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{{tiret2|débar|rasser}}. Il semblait que la destinée capricieuse, jalouse d’opérer dans cette famille le contraste le plus complet, eût imposé à la fille la haine du mariage en raison inverse de l’impatience que le père éprouvait de la voir établie. Outre les raisons mystérieuses que {{M.|Parquet}} cherchait à déduire de cette manie réciproque, il en existait de bien palpables, et qui, prenant leur source dans le caractère de l’un et de l’autre, {{corr|suffisait|suffisaient}} presque pour l’expliquer. {{M.|de}} Fougères était de la véritable race des avares. Son intelligence n’était développée que sous la face de l’habileté et de l’activité en affaires, et la seule vanité qu’il eût, c’était celle d’être riche. Il n’appliquait pas trop cette vanité aux menus détails de la vie, et l’économie se faisait remarquer dans toutes ses habitudes. Son point d’honneur était d’avoir toujours à sa disposition des sommes considérables pour tenter des coups de fortune, et de savoir doubler à point son enjeu dans les calculs de la finance. C’est ainsi qu’il n’avait pas hésité à abjurer son patriciat lorsque les chances de la destinée lui avaient fait entrevoir le succès dans le négoce ; c’est ainsi qu’il venait d’abjurer le négoce pour reprendre le patriciat en voyant la fortune sourire de nouveau à cette classe disgraciée. Il avait compté qu’un titre et un château le mettraient à même de briguer toutes les faveurs de la nouvelle cour de France. Ensuite il calcula qu’une belle fille étant un fonds de commerce, c’était bien longtemps le laisser dormir, et qu’un gendre influent par sa naissance pourrait l’aider dans son ambition. C’était dans ces idées qu’il s’était souvenu de sa fille, à peu près oubliée en Italie, et que, rendant grâces au caprice qui lui avait fait aimer le célibat jusqu’à l’âge de vingt deux ans, il l’avait rappelée auprès de lui et l’avait produite à Paris dans les salons du faubourg Saint-Germain. Mais quand il vit que ce caprice était insurmontable, il éprouva beaucoup de regret d’avoir sur les bras une personne qu’il connaissait à peine, et dont le caractère inflexible et les idées absolues lui étaient un continuel sujet de malaise et de contrariété. Les opinions républicaines de cette enfant enthousiaste avaient achevé de le désespérer ; il craignait à chaque instant qu’elle ne le compromît ; il rougissait d’elle, et, ne la comprenant nullement, il la regardait sincèrement comme une folle du genre sérieux et spleenétique. |
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SIMON. |
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Alors il n’avait plus désiré que de s’en défaire à tout prix, pourvu toutefois que son gendre futur eût assez de fortune ou assez d’amour pour ne pas lui demander une dot considérable et pourvu surtout que sa naissance fût assez élevée pour ne porter aucune atteinte au blason de Fougères. Le comte faisait en réalité très-peu de cas de la noblesse ; il ne comprenait nullement le parti poétique et chevaleresque que la vanité peut en tirer. Mais comme à cette époque c’était le premier point pour parvenir, comme d’ailleurs le comte n’avait pas d’autre titre à la faveur royale que sa naissance et sa qualité d’émigré, il eût mieux aimé garder sa fille toute sa vie auprès de lui que de la donner à un roturier. |
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Malheureusement cette fille était majeure, et, avec les singularités de son humeur et l’audace tranquille de ses résolutions, il était à craindre qu’elle ne fît un choix étrange. Son père avait frémi de la voir liée si étroitement à la famille Féline. Il avait eu avec elle à ce sujet une seule explication, à la suite de laquelle il s’était résigné, comme par miracle, à la laisser maîtresse de ses actions, et même à faire un accueil obligeant à ses nouveaux amis. Mais, depuis, cette intimité lui avait donné de nouvelles inquiétudes, et le bon accueil que Fiamma avait fait à son cousin l’avait soulagé à temps d’une grande anxiété. Soit que le marquis d’Asolo, abjurant ses opinions, se fixât en France et se rattachât aux principes de la cour, soit qu’il retournât faire de la république en Italie et reconquérir les privilèges de la seigneurie vénitienne, c’était un beau parti pour l’ambition, et de plus un prompt moyen de se délivrer de celle qu’en public le comte appelait sa fille chérie, affectant de la consulter sur tout et de rechercher sans cesse son approbation, quoique en réalité tous les sacrifices de sa tendresse paternelle se fussent bornés à contracter l’innocente habitude de finir toutes ses dissertations par ces trois mots : ''{{lang|it|Non è vero, Fiamma}} ?'' |
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rasscr. Il semblait que la destinée capricieuse, jalouse |
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d’opérer dans cette famille le contraste le plus complet |
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eût imposé à la fille la haine du mariage en raison inverse |
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de l’impatience que le père éprouvait de la voir |
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établie. Outre les raisons mystérieuses que Al. Parquet |
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cherchait à déduire de cette manie réciproque il en existait |
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de bien palpables, et qui, prenant leur source dans |
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le caractère de l’un et de l’autre, suffisait presque pour |
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l’expliquer. M. de Fougères était do la véritable race des |
