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politique italienne, elles lui permettaient de préparer l’Europe à la dépossession du pouvoir temporel. Le gouvernement ne pouvait s’emparer de Rome sans violer ses engagemens, mais en y pénétrant à la suite des bandes garibaldiennes, il avait un prétexte : il se constituait le défenseur des intérêts de l’église, il sauvait le pape et s’assurait la reconnaissance des puissances catholiques.

Le baron de Malaret n’était pas dupe de ces calculs, il s’en alarmait et s’en plaignait ; il voyait avec chagrin s’altérer les souvenirs de 1859 ; il suppliait le cabinet de Florence de combattre les tendances révolutionnaires et de ne pas aggraver la tâche de l’empereur. Mais, quand tout un pays conspire, il est bien difficile à un gouvernement de se désintéresser du complot. On s’étonnait, dans le monde officiel, de nous voir prendre au sérieux les manifestations d’un obsédé, d’un personnage « moquable » qu’on ramènerait à la raison le jour où ses provocations deviendraient un danger réel pour la paix et l’ordre public, lit, cependant, on enrôlait des volontaires ouvertement et les rassemblemens grossissaient tout le long des frontières pontificales. Les projets du parti révolutionnaire ne pouvaient échapper qu’à ceux qui avaient intérêt à ne pas voir et à laisser faire. Ils n’échappaient pas à notre envoyé, il les signalait avec persistance.

« Garibaldi, écrivait M. de Malaret, à la date du 23 avril, à notre ministre des affaires étrangères, à l’heure où l’affaire du Luxembourg était dans sa phase la plus aiguë, se proposerait de prendre le commandement d’une expédition qui, organisée à Gênes, irait débarquer sur le littoral romain, tandis qu’à la première nouvelle d’un mouvement insurrectionnel à Rome, des bandes d’émigrés se tiendraient prêtes à franchir la frontière méridionale. Il n’est pas douteux que le parti révolutionnaire redouble d’efforts, qu’il compte profiter des événemens pour provoquer un conflit avec le gouvernement pontifical, à l’insu ou de connivence avec le gouvernement italien. »

La révolution n’attendait, en effet, que le premier coup de canon tiré sur le Rhin pour pénétrer sur le territoire du saint-siège et soulever les populations romaines. Elle voulait faire au mois d’avril 1867 ce qu’elle fit au mois de septembre 1870. Le parti militaire prussien et le parti révolutionnaire italien poursuivaient le même but : consommer par la force l’unité de leur pays, l’un en l’affirmant victorieusement à Paris, le second en s’emparant subrepticement de Rome.

La France, attirée dans un piège, avait eu au printemps, au moment où s’ouvrait l’exposition universelle, la sensation frissonnante de la guerre. Sans l’énergique intervention de l’Autriche et de