Statistique et expérience (Simiand)/Position de la question

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Librairie des sciences politiques et sociales (p. 1-2).

Position de la Question




 Je me propose, dans le présent essai, de présenter quelques réflexions sur la Statistique comme moyen d’expérimentation et de preuve, réflexions sans doute surtout inspirées par le caractère et le cours de mes études propres, mais faites cependant avec le souci de regarder un peu aussi en d’autres domaines et de soumettre à l’examen quelques suggestions d’application peut-être plus générale.

Nous lisons d’une part — et dans des auteurs qualifiés — que l’emploi de la statistique, dans les divers domaines scientifiques où nous le trouvons pratiqué, se place précisément là où l’emploi de l’expérimentation fait défaut. Nous entendons dire d’autre part, — et cela, tant par des voix assez autorisées que par la voix publique, — qu’avec la statistique on prouve tout ce que l’on veut, ou encore (ce qui n’est qu’une autre forme de la même opinion) qu’avec la statistique on ne prouve rien.

Voilà les deux propositions, — la statistique intervient à défaut de l’expérimentation, et la statistique prouve tout et ne prouve rien, — que je voudrais brièvement examiner ici. Peut-être apercevrons-nous que ni l’une ni l’autre n’apparaissent pleinement fondées si, d’une part, nous regardons à une notion plus véritable de l’expérience que ne l’est celle impliquée dans la première de ces formules, et si, d’autre part, nous arrivons à des conditions de preuve équivalentes à celles qu’implique la recherche expérimentale commune, mais spéciales et adaptées à la nature et au cadre d’emploi de la recherche statistique.