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avares. Son intelligence n’était développée que sous la |
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face de l’habileté et de l’activité en affaires, et la seule |
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vanitéqu’il eût, c’était celle d’être riche. Il n’appliquait pas |
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trop ceite vanité aux menus détails de la vie, et l’économie |
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se faisait remarquer dans toutes ses habitudes. |
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Son point d’honneur était d’avoir toujours à sa disposition |
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des sommes considérables pour tenter des coups de fortune, |
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et de savoir doubler à point son enjeu dans les |
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calculs de la finance. C’est ainsi qu’il n’avait pas hésité à |
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a. jurer son patriciat lorsque les chances de la destinée |
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lui avaient fait entrevoir le succès dans le négoce ; c’est |
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ainsi qu’il venait d’abjurer le négoce pour reprendre lo |
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patriciat en voyant la fortune sourire de nouveau à cette |
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classe disgraciée. Il avait compté qu’un titre et un château |
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le mettraient à même de briguer toutes les faveurs |
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de la nouvelle cour de France. Ensuite il calcula qu’une |
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belle fille étant un fonds de commerce, c’était bien lungtrmps |
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le laisser dormir, et. qu’un gendre influent par |
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sa naissance pourrait l’aider dans sun ambition. C’étuit |
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dans ces idées quM s’était souvenu de sa lille, à peu |
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prés oubliée on Italie, et que, rendant grâces au caprice |
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qui lui avait fait aimer le célibat jusqu a l’âge de vingt |
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à Paris dans les salons du faubourg Saint-Germain. |
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Mais quand il vit que ce caprice était insurmontable, il |
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éprouva beaucoup de regret d’avoir sur les bras une |
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personne qu’il connaissait à peine, et dont le caractère |
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inflexible et les idées absolues lui étaient un continuel |
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de cette enfant enthousiaste avaient achevé de le |
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compromît ; il rougissait d’elle, et, ne la comprenant |
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nullement, il la regardait ïinoèrement comme une folle du |
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genre sérieux et spleetiétique. |
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Lorsqu’il vit le marquis d’Asolo si brusquement éconduit, il entra dans un de ces accès de violence dont les gens du dehors ne l’eussent jamais cru capable, mais devant lesquels sa maison avait souvent l’occasion de trembler. Il appela sa fille au moment où le cousin s’éloignait de Fougères dans sa chaise de poste, tandis que Fiamma prenait naturellement le chemin de la maison Féline ; alors, la priant de remonter dans sa chambre, il l’y suivit, et en ferma les fenêtres et les portes pour que l’explosion de sa colère ne se fit pas entendre au loin. |
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Alors il n’avait plus désiré que de s’en défaire à tout |
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prix, pourvu toutefois que son gendre futur eût assez |
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de fortune ou assez d’amour pour ne pas lui demander |
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fût assez élevée pour ne porter aucune atteinte au blason |
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de Fougères. Le comte faisait en réalité très-peu de cas |
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de lit nublesse il ne comprenait nullement le parti puétique |
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et chevaleresque que la vanité peut en tirer. Mais |
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comme à cette époque c’était le premier point p ur parvenir, |
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à la faveur ruyale que sa naissance et sa qualité u’émigré, |
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il eût mieux aimé garder sa lille toute sa vie auprès |
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de lui que de la donner à un roturier. |
