Le temps était venu où les marbres du Parthénon allaient ouvrir la série de ces conquêtes qui font la gloire du Musée-Britannique. Un pair d’Ecosse, lord Elgin, avait été nommé en 1799 ambassadeur près la Porte-Ottomane. Esprit curieux et cultivé, il conçut aussitôt la pensée de tirer parti de sa mission pour faire mieux connaître les monumens de l’art grec que renfermait l’empire turc. Il demanda aux ministres de lui adjoindre des dessinateurs et des mouleurs, tout un personnel comme celui dont s’étaient entourés en pareille situation les Nointel et les Choiseul-Gouflier. Le cabinet avait d’autres affaires en tête ; on ne daigna même pas répondre. L’Écossais est tenace ; lord Elgin résolut de reprendre pour son propre compte le projet auquel le gouvernement avait refusé de s’associer. A son passage en Sicile, il prit à ses gages un peintre habile, Lusieri, et plusieurs praticiens et mouleurs. Une fois à Constantinople, il obtint du divan la permission d’installer ses artistes à Athènes pour y faire des dessins et y prendre des moulages. Bientôt il fit lui-même le voyage de l’Attique. Là tout le convainquit que les monumens laissés aux mains des Turcs étaient voués à une destruction plus ou moins rapide, mais certaine. Les uns, comme les figures des frontons, servaient de but aux balles des chasseurs, quand ils déchargeaient leurs fusils avant de rentrer en ville. D’autres étaient retaillés par le ciseau du marbrier turc, pour prendre forme de cippes et trouver place dans les cimetières. Il y avait aussi le four à chaux ; ce qu’il a dévoré de marbres est inimaginable. Enfin la catastrophe du Parthénon, au temps de Morosini, n’avait pas rendu plus prudens les maîtres de l’Acropole ; c’était maintenant le temple d’Erechthée qui servait de poudrière. Le meilleur moyen de sauver ce qui restait encore de tant de merveilles, n’était-ce donc pas d’enlever et de mettre en sûreté tout ce qui pouvait être déplacé ?
Les circonstances étaient d’ailleurs des plus favorables. L’Égypte, reconquise par les victoires navales des Anglais, donnait à l’ambassadeur d’Angleterre un crédit exceptionnel. Combinée avec un usage libéral et judicieux du bakchich ou cadeau, cette influence pouvait tout. Lord Elgin obtint un firman qui non-seulement lui donnait pleine liberté de faire mouler et dessiner tout ce qu’il voudrait, mais qui l’autorisait aussi « à enlever du temple des idoles tous morceaux de pierre portant des inscriptions ou des figures. » Avant la fin de 1802, plus de trois cents ouvriers étaient à l’œuvre dans l’Acropole. Sous la direction de Lusieri, les travaux se poursuivirent, plus ou moins activement, jusqu’en 1816. Les caisses que cet agent expédia à diverses reprises en Angleterre contenaient, outre un certain nombre de marbres acquis soit en Attique, soit