Sur saint Michel terrassant le Démon, par Raphaël

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CONFÉRENCES
DE
L’ACADÉMIE ROYALE
DE
PEINTURE ET DE SCULPTURE



CHARLES LE BRUN
PEINTRE
(1619-1690)

SUR
SAINT MICHEL TERRASSANT LE DÉMON
Par RAPHAËL


SOMMAIRE : Description du tableau. — Pose des personnages. — Dessin. — Profils. — Les membres de l’archange. — Carnation. — Traits du visage. — Le jet des draperies. — Objections. — Les Académiciens quittent leurs sièges et s’approchent du tableau. — Réfutation. — Perrault présente quelques observations myologiques. — Principes opposés de l’École florentine et de l’École romaine sur le mouvement. — Du coloris. — Le rouge, le jaune et le blanc dominent dans la figure de l’archange. — Distribution de la lumière. — De l’accablement du démon. — Caractère spiritualiste de la composition. — Sébastien Bourdon. — Philippe de Champaigne.


Saint Michel terrassant le démon, par Raphaël (Louvre)[w 1]


Tous les académiciens et la plupart de leurs élèves s’étant rendus dans le cabinet des Tableaux du Roi, l’on y trouva le saint Michel de Raphaël, exposé dans un jour favorable.

Ce tableau a huit pieds de haut sur cinq de large : au milieu d’un grand paysage qui représente un lieu désert, et qui n’a point encore été habité, on voit saint Michel descendant du ciel en terre, et tenant sous lui le démon abattu. Cet

ange est soutenu en l’air par deux grandes ailes ; il est vêtu d’une cuirasse faite d’écaillés d’or, où est attachée une espèce de soie de drap d’or à la romaine qui ne descend que jusqu’au genou ; il y en a un autre par-dessous d’une étoffe bleue qui déborde un peu, où, en forme de broderie, l’on voit écrit en lettres capitales, RAPHAEL URBINAS PINGEBAT M. D. XVII[1].

Par-dessous ces armes, il y a comme deux écharpes de couleur gris de lin, qui, étant agitées et soutenues par la force de l’air, s’élèvent en haut ; on voit que l’un des bouts est emporté comme avec plus de violence entre les deux ailes de l’ange, et que l’autre se soutient par sa légèreté naturelle.

Cet ange a une épée ceinte à son côté ; des deux mains il tient une demi-pique, mais, ayant le bras droit plus élevé, la main gauche paroît un peu retirée sous le bras droit, à cause que la partie d’en haut de tout le corps avance davantage que celle d’en bas. Sa jambe gauche est ployée, et quoique la droite semble appuyée sur le démon, néanmoins elle n’y touche pas.

Ses cheveux soutenus de l’air font un pareil mouvement que la draperie. Ses brodequins sont de couleur gris de lin de même que les écharpes qui l’environnent.

Le démon, qui est sous lui et comme écrasé, se mord la langue et grince les dents et l’on voit dans ses yeux rouges et enflammés les marques de sa rage et de sa fureur. Il est sur le bord d’un précipice et entre des rochers d’où sortent des flammes. Il a des cornes de bouc, des ailes de dragon et une queue de serpent. Il s’appuie de la main gauche contre terre, et tient de la droite un croc de fer qui lui sert de sceptre, et qui est la marque funeste de son cruel empire sur les autres démons.

M. le Brun, qui étoit chargé de faire des remarques sur ce tableau, observa d’abord la disposition de la figure de l’ange, qui est d’autant plus digne d’être considérée qu’elle représente un corps qui se soutient en l’air et d’une manière difficile à être bien représentée.

Il montra dans toutes les parties de ce corps un contraste très agréable, car, bien que le visage soit de front, le devant du corps néanmoins ne paroît pas de même. L’on voit que l’épaule droite recule, et que la gauche qui avance ne laisse voir que de côté la partie supérieure de l’estomac.