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Fiamma avait prévu cette éruption volcanique. Elle la contempla avec une insensibilité apparente, quoiqu’une fureur profonde embrasât les secrets replis de son âme orgueilleuse. Quand le comte eut frappé sur la table (sans pourtant s’oublier lui-même jusqu’à la briser) ; quand il eut lancé autour de lui les éclairs de ses petits yeux bridés, et qu’il lui eut intimé, dans les termes les plus blessants qu’il put trouver, l’ordre d’entrer dans un couvent ou de cesser toute relation avec la famille Féline, elle le pria avec un sang-froid cruel de modérer son emportement, dans la crainte, lui dit-elle, d’un de ces accès de toux nerveuse auxquels il était sujet ; puis, s’asseyant de manière à ne pas friper sa robe et à conserver dans leur liberté tous les mouvements de son corps, elle lui répondit ainsi dans le plus pur toscan, avec cette gesticulation noble et avec cet accent sonore et un peu ampoulé des Vénitiens lorsqu’ils quittent leur dialecte rapide et serré : |
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Malheureusement cette lille était majeure, et, avec |
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les singularités de son humeur et l’audace tranquille de |
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ses résolutions, il était à craindre qu’elle ne fît un choix |
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étrange. Sun père avait frémi de la voir liée si étroitement |
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a la famille Féline. Il avait eu avec elle à ce sujet |
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une seule explication, à la suite de laquelle il s’était réfcigné, |
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comme par miracle, à la laisser maîtresse de ses |
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actions, et même à faire un accueil obligeant à ses nuuveaux |
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de inutiveiles inquiétudes, et le bon accueil que Fiamma |
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avait fait. à son cousin l’avaitsoulagé à temps u’mie grande |
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anxiété. Suit que le marquis d’Asolo, abjurant ses opinions |
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se fixât en France et se rattachât aux principes |
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de la cour, uoit qu’il retournât faire ue la république en |
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Italie et reconquérir les privilèges de la seigneurie vénitienne, |
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c’était un beau pari pour l’ambition, et ue plus |
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un prompt moyen de se délivrer de celle qu’en public |
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le comte appelait sa lille chérie, affectant de la consulter |
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sur tout elde rechercher sans cesse son approbation, |
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quoique en réalité lous les sacrifices de sa tendresse paternelle |
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se fussent bornés à contracter l’innocente habi- |
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« Il me semble que l’objet de cette décision a déjà été discuté entre nous au printemps dernier, et que nous avons pris des conclusions à cet égard. ''Votre Seigneurie'' les aurait-elle oubliées, ou bien me serais-je écartée des conventions que notre mutuelle parole d’honneur avait rendues sacrées ? |
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tude de finir toutes ses dissertations par ces trois mots |
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Non è vero, Fiamma f |
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— Oui, certes, Mademoiselle ! vous avez violé ces conventions et vos promesses. J’ai été bien sot, pour ma part, de me fier aux singeries majestueuses d’une petite comédienne qui passe sa vie à essayer de m’en imposer par ses poses tragiques et ses réponses solennelles ! Vous avez beaucoup trop suivi le théâtre de la Fenice, Signora, et je dois m’estimer heureux que vous n’ayez pas pris la fantaisie de monter sur les planches. |
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il entra dans un d» ces accès de violence dont les |
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devant lesquels sa maison avait souvent l’occasion de |
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trembler. Il appela sa fille au moment où le cousin s’éloignait |
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de Fougères dans sa chaise de poste, tandis que |
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Fiamma prenait naturellement le chemin de la maison |
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Féline ; alors, la priant de remont.M1 dans sa chambre, il |
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l’y suivit, et en ferma les fenêtres et les portes pour que |
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l’explosion de sa colère ne se fit pas entendre au loin. |
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Fiamma avait prévu cette éruption volcanique. Elle la |
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contempla avec une insensibilité apparente, quoiqu’une |
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fureur profonde embrasât les secrets replis de son âme |
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eut lancé autour de lui les éclairs de ses petits yeux |
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bridés, et qu’il lui eut intimé, dans les termes les plus |
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blessants qu’il put trouver, l’ordre d’entrer dans un couvent |
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ou de cesser toute relation avec la famille Féline, |
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elle le pria avec un sang-froid cruel de modérer son |
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emportement, dans la crainte, lui dit-elle, d’un de ces |
