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qui furent écrits par des mains aristocratiques, d’autres, un peu
plus nombreux, que signèrent de simples rapins ou des bohèmes.
Mais la plupart émanent de jeunes gens et de jeunes femmes qui,
sans avoir jamais eu, semble-t-il, une personnalité bien marquée,
appartiennent cependant à cette catégorie sociale qui forme en
France la meilleure et la plus sûre clientèle des écrivains, surtout
quand ces écrivains sont des romanciers ou des auteurs dramatiques. Ces témoins, nous venons de le dire, sont jeunes en
général : on ne subit d’influence vraiment sérieuse qu’autant que
la formation intellectuelle et morale reste encore inachevée, c’est-à-dire
pendant la jeunesse. Leur rang social enfin, étudiants,
« apprentis hommes de lettres », avocats, fonctionnaires, petites
bourgeoises et femmes de fonctionnaires, leur rang social nous
est une garantie qu’ils sont bien représentatifs des classes moyennes
de leur temps. Il semble donc qu’ils puissent servir à mesurer
avec assez d’exactitude l’action qu’à une époque déterminée le
romantisme a exercée sur les mœurs, et la vraie nature et la
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Ne retrouvons-nous pas là tous ou presque tous les personnagesde l’Education sentimentale? Frédéric, Deslauriers, bénécal, Arnoux, etc., appartiennent à ces milieux, qui subissaient l’influence romantique aux environs de 18^0.
définition de M. Maigron : « Impatience d’abord, puis mépris et
dégoût des humbles réalités familières, qui ont le tort inévitable
de ne pas se conformer à l’éblouissante idée qu’on s’en était forgé
dans des rêveries naïves ; enthousiasme et exaltation constants,
culte de la passion tenue pour signe éclatant de force morale,
considérée comme source de toute générosité, de toute noblesse,
de toute vertu ; haine enfin de tout ce qui peut faire obstacle à
l’exercice de l’individualisme ou de la passion, c’est-à-dire la
société et ses institutions essentielles : ce sont bien les traits
caractéristiques et c’est bien ainsi que l’école de 1830 l’a représentée vivant ou essayant de vivre sa vie » <ref>''Idem'', p. 2.</ref>.


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L’état d’esprit des personnages de Flaubert répond bien à cettedéfinition de M. Maigron : « Impatience d’abord, puis mépris etdégoût des humbles réalités familières, qui ont le tort inévitablede ne pas se conformer à l’éblouissante idée qu’on s’en était forgédans des rêveries naïves; enthousiasme et exaltation constants,culte de la passion tenue pour signe éclatant de force morale,considérée comme source de toute générosité, de toute noblesse,de toute vertu; haine enfin de tout ce qui peut faire obstacle àl’exercice de l’individualisme ou de la passion, c’est-à-dire lasociété et ses institutions essentielles : ce sont bien les traitscaractéristiques et c’est bien ainsi que l’école de 1830 l’a représentée vivant ou essayant de vivre sa vie ^^\ »
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Dès le début, Flaubert nous présente son héros sous des traitsromantiques bien caractérisés : « Frédéric pensait . . . au plan d’undrame, à des sujets de tableaux, à des passions futures. IItrouvait que le bonheur mérité par l’excellence de son âme tardaità venir. Il se déclama des vers mélancoliques (•’’^ »
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Et quand il aperçoit pour la première fois M™* Arnoux : « Elleressernblait aux femmes des livres romantiques. II n’aurait voulu

’’’ Louis Maigron. Le Romantisme et les mœurs, préface, p. ix et x.

’"’ Idem, p. 2.

*’’’ L’Education sentimentale, p. 3.

Version du 6 décembre 2012 à 22:44

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ment ? « Leur origine est fort diverse. Il en est, assez peu à la vérité, qui furent écrits par des mains aristocratiques, d’autres, un peu plus nombreux, que signèrent de simples rapins ou des bohèmes. Mais la plupart émanent de jeunes gens et de jeunes femmes qui, sans avoir jamais eu, semble-t-il, une personnalité bien marquée, appartiennent cependant à cette catégorie sociale qui forme en France la meilleure et la plus sûre clientèle des écrivains, surtout quand ces écrivains sont des romanciers ou des auteurs dramatiques. Ces témoins, nous venons de le dire, sont jeunes en général : on ne subit d’influence vraiment sérieuse qu’autant que la formation intellectuelle et morale reste encore inachevée, c’est-à-dire pendant la jeunesse. Leur rang social enfin, étudiants, « apprentis hommes de lettres », avocats, fonctionnaires, petites bourgeoises et femmes de fonctionnaires, leur rang social nous est une garantie qu’ils sont bien représentatifs des classes moyennes de leur temps. Il semble donc qu’ils puissent servir à mesurer avec assez d’exactitude l’action qu’à une époque déterminée le romantisme a exercée sur les mœurs, et la vraie nature et la portée réelle de cette action. »[1]

Ne retrouvons-nous pas là tous ou presque tous les personnages de l’Éducation sentimentale ? Frédéric, Deslauriers, Sénécal, Arnoux, etc., appartiennent à ces milieux, qui subissaient l’influence romantique aux environs de 1840.

L’état d’esprit des personnages de Flaubert répond bien à cette définition de M. Maigron : « Impatience d’abord, puis mépris et dégoût des humbles réalités familières, qui ont le tort inévitable de ne pas se conformer à l’éblouissante idée qu’on s’en était forgé dans des rêveries naïves ; enthousiasme et exaltation constants, culte de la passion tenue pour signe éclatant de force morale, considérée comme source de toute générosité, de toute noblesse, de toute vertu ; haine enfin de tout ce qui peut faire obstacle à l’exercice de l’individualisme ou de la passion, c’est-à-dire la société et ses institutions essentielles : ce sont bien les traits caractéristiques et c’est bien ainsi que l’école de 1830 l’a représentée vivant ou essayant de vivre sa vie » [2].

Dès le début, Flaubert nous présente son héros sous des traits romantiques bien caractérisés : « Frédéric pensait… au plan d’un drame, à des sujets de tableaux, à des passions futures. Il trouvait que le bonheur mérité par l’excellence de son âme tardait à venir. Il se déclama des vers mélancoliques » [3].

Et quand il aperçoit pour la première fois Mme  Arnoux : « Elle ressemblait aux femmes des livres romantiques. Il n’aurait voulu

  1. Louis Maigron. Le Romantisme et les mœurs, préface, p. ix et x.
  2. Idem, p. 2.
  3. L’Éducation sentimentale, p. 3.