Par-dessous le bras gauche l’on découvre tout le ventre ; la cuisse et la jambe droite, qui paroissent presque de front, font, en s’allongeant en bas, un mouvement contraire à celui du bras droit élevé en haut, et à celui de l’autre jambe qui se ploie et se retire en arrière.

Le démon est disposé avec la même industrie. C’est un corps renversé par terre qui paroît comme écrasé sous la puissance de l’ange. Les parties de ce corps semblent être rompues et brisées, ainsi que M. le Brun fit remarquer particulièrement dans le cou de ce démon, dont le visage est tourné sur les épaules.

Ensuite de la disposition il observa le dessin de ces figures dans toutes leurs parties : de quelle sorte Raphaël a fini jusqu’aux moindres choses, mais surtout combien il a été correct dans le dessin ; ce qui se voit merveilleusement bien dans les contours de tous les membres, comme aux bras et aux mains, aux jambes et aux pieds, où l’on aperçoit au travers d’une chair fraîche et solide les muscles dans leur véritable lieu, qui font l’effet que la nature demande.

Comme une des plus grandes difficultés de la peinture est de bien former tous les contours, Raphaël a été soigneux de les rendre précis et corrects dans ses ouvrages à l’exemple des excellents peintres de l’antiquité, qui étoient si exacts à profiler jusqu’aux moindres membres des corps, afin que l’on en vît mieux la figure, étant certain que c’est la circonscription des lignes (il faut que je me serve de ce mot) qui donne connoissance de la véritable forme du corps. C’est en cela que ce grand peintre s’est conduit avec tant de discrétion, et d’une manière si singulière, que, ne perdant jamais rien de son trait principal, on reconnoît toujours dans ces figures la beauté et la force du dessin, même dans les parties qui sont les plus éloignées, sans qu’il reste pour cela aucune sécheresse ni aucune dureté, quoiqu’il semble avoir penché de ce côté-là dans quelques-uns de ses ouvrages, à cause de cette grande précision de contours dont il étoit si amateur.

Bien qu’il semble qu’en représentant les anges qui sont des êtres tout spirituels, on doive leur donner une forme délicate, et les faire paroître sous des corps qui aient cette sorte de beauté que les anciens sculpteurs ont si bien représentée dans la figure de l’Apollon antique, toutefois M. le Brun fit remarquer que Raphaël ayant à peindre saint Michel dans cette action qui exprime la force et la puissance de Dieu, il a donné à sa figure une beauté mâle et vigoureuse. Car encore que les traits de son visage et la carnation de son corps représentent parfaitement la délicatesse et la fraîcheur d’un jeune homme, l’on y reconnoît aussi une force et une majesté qui montrent quelque chose de puissant et de divin ; faisant voir dans les jointures des membres une vigueur extraordinaire, ce qui se connoît particulièrement aux coudes, aux genoux et aux doigts qui sont ressentis et articulés avec fermeté, qui ne paroît que dans les corps les plus robustes.

Aussi jamais peintre n’a su exprimer un sujet avec plus de grandeur, plus de beauté et plus de bienséance que Raphaël. Quelque fier et quelque terrible que paroisse le visage de saint Michel, on y voit pourtant beaucoup de douceur et de grâce. Ce que M. le Brun y observa fit encore mieux connoître son excellence, car il remarqua que le nez, large par le haut et un peu plus étroit en bas, est la partie qui fait paroître cette majesté qui éclate sur tout son visage : son front, large et ouvert par le milieu, est comme le siège de la grandeur de son esprit et de sa sagesse.

