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devenu « démoniaque » ! Quel connaisseur de
devenu « démoniaque » ! Quel connaisseur de l’âme humaine, ce musicien! II nous domine avec les artifices d’un orateur populaire. - Mais la musique se tait ! - B : Et elle fait joliment bien ! car je ne puis plus supporter de vous entendre ! Je préfère dix fois me laisser tromper que de connaître une fois la vérité à votre façon ! - A : Voilà ce que je voulais entendre de vous. Les meilleurs sont maintenant faits à votre image : vous êtes satisfaits de vous laisser tromper ! Vous venez ici avec des oreilles grossières et pleines de convoitise, vous n’apportez pas la conscience de l’art d’écouter. En route, vous avez jeté loin de vous votre plus subtile bonne foi. Et ainsi vous corrompez l’art et les artistes. Toujours, lorsque vous applaudissez et jubilez, vous avez, entre les mains, la conscience des artistes - et malheur à eux, s’ils s’aperçoivent que vous ne savez pas discerner la musique innocente de la musique coupable ! Je ne veux vraiment pas parler de « bonne » et de « mauvaise » musique, - il y en a de celle-ci et de celle-là dans les deux espèces ! Mais j’appelle musique innocente celle qui ne pense absolument qu’à soi, ne croit qu’à soi et qui, à cause d’elle-même, aura oublié le monde, - la résonance spontanée de la plus profonde solitude, qui se parle d’elle-même à elle-même, et qui ne sait plus qu’il y a là dehors des auditeurs qui prêtent l’oreille, des effets, des malentendus et des insuccès. - En fin de compte : la musique que nous venons d’entendre est précisément de cette espèce noble et rare, et tout ce que j’ai dit d’elle était mensonger, - excusez ma méchanceté, si l’{{tiret|en|vie}}
l’âme humaine, ce musicien ! II nous domine avec
les artifices d’un orateur populaire. — Mais la
musique se tait ! — B : Et elle fait joliment bien ! car
je ne puis plus supporter de ''vous'' entendre ! Je
préfère dix fois me ''laisser tromper'' que de connaître
une fois la vérité à votre façon ! — A : Voilà ce que
je voulais entendre de vous. Les meilleurs sont
maintenant faits à votre image : vous êtes satisfaits
de vous laisser tromper ! Vous venez ici avec des
oreilles grossières et pleines de convoitise, vous
n’apportez pas la conscience de l’art d’écouter.
En route, vous avez jeté loin de vous votre <i>plus
subtile bonne foi</i>. Et ainsi vous corrompez l’art et
les artistes. Toujours, lorsque vous applaudissez
et jubilez, vous avez, entre les mains, la conscience
de l’artiste — et malheur à eux, s’ils s’aperçoivent
que vous ne savez pas discerner la musique
innocente de la musique coupable ! Je ne veux vraiment
pas parler de « bonne » et de « mauvaise »
musique, — il y en a de celle-ci et de celle-là dans les
deux espèces ! Mais j’appelle ''musique innocente''
celle qui ne pense absolument qu’à soi, ne croit
qu’à soi et qui, à cause d’elle-même, aura oublié le
monde, — la plus profonde solitude, qui élève sa voix,
qui se parle d’elle-même, à elle-même, et qui ne
sait plus qu’il y a là dehors des auditeurs qui
prêtent l’oreille, des effets, des malentendus et des
insuccès. — En fin de compte : la musique que
nous venons d’entendre ''est'' précisément de cette
espèce noble et rare, et tout ce que j’ai dit d’elle
était mensonger, — excusez ma méchanceté, si l’{{tiret|en|vie}}

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devenu « démoniaque » ! Quel connaisseur de l’âme humaine, ce musicien ! II nous domine avec les artifices d’un orateur populaire. — Mais la musique se tait ! — B : Et elle fait joliment bien ! car je ne puis plus supporter de vous entendre ! Je préfère dix fois me laisser tromper que de connaître une fois la vérité à votre façon ! — A : Voilà ce que je voulais entendre de vous. Les meilleurs sont maintenant faits à votre image : vous êtes satisfaits de vous laisser tromper ! Vous venez ici avec des oreilles grossières et pleines de convoitise, vous n’apportez pas la conscience de l’art d’écouter. En route, vous avez jeté loin de vous votre plus subtile bonne foi. Et ainsi vous corrompez l’art et les artistes. Toujours, lorsque vous applaudissez et jubilez, vous avez, entre les mains, la conscience de l’artiste — et malheur à eux, s’ils s’aperçoivent que vous ne savez pas discerner la musique innocente de la musique coupable ! Je ne veux vraiment pas parler de « bonne » et de « mauvaise » musique, — il y en a de celle-ci et de celle-là dans les deux espèces ! Mais j’appelle musique innocente celle qui ne pense absolument qu’à soi, ne croit qu’à soi et qui, à cause d’elle-même, aura oublié le monde, — la plus profonde solitude, qui élève sa voix, qui se parle d’elle-même, à elle-même, et qui ne sait plus qu’il y a là dehors des auditeurs qui prêtent l’oreille, des effets, des malentendus et des insuccès. — En fin de compte : la musique que nous venons d’entendre est précisément de cette espèce noble et rare, et tout ce que j’ai dit d’elle était mensonger, — excusez ma méchanceté, si l’en-