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Sur la formation des communes

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Œuvres de Condorcet
Didot (Tome 9p. 403-410).

SUR LA FORMATION


DES COMMUNES.


1789.

SUR LA FORMATION
DES COMMUNES.

Une commune est formée par la réunion des citoyens à qui la proximité de leurs habitations a donné des intérêts communs et fait sentir l’utilité de former entre eux une association. C’est donc une convenance naturelle qui détermine l’existence et qui fixe les bornes d’une commune ; ce qui la distingue des autres divisions du territoire, instituées par la loi, pour la facilité de l’administration.

Il résulte de cette définition,

1o Que le pouvoir d’une commune, borné à son territoire, ne s’étend qu’aux actions, aux droits, aux intérêts de ses membres considérés comme tels, et non comme hommes, comme membres de l’État.

2o Que, si la puissance législatrice a réglé par des principes généraux, et soumis à des lois uniformes, des objets qui intéressent la généralité des communes comme telles, chaque commune particulière doit, dans l’exercice de son pouvoir, se conformer à ces principes généraux, ne pas s’écarter de ces lois uniformes, et se borner à des réclamations, si ces principes généraux ou ces lois lui paraissent blesser ses droits ou ses intérêts.

3o Qu’aucun règlement définitif, fait par une commune, ne peut être obligatoire pour ses membres, ou pour ceux qui se trouvent sur son territoire, qu’après avoir été décrété par la puissance législatrice, parce qu’il appartient à cette puissance seule de juger si ce règlement ne contient rien de contraire, ni aux droits des habitants de la commune, comme hommes ou comme membres de l’État, ni aux droits d’une autre commune ou des autres citoyens, ni, enfin, aux lois générales de la nation. Mais que l’autorité de la commune suffira pour rendre obligatoire jusqu’à la décision de la puissance législatrice, des règlements susceptibles par leur nature d’une exécution provisoire.

4o Que la puissance législatrice doit borner l’exercice de son pouvoir, sur les objets qui intéressent une commune en particulier, à donner l’autorité de lois aux règlements faits par cette commune pour elle-même, si, quand ils lui auront été présentés, elle les trouve nécessaires et justes, parce que la puissance législatrice a droit sur les citoyens comme hommes, comme membres de l’État, comme membres d’une commune en général, et non comme membres de telle commune en particulier.

5o Qu’une commune a non-seulement, comme toute autre association libre, le droit de réclamer auprès de la puissance législatrice, lorsqu’elle croit que ses droits ou ceux de ses membres ont été violés ou sont menacés, mais qu’elle a le droit de présenter le vœu de la majorité comme un vœu commun.

6o Que le pouvoir de la commune doit s’exercer sur les objets suivants.

i. La sûreté des citoyens ; ce qui renferme d’abord le droit d’employer une force publique pour assurer le maintien de l’ordre et l’exécution des lois dans le territoire de la commune, et ensuite les précautions nécessaires pour prémunir les citoyens contre les dangers auxquels, vu leur réunion dans un tel lieu, ils peuvent être exposés, soit de la part des choses, soit de la part des hommes.

ii. Les règles suivant lesquelles les citoyens doivent jouir des choses qui appartiennent à tous d’une manière indivisible, soit par leur nature même, comme les rues, les chemins, les ponts, les canaux ou rivières navigables, les fontaines publiques ; soit en vertu d’institutions particulières, comme les marchés, les foires, les jardins, les promenades, les lieux dont l’entrée est ouverte en payant, etc.

iii. Les règles générales auxquelles on doit assujettir certaines actions des citoyens qui, ne portant par elles-mêmes aucune atteinte aux droits d’autrui, n’étant même qu’un exercice de la liberté naturelle, et ne devant point, en conséquence, être soumises aux lois générales, peuvent cependant devenir nuisibles à autrui par l’effet de la réunion des hommes dans un même lieu, et des rapports plus étroits que cette réunion établit entre eux.

iv. La création et l’administration des établissements publics spécialement destinés à l’utilité des membres de la commune.

v. Le droit de fixer et de régler les dépenses publiques, l’administration des fonds destinés à ces dépenses par le vœu de la commune avec l’approbation de la puissance législatrice ; le droit de se procurer les fonds par un emprunt antérieurement à cette approbation dans les circonstances urgentes et graves, la conservation, l’administration et l’emploi des biens qui peuvent appartenir à la commune.

vi. La fixation et les directions des travaux publics, destinés à l’utilité spéciale de la commune, et exécutés à ses frais.

vii. Le soin de l’éducation publique, à l’exception des établissements faits dans l’enceinte de la commune, par la province à qui elle appartient ou par la nation.

7o Qu’une commune a le droit de choisir la forme de sa constitution avec l’approbation de la puissance législatrice, et en se conformant aux lois générales de l’État.

8o Que la commune, tirant son origine de la proximité des habitations, le droit de citoyen y doit particulièrement dépendre du domicile.

9o Que l’identité d’intérêt étant le fondement de la réunion des hommes en communes, la totalité de chaque commune doit être assujettie aux mêmes lois sans aucune distinction personnelle ou de territoire, et gouvernée par un pouvoir unique, à la formation duquel tous les citoyens et toutes les parties du territoire contribuent avec égalité ; de manière que si l’étendue de la commune oblige à des divisions dans lesquelles il convienne de placer des pouvoirs exécutifs particuliers, ces pouvoirs soient toujours dépendants d’un pouvoir exécutif général, et que si chacune de ces divisions fournit des membres à un corps commun, réglementaire ou administratif, ces membres n’exercent de pouvoirs qu’en commun, et au nom de la généralité de la commune.

10o Que le grand nombre des habitants, les pertes auxquelles on les exposerait en les détournant de leurs occupations personnelles, le danger de laisser l’autorité entière entre les mains de ceux qui peuvent disposer de leur temps, c’est-à-dire des riches et des gens oisifs, ne permettant pas à la généralité des citoyens d’exercer immédiatement tous ses droits, et la forçant de les confier à des représentants, les citoyens ne peuvent cependant perdre jamais celui d’élire leurs représentants et leurs officiers, soit en réunissant les voix des assemblées séparées, soit en élisant par division, soit même en nommant des électeurs, mais avec les deux conditions qu’il y ait une égalité entière entre les citoyens des diverses divisions, et que les assemblées formées par ces électeurs soient réduites à cette fonction unique.

11o Que les citoyens doivent conserver, non-seulement le droit de s’assembler pour élire, et celui de faire des pétitions, qui leur appartient comme hommes et comme membres de l’État, mais, de plus, celui de pouvoir s’assembler, et de former un vœu commun, même dans le cas où ils seraient divisés en plusieurs sections, avec cette condition que l’époque des convocations, les circonstances où elles doivent avoir lieu, la forme de ces assemblées, la manière d’en déduire un vœu commun, et de le présenter à la puissance législatrice suprême, soient soumises à des règles qui empêchent ces assemblées de nuire à la tranquillité publique, à l’exécution des lois établies et à l’unité de pouvoir, essentielle à toute commune.

12o Qu’il est particulièrement nécessaire de fixer une forme suivant laquelle un certain nombre de ces assemblées puisse demander une révision de la constitution municipale, révision qui alors ne puisse leur être refusée, même par la puissance législatrice ; et qu’il est également essentiel de déterminer d’avance, suivant quelle forme cette révision devra être faite.