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dans d’autres parties de la Grèce, outre une colonne et une des cariatides du temple d’Erechthée, dix-sept statues ou fragmens de statues des frontons du Parthénon, plus de la moitié de la frise de la cella, et quatorze métopes. Après bien des traverses, lord Elgin, qui avait été retenu prisonnier en France à la rupture de la paix d’Amiens, finit par arriver en Angleterre; sa collection fut déballée et mise sous les yeux des archéologues et des artistes. Les avis furent partagés. Il se trouva de prétendus connaisseurs, membres de la ''Société des dilellanti'', qui ne craignirent point d’imprimer des assertions comme celles-ci : « Phidias n’a jamais travaillé le marbre... Ces sculptures si vantées, loin de remonter au siècle de Périclès, sont tout au plus du temps d’Hadrien. Ce sont, à les juger le plus favorablement, de simples sculptures décoratives, œuvres de beaucoup de personnes différentes, dont plusieurs, même à une époque moins cultivée, n’auraient jamais mérité le titre d’artistes.» En revanche, Canova, quand il visita l’Angleterre en 1815, manifesta en présence de ces marbres l’admiration la plus enthousiaste, et l’éminent archéologue Ennius Quirinus Visconti déclara qu’il y trouvait « la perfection même de l’art. » Grâce à ces témoignages imposans et à ceux d’autres savans, de peintres, de sculpteurs, l’opinion finit par se prononcer; si bien des protestations s’élevaient, en Angleterre même, contre la conduite de lord Elgin et la traitaient de brigandage, il n’y eut bientôt plus qu’une voix dans toute l’Europe sur le mérite des sculptures qu’il avait dérobées à l’acropole d’Athènes. En 1816, la chambre des communes nomma une commission pour examiner la question de savoir « s’il convenait que cette collection fût achetée par l’état, et, dans le cas où elle se prononcerait pour l’affirmative, quelle somme devait être allouée à cet effet. » Lord Elgin évaluait ses dépenses, en y comprenant l’intérêt des sommes engagées, au chiffre de 74,000 livres (1,850,000 francs); il consentit pourtant à s’en dessaisir contre le paiement de 35,000 livres. Le parlement eut donc raison de ranger lord Elgin parmi les bienfaiteurs du musée en décidant que lui et les héritiers de son titre figureraient à perpétuité parmi les trustees de ce grand établissement national.
dans d’autres parties de la Grèce, outre une colonne et une des cariatides du temple d’Erechthée, dix-sept statues ou fragmens de statues des frontons du Parthénon, plus de la moitié de la frise de la cella, et quatorze métopes. Après bien des traverses, lord Elgin, qui avait été retenu prisonnier en France à la rupture de la paix d’Amiens, finit par arriver en Angleterre ; sa collection fut déballée et mise sous les yeux des archéologues et des artistes. Les avis furent partagés. Il se trouva de prétendus connaisseurs, membres de la ''Société des dilellanti'', qui ne craignirent point d’imprimer des assertions comme celles-ci : « Phidias n’a jamais travaillé le marbre… Ces sculptures si vantées, loin de remonter au siècle de Périclès, sont tout au plus du temps d’Hadrien. Ce sont, à les juger le plus favorablement, de simples sculptures décoratives, œuvres de beaucoup de personnes différentes, dont plusieurs, même à une époque moins cultivée, n’auraient jamais mérité le titre d’artistes. » En revanche, Canova, quand il visita l’Angleterre en 1815, manifesta en présence de ces marbres l’admiration la plus enthousiaste, et l’éminent archéologue Ennius Quirinus Visconti déclara qu’il y trouvait « la perfection même de l’art. » Grâce à ces témoignages imposans et à ceux d’autres savans, de peintres, de sculpteurs, l’opinion finit par se prononcer ; si bien des protestations s’élevaient, en Angleterre même, contre la conduite de lord Elgin et la traitaient de brigandage, il n’y eut bientôt plus qu’une voix dans toute l’Europe sur le mérite des sculptures qu’il avait dérobées à l’acropole d’Athènes. En 1816, la chambre des communes nomma une commission pour examiner la question de savoir « s’il convenait que cette collection fût achetée par l’état, et, dans le cas où elle se prononcerait pour l’affirmative, quelle somme devait être allouée à cet effet. » Lord Elgin évaluait ses dépenses, en y comprenant l’intérêt des sommes engagées, au chiffre de 74,000 livres (1,850,000 francs) ; il consentit pourtant à s’en dessaisir contre le paiement de 35,000 livres. Le parlement eut donc raison de ranger lord Elgin parmi les bienfaiteurs du musée en décidant que lui et les héritiers de son titre figureraient à perpétuité parmi les trustees de ce grand établissement national.