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accès de toux nerveuse auxquels il était sujet ; puis, |
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s’asseyaut de manière à ne pas friper sa robe et à conserver |
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avec cette gesticulation nob’e et avec cet accent sonore |
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et un peu ampoulé des Vénitiens lorsqu’ils quittent leur |
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dialecte rapide etrserré |
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— Vous devriez savoir, Monsieur, qu’il n’y a aucune fantaisie folle et désespérée dont il soit prudent de défier une fille dans ma position. Cependant vous avez raison d’être sûr que vous me défieriez en vain de faire une chose qui ne fût pas conforme à mon orgueil et à ma réserve habituelle. |
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« Il me semble que l’objet de cette décision a déjà été |
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discuté entre nous au printemps dernier, et que nous |
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avons pris des conclusions à cet égard. Votre Seigneurie |
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les uui’iiit-ulle oubliées, ou bien me serais-je écartée lies |
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conventions que notre mutuelle parole d’honneur avait |
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rendues sacrées ? |
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— En vérité, c’est bien de la bonté de votre part ! reprit le comte avec aigreur. Et en quoi, s’il vous plaît, votre position est-elle si malheureuse ? |
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Oui, certes, Mademoiselle I vous avez violé ces |
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conventions et vos promesses. J’ai été bien sot, puur ma |
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part, de me tier aux singeries majestueuses d’une pi-titu |
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comédienne qui passe sa vie à essayer de m’en imposer |
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par ses poses tragiques et ses réponses solennelles ! Vous i |
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avez beaucoup trop suivi le théâtre de la Fenice.Signora, |
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et je dois m’estimer heureux que vous n’ayez pas pris la |
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fantaisie de monter sur les planches. |
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— Je ne me suis pas servie de cette expression, Monsieur, répondit Fiamma. Je ne me suis jamais permis de qualifier en aucune façon la position que vous m’avez faite… |
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-Vous devriez savoir, Monsieur, qu’il n’y a aucune |
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fantaisie folle et désespérée dont il soit prudent de délier |
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une fille dans ma position. Cependant vous avez raison |
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d être sûr que vous me défieriez en vain de faire une |
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chose qui ne fut pas conforme à mon orgueil et à. ma |
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réserve habituelle. 0 |
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— Laissez cette ironie, répondit brusquement le comte ; je sais de reste ce que valent vos simulacres de respect et de politesse. Allons, répondez franchement : d’où vient votre inconcevable ardeur à me désespérer, et votre obstination surhumaine à prendre toujours le parti diamétralement contraire à celui qui pourrait satisfaire la raison et ma sollicitude pour un enfant ingrat ? » |
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En vérité, c’est bien de la bonté de votre part ! |
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reprit le comte avec aigreur. Et en quoi, s’il vous plait, |
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votre position est-e.lesi malheureuse ? |
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Les tentatives de déclamation sentimentale étaient ordinairement le second point des remontrances du comte. C’était le moment où Fiamma voyait clairement faiblir son adversaire sous le sentiment d’une honte intérieure. Un sourire d’une amère éloquence effleura ses lèvres pâles. Puis, après un instant de silence, que le comte oppressé n’eut pas la force de rompre, elle lui dit avec une douceur d’intonation qui cherchait à pallier la rudesse de son raisonnement : |
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-Je ne me suis pas servie de cette expression, Monsieur, |
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répondit Fiamma. Je ne me suis jamais permis de |
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qualifier eu aucune façon la position que vous m’avez |
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faite. |
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« Pourquoi, mon père, chercher vainement à raviver en vous-même un sentiment qui n’a jamais habité vos entrailles ? Je ne me suis jamais plainte, et mon intention n’est pas de rompre l’éternel silence que le devoir {{tiret|m’im|pose}} |
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Laissez cette ironie, répondit brusquement le comte ; |
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je sais de reste ce que valent vos simulacres de respect |
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et de politesse. Allons, répondez franchement : d’où vient |
