu. Qui peut répondre à M. Sagasta que lorsqu’il sera devenu président du conseil, quelqu’un ne l’obligera pas à son tour à prendre son chapeau ?

Le gouvernement despotique ne prospère que si le despote a du génie ; le régime parlementaire ne peut être pratiqué avec succès que si les chefs des partis ont un peu de bonne foi et beaucoup de bon sens. Un jour ils arriveront au pouvoir et se transformeront comme par miracle en hommes de gouvernement. C’est une métamorphose à laquelle ils devraient se préparer de loin. On a vu devenir ministres d’anciens humanitaires qui avaient souvent déclamé contre les armées permanentes ; à peine ont-ils pris possession de leurs portefeuilles, les écailles leur sont tombées des yeux, ils ont reconnu qu’un grand pays ne peut subsister sans armée. On a vu d’anciens garibaldiens devenir présidons du conseil et sacrifier du jour au lendemain leurs utopies pour servir loyalement la maison de Savoie. On a entendu des préfets de police, réputés pour être des radicaux fort avancés, déclarer, avec une verdeur de franchise qui leur faisait le plus grand honneur, qu’il leur importait peu que leurs agens eussent des opinions républicaines, qu’ils leur demandaient seulement d’être obéissans, habiles et dévoués ; cette déclaration plongeait dans la stupeur un conseil général qui s’attendait à toute autre chose : il n’est pas encore remis de son émotion. Quelques années auparavant, on avait entendu le plus brillant orateur de l’Espagne, M. Castelar, avouer qu’il avait mainte fois réclamé la suppression absolue de la peine de mort, mais que depuis qu’il était entré dans le gouvernement, tout moyen lui semblait bon pour rétablir la discipline dans l’armée. — « Accusez-moi d’inconséquence, s’écria-t-il, je ne me défendrai point. Ai-je le droit de préférer ma réputation au salut de mon pays ? Que la postérité me crie anathème, mais que personne ne