Un an auparavant, le musée avait acquis pour 19,000 livres un autre-ouvrage important de la sculpture grecque, la frise du temple d’Apollon Epicourios, à Bassai, près Phigalie, en Arcadie. Ce temple avait été bâti par Ictinos, l’architecte même du Parthénon, et les bas-reliefs qui le décoraient avaient été retrouvés en 1812 et dégagés des monceaux de débris qui les couvraient par les efforts et aux frais communs d’un groupe de voyageurs que dirigeait un savant architecte, Ch. R. Cockerell. Malgré certains défauts d’exécution qui
Un an auparavant, le musée avait acquis pour 19,000 livres un autre-ouvrage important de la sculpture grecque, la frise du temple d’Apollon Epicourios, à Bassai, près Phigalie, en Arcadie. Ce temple avait été bâti par Ictinos, l’architecte même du Parthénon, et les bas-reliefs qui le décoraient avaient été retrouvés en 1812 et dégagés des monceaux de débris qui les couvraient par les efforts et aux frais communs d’un groupe de voyageurs que dirigeait un savant architecte, Ch. R. Cockerell. Malgré certains défauts d’exécution qui

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dans d’autres parties de la Grèce, outre une colonne et une des cariatides du temple d’Erechthée, dix-sept statues ou fragmens de statues des frontons du Parthénon, plus de la moitié de la frise de la cella, et quatorze métopes. Après bien des traverses, lord Elgin, qui avait été retenu prisonnier en France à la rupture de la paix d’Amiens, finit par arriver en Angleterre ; sa collection fut déballée et mise sous les yeux des archéologues et des artistes. Les avis furent partagés. Il se trouva de prétendus connaisseurs, membres de la Société des dilellanti, qui ne craignirent point d’imprimer des assertions comme celles-ci : « Phidias n’a jamais travaillé le marbre… Ces sculptures si vantées, loin de remonter au siècle de Périclès, sont tout au plus du temps d’Hadrien. Ce sont, à les juger le plus favorablement, de simples sculptures décoratives, œuvres de beaucoup de personnes différentes, dont plusieurs, même à une époque moins cultivée, n’auraient jamais mérité le titre d’artistes. » En revanche, Canova, quand il visita l’Angleterre en 1815, manifesta en présence de ces marbres l’admiration la plus enthousiaste, et l’éminent archéologue Ennius Quirinus Visconti déclara qu’il y trouvait « la perfection même de l’art. » Grâce à ces témoignages imposans et à ceux d’autres savans, de peintres, de sculpteurs, l’opinion finit par se prononcer ; si bien des protestations s’élevaient, en Angleterre même, contre la conduite de lord Elgin et la traitaient de brigandage, il n’y eut bientôt plus qu’une voix dans toute l’Europe sur le mérite des sculptures qu’il avait dérobées à l’acropole d’Athènes. En 1816, la chambre des communes nomma une commission pour examiner la question de savoir « s’il convenait que cette collection fût achetée par l’état, et, dans le cas où elle se prononcerait pour l’affirmative, quelle somme devait être allouée à cet effet. » Lord Elgin évaluait ses dépenses, en y comprenant l’intérêt des sommes engagées, au chiffre de 74,000 livres (1,850,000 francs) ; il consentit pourtant à s’en dessaisir contre le paiement de 35,000 livres. Le parlement eut donc raison de ranger lord Elgin parmi les bienfaiteurs du musée en décidant que lui et les héritiers de son titre figureraient à perpétuité parmi les trustees de ce grand établissement national.

Un an auparavant, le musée avait acquis pour 19,000 livres un autre-ouvrage important de la sculpture grecque, la frise du temple d’Apollon Epicourios, à Bassai, près Phigalie, en Arcadie. Ce temple avait été bâti par Ictinos, l’architecte même du Parthénon, et les bas-reliefs qui le décoraient avaient été retrouvés en 1812 et dégagés des monceaux de débris qui les couvraient par les efforts et aux frais communs d’un groupe de voyageurs que dirigeait un savant architecte, Ch. R. Cockerell. Malgré certains défauts d’exécution qui