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Version du 2 janvier 2012 à 15:41
violents, se montrer semblable aux autres, se soumettre à des règles, s’amoindrir, — tout cela, en tant que morale sociale, se retrouve jusqu’à l’échelle la plus basse de l’espèce animale, — et ce n’est qu’à ce degré inférieur que nous voyons les idées de derrière la tête de toutes ces aimables réglementations : on veut échapper à ses poursuivants et être favorisé dans la recherche de sa proie. C’est pourquoi les animaux apprennent à se dominer et à se déguiser au point que certains d’entre eux parviennent à assimiler leur couleur à celle de leur entourage (en vertu de ce que l’on appelle la « fonction chromatique »), à simuler la mort, à adopter les formes et les couleurs d’autres animaux, ou encore l’aspect du sable, des feuilles, des lichens ou des éponges (ce que les naturalistes anglais appellent mimicry). [1] C’est ainsi que l’individu se cache sous l’universalité du terme générique « homme » ou parmi la « société », ou bien encore s’adapte et s’assimile aux princes, aux castes, aux partis, aux opinions de son temps ou de son entourage. À toutes nos façons subtiles de nous faire passer pour heureux, reconnaissants, puissants, amoureux, on trouvera facilement l’équivalent animal. Le sens de la vérité lui aussi, qui, au fond, n’est pas autre chose que le sens de la sécurité, l’homme l’a en commun avec l’animal : on ne veut pas se laisser tromper, ne pas se laisser égarer par soi-même, on écoute avec méfiance les encouragements de ses propres passions, on se domine et l’on demeure méfiant
- ↑ Nous disons mimétisme. — N. d. T.