L’on voit une demi-teinte entre les deux sourcils, qui marque dans cette partie une disposition à se mouvoir en s’élevant en haut, ou en s’abaissant sur les yeux, comme il arrive d’ordinaire aux personnes capables de grands soins, et chargées d’affaires importantes et qui paroît encore lorsqu’on se met en colère. Mais cette marque n’est mise là que pour ne laisser pas le front trop uni, car cette partie demeure sans effet et sans mouvement, cet ange méprisant trop l’ennemi qu’il a renversé pour s’appliquer beaucoup à le vouloir vaincre. Ce que Raphaël a merveilleusement bien représenté par un certain dédain qui paroît dans ses yeux et dans sa bouche. Ses yeux qui sont médiocrement ouverts, et dont les sourcils forment deux arcs très parfaits sont une marque de sa tranquillité, de même que sa bouche, dont la lèvre d’en bas surpasse un peu celle d’en haut, en est aussi une du mépris qu’il fait de son ennemi.

Il ne paroît pas seulement de l’action dans toutes les parties de ce corps ; le peintre a fait en sorte que les choses même qui l’environnent semblent agitées, afin qu’il y ait davantage de mouvement dans la figure.

M. le Brun ayant fait voir comme l’air pressé par la pesanteur du corps qui descend en bas, fait élever en même temps ce qu’il rencontre de plus léger, et le pousse avec violence par les endroits où il trouve quelque passage, fit encore remarquer que non seulement les cheveux de l’ange tout droits sur la tête se portent entre ses deux ailes, où le vent passe avec plus de violence, mais encore que ses écharpes qu’il a autour de lui voltigent de côté et d’autre avec cette observation particulière que les extrémités de celle qui paroît la plus pesante tendent en bas, et les autres demeurent soutenues en l’air.

Ces sortes d’accommodements sont des secrets et des inventions admirables pour faire paroître du mouvement et de l’action dans les corps, et Raphaël a surpassé tous les autres peintres en cela, n’ayant jamais rien omis de ce qui peut contribuer davantage à la belle expression d’un sujet.

Après que M. le Brun eut fait toutes ces remarques, pria la compagnie de vouloir dire aussi son avis sur ce tableau, et soumit ses sentiments à ceux de l’Académie. Mais chacun fut de son opinion et ne trouva rien dans les choses qu’il avoit avancées qui pût être contredit, et qui ne fût très judicieusement observé.

Il y eut néanmoins une personne qui, après avoir reconnu le mérite de Raphaël, entreprit de soutenir que ce tableau n’étoit pas sans défauts ; et, pour le prouver, il posa pour fondement et pour maxime générale que dans quelque membre du corps que ce puisse être, un côté de ce membre ne peut être enflé, que l’autre côté qui est à l’opposite non seulement ne diminue de sa grosseur, mais encore ne se retire et ne fasse une figure toute contraire en sorte que dans une jambe ou dans un bras, les contours doivent être dessinés, de telle manière que leur rondeur et leurs renflements ne soient jamais vis-à-vis les uns des autres.

Or il prétendoit que le dessus et le dessous du bras droit de saint Michel étoit dessiné de telle façon que les contours qui doivent être différents par un renflement qui paroisse dans la partie supérieure étoient entièrement égaux, et que le dessous qui devoit être diminué à l’égal de ce que le dessus étoit augmenté, avoit autant de force et de rondeur que la partie qui lui étoit opposée ; en sorte, disoit-il, que le contour de ce bras, dont le muscle devoit paroître en un endroit plus qu’en l’autre, étoit tracé par des lignes égales et semblables à celles qui formeroient un œuf.

Cette remarque, qui surprit toute la compagnie, et qui parut très importante, réveilla les esprits, et tout le monde ouvrant les yeux chercha si, en s’appliquant davantage à regarder ce tableau, il pourroit y découvrir ce qu’il n’avoit point encore aperçu.

Tous s’approchèrent pour le considérer plus exactement, et tous jugèrent que la chose n’étoit point dessinée comme ce particulier s’imaginoit de la voir. Un de l’assemblée remarqua très judicieusement que, comme il y a des peintres qui chargent trop les parties de leurs ouvrages, soit dans les contours, soit dans les expressions, soit dans l’union des couleurs, il ne faut pas s’étonner si quelquefois l’on ne voit pas d’abord dans les ouvrages les plus accomplis cette insensible diminution et cette conduite si industrieuse par laquelle ils passent d’une partie à une autre, qui est le grand et admirable secret de l’art.

