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possède : et la syntaxe n’est pas à nous. M. Marcel Boulenger répondit à M. Tristan Bernard : « Parbleu ! votre style est la grâce même : il peut se permettre d’aller tout nu. Mais nous autres, il faut bien que nous habillions un peu le nôtre, pour sortir. Or, l’imparfait du subjonctif habille, incontestablement. C’est un temps somptuaire, un temps de luxe. Il doit être imposé dans le projet Caillaux. Vive le luxe, monsieur !… Nous userons de ce subjonctif. » Bien répondu, certes. Et, pourtant, n’ai-je pas outré mes complimens tout à l’heure, quand je vantais le pédantisme de M. Marcel Boulenger ? (Car nous manquons de pédans ! ) M. Marcel Boulenger n’est pas un grammairien d’abord ; je ne lui accorde pas, pour sa devise, cette maxime du bonhomme Quintilien : « Grammatices amor vitæ spatio terminetur, puisse ton amour de la grammaire n’avoir pas d’autres bornes que celles de ton existence ! » Il se rit de la concordance des temps et n’estime l’imparfait du subjonctif, en asse, en isse, en usse ou autrement, que pour des motifs d’élégance. Frivolité ! il s’agit de grammaire.

L’élégance : et, avec M. Marcel Boulenger, c’est toujours là que nous revenons. Il y a, dit-il, des cravates pour Péruviens, des cravates pour camelots, des cravates pour députés qui souhaitent d’aller dans le monde, des cravates pour vieux généraux et des cravates pour dandys. Il y a autant d’imparfaits du subjonctif : celui de l’institutrice, celui de l’étranger qui apprend le français, celui du collégien, celui de Scribe, et celui de l’homme élégant. M. Marcel Boulenger n’offre à M. Tristan Bernard que celui-là. Il rédigerait peut-être ainsi une règle de sa grammaire : Ayez l’imparfait du subjonctif élégant.

Frivolité ? En quelque sorte, non. L’élégance de M. Marcel Boulenger est sérieuse ; et le modèle qu’il propose à l’écrivain, c’est La Bruyère. Je me demande s’il n’ajouterait pas : La Bruyère et Jules Renard. La vraie élégance est, pour un écrivain, d’écrire bien. Écrire bien : suivre les règles principales ; et (il l’exige) varier ses tours, comme La Bruyère ; et (il le disait) chercher avec passion la clarté, comme au surplus tous les auteurs classiques. Quelle erreur, si l’on croit que le souci de l’élégance ait pour résultat, dans le style, une langueur, une faiblesse, une pâleur efféminée ! Fausse élégance, et non celle d’un garçon « large d’épaules et étroit du baudrier. » Mais ce garçon met sa coquetterie à être fort : et l’on verra qu’il est fort s’il a bien l’air de se jouer où les malingres se démènent, s’il ne fait pas une quantité de mouvemens pour accomplir sa prouesse, enfin s’il agit avec justesse, écrit avec concision. Il a de la désinvolture. Il ne bavarde pas. Ce qu’il a résolu de dire, il le dit, et rapidement. Il ne