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votre inconcevable ardeur à me désespérer, et votre |
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obstination surhumaine à prendre toujours le parti diamétralement |
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raison et ma sollicitude pour un enfant ingrat ? » |
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le second oointdes remontrances du comte. |
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son adversaire sous le sentiment d’une honte intérieure. |
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oppressé n’eut pas la force de rompre, elle lui dit avec |
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une douceur d’intonation qui cherchait à pallier la rudesse |
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de son raisonnement : |
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« Pourquoi, mon père, chercher vainement à raviver |
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en vous-même un sentiment qui n’a jamais habite vos entrailles ? |
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Je ne me suis jamais plainte, et mon intention |
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Dernière version du 6 octobre 2019 à 13:19
rasser. Il semblait que la destinée capricieuse, jalouse d’opérer dans cette famille le contraste le plus complet, eût imposé à la fille la haine du mariage en raison inverse de l’impatience que le père éprouvait de la voir établie. Outre les raisons mystérieuses que M. Parquet cherchait à déduire de cette manie réciproque, il en existait de bien palpables, et qui, prenant leur source dans le caractère de l’un et de l’autre, suffisaient presque pour l’expliquer. M. de Fougères était de la véritable race des avares. Son intelligence n’était développée que sous la face de l’habileté et de l’activité en affaires, et la seule vanité qu’il eût, c’était celle d’être riche. Il n’appliquait pas trop cette vanité aux menus détails de la vie, et l’économie se faisait remarquer dans toutes ses habitudes. Son point d’honneur était d’avoir toujours à sa disposition des sommes considérables pour tenter des coups de fortune, et de savoir doubler à point son enjeu dans les calculs de la finance. C’est ainsi qu’il n’avait pas hésité à abjurer son patriciat lorsque les chances de la destinée lui avaient fait entrevoir le succès dans le négoce ; c’est ainsi qu’il venait d’abjurer le négoce pour reprendre le patriciat en voyant la fortune sourire de nouveau à cette classe disgraciée. Il avait compté qu’un titre et un château le mettraient à même de briguer toutes les faveurs de la nouvelle cour de France. Ensuite il calcula qu’une belle fille étant un fonds de commerce, c’était bien longtemps le laisser dormir, et qu’un gendre influent par sa naissance pourrait l’aider dans son ambition. C’était dans ces idées qu’il s’était souvenu de sa fille, à peu près oubliée en Italie, et que, rendant grâces au caprice qui lui avait fait aimer le célibat jusqu’à l’âge de vingt deux ans, il l’avait rappelée auprès de lui et l’avait produite à Paris dans les salons du faubourg Saint-Germain. Mais quand il vit que ce caprice était insurmontable, il éprouva beaucoup de regret d’avoir sur les bras une personne qu’il connaissait à peine, et dont le caractère inflexible et les idées absolues lui étaient un continuel sujet de malaise et de contrariété. Les opinions républicaines de cette enfant enthousiaste avaient achevé de le désespérer ; il craignait à chaque instant qu’elle ne le compromît ; il rougissait d’elle, et, ne la comprenant nullement, il la regardait sincèrement comme une folle du genre sérieux et spleenétique.
Alors il n’avait plus désiré que de s’en défaire à tout prix, pourvu toutefois que son gendre futur eût assez de fortune ou assez d’amour pour ne pas lui demander une dot considérable et pourvu surtout que sa naissance fût assez élevée pour ne porter aucune atteinte au blason de Fougères. Le comte faisait en réalité très-peu de cas de la noblesse ; il ne comprenait nullement le parti poétique et chevaleresque que la vanité peut en tirer. Mais comme à cette époque c’était le premier point pour parvenir, comme d’ailleurs le comte n’avait pas d’autre titre à la faveur royale que sa naissance et sa qualité d’émigré, il eût mieux aimé garder sa fille toute sa vie auprès de lui que de la donner à un roturier.
Malheureusement cette fille était majeure, et, avec les singularités de son humeur et l’audace tranquille de ses résolutions, il était à craindre qu’elle ne fît un choix étrange. Son père avait frémi de la voir liée si étroitement à la famille Féline. Il avait eu avec elle à ce sujet une seule explication, à la suite de laquelle il s’était résigné, comme par miracle, à la laisser maîtresse de ses actions, et même à faire un accueil obligeant à ses nouveaux amis. Mais, depuis, cette intimité lui avait donné de nouvelles inquiétudes, et le bon accueil que Fiamma avait fait à son cousin l’avait soulagé à temps d’une grande anxiété. Soit que le marquis d’Asolo, abjurant ses opinions, se fixât en France et se rattachât aux principes de la cour, soit qu’il retournât faire de la république en Italie et reconquérir les privilèges de la seigneurie vénitienne, c’était un beau parti pour l’ambition, et de plus un prompt moyen de se délivrer de celle qu’en public le comte appelait sa fille chérie, affectant de la consulter sur tout et de rechercher sans cesse son approbation, quoique en réalité tous les sacrifices de sa tendresse paternelle se fussent bornés à contracter l’innocente habitude de finir toutes ses dissertations par ces trois mots : Non è vero, Fiamma ?