Or il est vrai que c’est en quoi Raphaël a été un excellent maître, et un maître que peu de gens peuvent imiter. Aussi bien loin de reconnoître aucun défaut dans ce tableau, cette accusation donna lieu de l’admirer davantage, et fit que M. le Brun, rentrant dans un examen plus exact de plusieurs parties dont il n’avoit point parlé, y découvrit des beautés qui ne se trouvent guère ailleurs.

M. Perrault même, pour obliger davantage tout le monde à dire ses sentiments, demanda s’il est vrai que la nature soit si régulière dans la construction de toutes les parties du corps de l’homme, que jamais il ne se trouve aucun membre dont les contours ne puissent pas former deux lignes qui fassent paroître quelque rondeur, et si c’est une observation que l’on ait faite sur les antiques, et dans les tableaux des plus excellents peintres[2]. Chacun ayant dit son avis, tous convinrent que dans la forme des parties du corps de l’homme, on ne remarque point que la nature ait été si exacte à faire une irrégularité de contours ; mais au contraire, qu’on voit dans les beaux corps et particulièrement dans les membres les plus charnus, comme sont les bras et les cuisses des enfants et des femmes bien faites, une rondeur et une égalité qui détruit entièrement la proposition générale que ce particulier avoit avancée.

Que ces renflements inégaux doivent être considérés à l’égard des membres où les nerfs et les muscles paroissent lorsqu’ils agissent, parce qu’alors poussant la chair d’un côté, et se grossissant par l’effort qu’ils font, ils diminuent en même temps la partie opposée ; mais qu’aussi il arrive souvent certaines actions où ces renflements paroissent tout autour du bras qui est environné de muscles et de nerfs. Et bien que leurs ligatures ne se rencontrent pas toujours en même lieu, le bras néanmoins peut être disposé de telle sorte, qu’il y aura souvent des endroits où ces renflements paroîtront vis-à-vis les uns des autres. Ce qui fut à l’heure même autorisé par des exemples tirés des tableaux des plus grands maîtres qui sont dans le cabinet de Sa Majesté, et dont l’on examina toutes les parties qui pouvoient servir à résoudre la question qu’on avoit agitée.

Comme Raphaël a bien su de quelle sorte il faut représenter ces renflements de muscles et de nerfs dans les membres où cela arrive naturellement, il n’a jamais manqué aussi de répandre de la douceur et de la grâce où il y en doit avoir, et de tempérer ce qui sembleroit trop dur et trop sec par quelque chose de plus tendre et de plus moelleux.

L’on sait bien que tous les peintres n’ont pas travaillé dans cette perfection, et qu’il y en a plusieurs qui, ne songeant qu’à une partie, oublient les autres. C’est ce qui fait que dans leurs tableaux l’on voit des figures qui agissent à contre-temps, ou qui sont dans un trop grand repos. Que tout y paroît muet, ou que tout crie, et qu’enfin, en voulant donner beaucoup d’union à leurs couleurs, il se trouve que toutes les choses y sont d’une même teinte.

Raphaël a été si savant et si universel qu’il a été bien éloigné de commettre aucun de ces manquements, et il ne faut qu’avoir de bons yeux et un peu de jugement pour le connoître.

Ce n’est pas qu’il ne soit vrai que comme il faut beaucoup d’esprit et de savoir pour produire un ouvrage accompli, il ne soit aussi nécessaire de beaucoup de discernement pour juger de toutes les beautés qui contribuent à cette perfection. L’école de Florence enseignoit autrefois à ses disciples à donner plus de mouvement à leurs figures en les disposant de telle sorte que tous leurs membres fissent quelque action différente. Elle vouloit même que cette disposition de membres formât un contraste qui fît paroître une figure pyramidale et mouvante en façon de flamme, croyant qu’en imitant ainsi le mouvement du feu, il y avoit plus d’action dans les personnes qu’on représentoit. Ces enseignements ont été cause de ce que beaucoup de peintres qui les ont suivis trop exactement ont fait des compositions d’ouvrages bien extravagantes et bien opposées à celles de l’école de Rome, dont les préceptes sont bien plus judicieux.

