Suite de Joseph Delorme/À Hortense

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Suite de Joseph DelormeMichel Lévy frères. (p. 265-266).


À HORTENSE


AVEC UN MARC-AURÈLE QU’ELLE A DEMANDÉ.


Voici donc le Stoïque et sa mâle sagesse
En retour d’un présent plus doux :
Il faut être Aspasie ou vous,
Pour songer à tels dons le soir d’une caresse
Ou le matin d’un rendez-vous.

Au lieu du frais chapeau, parure des bergères,
Au lieu d’un ruban bleu nouant vos cheveux blonds,
Vous voulez, Hypatie, et la terre et les sphères,
Et vous courez aux plus grands noms.

Jamais de Tullius et de son éloquence,
De ses bons mots qu’on applaudit,
Et de sa vanité bien moindre qu’on ne dit,
Et de ses nobles dons chers à tout ce qui pense ;

Jamais de Charlemagne et de nos vieilles lois,
De certain Gondebaud, le Numa de nos bois,
Jamais du droit salique et du rang de la femme,
De cent objets divers, et de tous avec flamme,
Je ne me suis vu tant causer
Qu’auprès de vous, ce jour, lendemain du baiser !

Il est doux, quoi qu’on dise, avec celle qui charme
D’échanger plus d’un mot, de croiser plus d’une arme,
De parler gloire et Grèce et Rome, et cætera,

Pourvu qu’en tous propos la grâce insinuante
Mêle je ne sais quoi de Ninon souriante,
Que Dacier toujours ignora.

On écoute, on s’enflamme. À vous sur toute chose
La politique plait, et pour vous plaire on ose ;
Sur un fond de désir je m’y sens animer ;
Pitt ou Thiers, peu m’importe, et ma verve est rapide…
Tout d’un coup un regard humide
Avertit tendrement qu’il est temps de s’aimer.