Lorsqu’il vit le marquis d’Asolo si brusquement éconduit, il entra dans un de ces accès de violence dont les gens du dehors ne l’eussent jamais cru capable, mais devant lesquels sa maison avait souvent l’occasion de trembler. Il appela sa fille au moment où le cousin s’éloignait de Fougères dans sa chaise de poste, tandis que Fiamma prenait naturellement le chemin de la maison Féline ; alors, la priant de remonter dans sa chambre, il l’y suivit, et en ferma les fenêtres et les portes pour que l’explosion de sa colère ne se fit pas entendre au loin.
Fiamma avait prévu cette éruption volcanique. Elle la contempla avec une insensibilité apparente, quoiqu’une fureur profonde embrasât les secrets replis de son âme orgueilleuse. Quand le comte eut frappé sur la table (sans pourtant s’oublier lui-même jusqu’à la briser) ; quand il eut lancé autour de lui les éclairs de ses petits yeux bridés, et qu’il lui eut intimé, dans les termes les plus blessants qu’il put trouver, l’ordre d’entrer dans un couvent ou de cesser toute relation avec la famille Féline, elle le pria avec un sang-froid cruel de modérer son emportement, dans la crainte, lui dit-elle, d’un de ces accès de toux nerveuse auxquels il était sujet ; puis, s’asseyant de manière à ne pas friper sa robe et à conserver dans leur liberté tous les mouvements de son corps, elle lui répondit ainsi dans le plus pur toscan, avec cette gesticulation noble et avec cet accent sonore et un peu ampoulé des Vénitiens lorsqu’ils quittent leur dialecte rapide et serré :
« Il me semble que l’objet de cette décision a déjà été discuté entre nous au printemps dernier, et que nous avons pris des conclusions à cet égard. Votre Seigneurie les aurait-elle oubliées, ou bien me serais-je écartée des conventions que notre mutuelle parole d’honneur avait rendues sacrées ?
— Oui, certes, Mademoiselle ! vous avez violé ces conventions et vos promesses. J’ai été bien sot, pour ma part, de me fier aux singeries majestueuses d’une petite comédienne qui passe sa vie à essayer de m’en imposer par ses poses tragiques et ses réponses solennelles ! Vous avez beaucoup trop suivi le théâtre de la Fenice, Signora, et je dois m’estimer heureux que vous n’ayez pas pris la fantaisie de monter sur les planches.
— Vous devriez savoir, Monsieur, qu’il n’y a aucune fantaisie folle et désespérée dont il soit prudent de défier une fille dans ma position. Cependant vous avez raison d’être sûr que vous me défieriez en vain de faire une chose qui ne fût pas conforme à mon orgueil et à ma réserve habituelle.
— En vérité, c’est bien de la bonté de votre part ! reprit le comte avec aigreur. Et en quoi, s’il vous plaît, votre position est-elle si malheureuse ?
— Je ne me suis pas servie de cette expression, Monsieur, répondit Fiamma. Je ne me suis jamais permis de qualifier en aucune façon la position que vous m’avez faite…
— Laissez cette ironie, répondit brusquement le comte ; je sais de reste ce que valent vos simulacres de respect et de politesse. Allons, répondez franchement : d’où vient votre inconcevable ardeur à me désespérer, et votre obstination surhumaine à prendre toujours le parti diamétralement contraire à celui qui pourrait satisfaire la raison et ma sollicitude pour un enfant ingrat ? »
Les tentatives de déclamation sentimentale étaient ordinairement le second point des remontrances du comte. C’était le moment où Fiamma voyait clairement faiblir son adversaire sous le sentiment d’une honte intérieure. Un sourire d’une amère éloquence effleura ses lèvres pâles. Puis, après un instant de silence, que le comte oppressé n’eut pas la force de rompre, elle lui dit avec une douceur d’intonation qui cherchait à pallier la rudesse de son raisonnement :
« Pourquoi, mon père, chercher vainement à raviver en vous-même un sentiment qui n’a jamais habité vos entrailles ? Je ne me suis jamais plainte, et mon intention n’est pas de rompre l’éternel silence que le devoir m’im-