Voilà pourquoi ceux qui ont entendu parler de ce mouvement pyramidal dans les membres se sont imaginé que les contours devoient toujours être enfoncés dans les parties opposées à celles qui sont élevées ; mais, s’ils s’instruisoient bien de l’anatomie, ils verroient de quelle façon les nerfs et les muscles enflent ou diminuent, et que leurs apparences sont très différentes selon que les corps sont ou plus maigres ou plus charnus.

Outre cela, il faut considérer l’action de la figure, car il est certain que dans celle qui ne fera que lever le bras et tenir un javelot, on ne verra point dans ce bras une aussi forte apparence de nerfs, comme s’il étoit occupé à pousser ou à tirer quelque chose avec effort.

M. le Brun fit encore remarquer l’admirable conduite de Raphaël dans les couleurs de son tableau. Pour mieux représenter dans cet ange un corps qui convienne à un esprit agissant et bienheureux, il semble ne s’être servi que de trois couleurs qui font paroître de l’action, et qui tiennent de la lumière et de l’air ; car on voit que dans ses ailes, dans ses draperies, et même dans la carnation le rouge, le jaune et le blanc y dominent davantage.

Il fit voir aussi comme la partie d’en haut de cet ange est plus éclairée que celle d’en bas, parce que celle d’en haut n’est environnée que de l’air, et celle d’en bas est opposée à la terre et à des morceaux de rochers assez obscurs qui lui servent de fond.

C’est pourquoi le démon qui est abattu sur ces rochers tient beaucoup de leur teinte ; et ce qui est merveilleux dans cette figure est, que ce qui paroît le plus difforme dans toutes les parties de son corps ne laisse pas de faire une grande beauté dans la composition de ce tableau.

M. le Brun observa encore comme une chose très importante et digne d’être bien remarquée, que le démon semble écrasé, de telle manière qu’à bien considérer l’état et la disposition en laquelle il est, on le voit comme accablé sous un fardeau d’une pesanteur extraordinaire. Cependant saint Michel qui est le seul poids qui l’abat ne lui touche pas seulement du bout du pied de sorte qu’il faut entrer dans la pensée du peintre, pour trouver que la cause d’un si terrible accablement vient de la puissance divine, laquelle, agissant d’une manière invisible et toute spirituelle, paroît et montre ses effets sur les corps qui peuvent être vus.

Comme M. le Brun eut fini ces remarques et répondu à quelques questions peu importantes qui furent encore faites sur cet ouvrage, la compagnie proposa à M. Bourdon, comme l’un des anciens recteurs, de prendre un sujet pour le premier samedi du mois prochain. Mais il s’en excusa sur des raisons qui obligèrent l’Académie à l’en dispenser. En même temps l’on pria M. de Champaigne l’aîné de vouloir se charger de cet emploi, ce qu’il fit volontiers ; et ayant choisi parmi les tableaux du Roi un de ceux de Titien, il fut résolu qu’on s’assembleroit encore dans le même lieu le premier samedi de juin.


COMMENTAIRE


Cette conférence, prononcée le samedi 7 mai 1667 devant l’Académie réunie pour la circonstance au cabinet des Tableaux du Roi, en conformité d’une décision prise en sa séance du 30 avril, ouvre la série de ces utiles exercices. André Félibien, sieur des Avaux et de Javacy, est l’auteur du texte qu’on vient de lire et lui-même l’a publié une première fois en 1669 dans les Conférences de l’Académie de Peinture[3]. Ces conférences, réimprimées en 1706 (Amsterdam, 1 vol. in-12), furent insérées la même année dans le tome V des Entretiens sur les vies et les ouvrages des plus excellents peintres anciens et modernes, avec la vie des architectes[4].

