« Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 74.djvu/778 » : différence entre les versions

La bibliothèque libre.
Phe-bot (discussion | contributions)
m Phe: split
 
AkBot (discussion | contributions)
Pywikibot touch edit
(Aucune différence)

Version du 26 juillet 2018 à 04:55

Cette page n’a pas encore été corrigée

et relevé d’un humiliant destin. Il s’imaginait qu’il n’avait que des amis reconnaissans au-delà des Alpes, et il s’apercevait qu’on discutait ses actes et se méprenait sur sa pensée. Machiavel enseignait que ce qui fait le salut des princes, c’est d’avoir de bons amis et une bonne armée, et il ajoutait qu’un prince qui a une bonne armée n’a pas de peine à avoir de bons amis. Notre armée avait périclité et les amitiés que son prestige nous avait values cherchaient ailleurs leur point d’appui.

Cependant le passé, malgré notre déclin militaire, ne s’était pas effacé en Italie de tous les cœurs. Bien des sympathies, — et c’étaient celles des hommes les plus considérables par leur talent et leur caractère, — nous restaient fidèles. Il y avait deux Italies : l’une de convention, celle des journaux et de la tribune, surexcitée à froid, qui abusait de nos sympathies et faisait du patriotisme à nos dépens ; l’autre, sensée, pratique, reconnaissante, qui tenait compte, dans la bonne mesure, des nécessités de notre politique. Nos partisans s’appliquaient, au parlement et dans la presse, à conjurer les malentendus, à concilier les intérêts des deux pays. Ils affirmaient le maintien d’une étroite et indissoluble alliance avec la France. Mais que peuvent les sages lorsque les masses sont entraînées, subjuguées par une idée dominante ?

Garibaldi rentrait en scène au mois d’avril. Après une assez longue éclipse à Caprera, il se préparait à ressaisir la popularité qu’il avait laissée sur les champs de bataille de la Vénétie ; il annonçait urbi et orbi que les temps étaient proches, que Rome allait appartenir aux Italiens ; l’occasion lui semblait propice, la France était mal engagée dans l’affaire du Luxembourg, la guerre pouvait éclater d’un instant à l’autre ; il escomptait nos défaites.

Garibaldi avait le privilège de tout dire et de tout faire : il personnifiait les aspirations nationales. Il se plaçait au-dessus de la loi commune, il était une menace constante pour la sécurité publique et l’autorité royale. Sa puissance tenait en échec celle du gouvernement. Le sentiment qu’il avait de son pouvoir se traduisait par des actes d’une folle impertinence. Dans des notes adressées aux représentans de la Prusse, de l’Autriche et de la Russie, il protestait contre la souveraineté temporelle ; il rappelait qu’une élection populaire lui avait confié la dictature à Rome et que cette dictature ne pouvait lui être enlevée que par un nouveau plébiscite. Il prétendait être la seule autorité légale dans les états romains. Dans d’autres pays, ces manifestations eussent été réprimées comme des actes de rébellion, mais en Italie, où tout le monde a le génie du compromis, on ne s’en offusquait pas. Elles servaient à populariser la grande idée et à la faire prévaloir dans les provinces sur les sentimens catholiques des masses ; elles facilitaient le jeu de la