Les conférences rédigées par André Félibien sont au nombre de sept. Déjà secrétaire de l’Académie des sciences et historiographe des bâtiments, Félibien avait été désigné le 28 mars 1667, à l’effet d’écrire les conférences que l’Académie de peinture se proposait d’inaugurer. Voici en quels termes il est fait mention de Félibien dans le Projet de l’ordre qui se pourroit tenir dans l’Académie royalle de Peinture et Sculpture touchant les conférences, projet approuvé par Colbert.

« Comme l’employ de rédiger par escrit ces conférences est très vaste et très-pénible, il ne paroît pas juste d’exiger de M. Testelin, secrétaire de la Compagnie, qui doit donner la plus considérable partie de son temps à l’exercice de sa profession et qui d’ailleurs est très occupé pour les affaires du Corps de l’Académie, qu’il se chargeast encore de ce travail, qui demande un homme tout entier. Dans le besoin de trouver une plume digne de cette occupation, il semble que la Compagnie auroit à souhaiter que M. Félibien, qui assurément, outre le stile qu’il a très-excellent, possède encore toutes les qualités nécessaires à cet employ, ayant donné des marques au public des connoissances qu’il a de la peinture et de la sculpture, fust en état de pouvoir s’engager dans ce travail, qui lui conviendront d’autant plus qu’estant historiographe des bastimens du Roy, il a, ce semble, une obligation particulière d’escrire de ce qui se passe dans l’Académie, dont le but principal est de s’occuper à embellir ces mesmes bastimens et à fournir de matière aux belles descriptions qu’il est obligé d’en donner au public. »

Le 30 avril, « Monsieur Félibien, est-il dit au procès-verbal, ayant fait son compliment à la Compagnie a pris séance au rand des conseillers honnorèr ». Le 7 mai, le nouveau conseiller entrait en fonctions.

Il est à peine utile de rappeler à des lecteurs français que le tableau de Raphaël qui a servi de sujet à ce discours est au Musée du Louvre[5]. Il provient de la collection de François Ier.

  1. Nous respectons le texte de Félibien qui a publie cette conférence, mais l’inscription dont il est parlé ici est inexactement relevée. Ce n’est pas M D XVII, mais bien M D XVIII qu’il faut lire.
  2. Félibien oublie de dire s’il s’agit ici de Claude Perrault qui fut à la fois médecin, peintre, musicien et architecte ou de Charles Perrault son frère, littérateur et contrôleur général de la surintendance des bâtiments du Roi. La réputation du premier, les hautes fonctions du second qui était honoré de l’amitié de Colbert, rendraient également vraisemblable leur intervention dans le débat auquel donna lieu la conférence de le Brun. Mais il est probable que les observations consignées par Félibien émanèrent de Charles Perrault, car nous lisons au sujet de ce fonctionnaire, dans les registres de l’Académie au procès-verbal du 30 avril 1667, huit jours avant que le Brun prononçât son discours : « Monsieur Pérot a presanté à la Compagnie un mesmoir, aprouvé de Monseigneur Colbert, sur l’ordre qui se doit tenir, en l’exersice desd. conférance, à quoy l’Académie ayant rendu ses sousmissions, a arresté que ledit ordre sera enregistré pour estre exécuté. » Le doute ici ne semble pas possible, ce « Monsieur Pérot » est évidemment le familier de Colbert, Charles Perrault, contrôleur des bâtiments.
  3. Un vol. in-4o.
  4. Amsterdam, 5 vol. in-12. — Nouvelle édition, 1725, Trévoux, 5 vol. in-12.
  5. No 382 du catalogue de Frédéric Villot, édition de 1873.
  1. Note Wikisource : cette illustration ne fait pas partie de l’ouvrage ici transcrit.