Système de la nature. Classe première du règne animal, contenant les quadrupèdes vivipares & les cétacées/Ordre VI. Les Grands Quadrupèdes

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ORDRE VI.

LES GRANDS QUADRUPEDES.
Dents inciſives tronquées obtuſément.
Pieds ongulés.

GENRE XL.

CHEVAL.
Six dents inciſives ſupérieures, droites-paralleles.
Six dents inciſives inférieures, plus avancées.
Dents canines ſolitaires incluſes, éloignées des autres dents.
Deux mamelles inguinales.
* Pieds fourchus.

I. Le Cheval à pieds fourchus. Equus Biſulcus.

Molina hiſt. nat. Chil. p. 284.

Il habite dans l’Amerique méridionale, principalement entre les rocs eſcarpés des Cordillieres. Il approche par ſes pieds de l’ordre des beſtiaux ; par ſes dents, la taille, ſon port du genre du cheval, faiſant ainſi la nuance de l’un à l’autre. Il eſt farouche & court avec vîteſſe ; il a le henniſſement & les oreilles du cheval commun, mais il reſſemble plus à l’âne, par ſa conformation intérieure, ſa figure, ſa taille, ſon poil, ſa couleur, ſon muſeau, ſes yeux, ſon cou, ſon dos, ſa queue, ſes pieds, ſes parties ſexuelles ; il n’a cependant point de croix noire ſur les épaules.

** Solipèdes.

I. Le Cheval commun. Equus caballus.

Sabot des pieds entier ; queue de tous côtés garnie de crins.

Syſt. nat. XII. 1. p. 100. n. 1. Briſſ. regn. an. p. 100. n. 1. Ariſt. hiſt. an. I. c. 5. 7. II. c. 5. 8. 18. III. c. 10. V. c. 11. VI. c. 22. VII. c. 17. VIII. c. 11. IX. c. 5. Ælian. an. III. c. 2. IV. c. 6. 7. 8. 11. Oppian. cyneg. I. 166. Plin. hiſt. nat. VIII. c. 42. X. c. 63. XI. c. 37. XXVIII. c. 10. 11. Geſn. quad. p. 442. f. p. 443. Schwenckf. Theriotr. p. 89. Aldr. ſolidung. p. 2. f. p. 21. Jonſt. quad. p. 1. t. 1-4. Charlet. exerc. p. 3. Wagn. Helv, p. 174. Sibb. Scot. an. p. 6. Raj. quad. p. 62. Rzacz. Pol. p. 217. 240. Sloan. jam. 2. p. 327. Buff. hiſt. nat. IV. p. 174. pl. 1. Penn. quad. p. 1. n. 1. Geſn. Thierb. p. 306. f. p. 307.

v. a. Le Cheval Sauvage. Equus Ferus.

Haſſelq. Palæft. p. 282. Bell. it. 1. p. 212. I. G. Gmelin voy. I. p. 211. III. 2. p. 510. S. G. Gmelin it. 1. p. 44. t. 9. Pall. it. 1. p. 211. Rytſchk. Orenb. 1. p. 233.

v. b. Le Cheval Domestique. Equus Domeſticus.

Klein quad. p. 4.

Le cheval ſauvage habite en troupe dans les campagnes de la Beſſarabie, dans les deſerts voiſins du Tanaïs & dans ceux de la grande Tartarie. On l’éléve partout comme animal domeſtique & ces variétés ſont pour ainſi dire, innombrables. Les Eſpagnols en ont les premiers fourni l’Amerique ; on en rencontre même aujourd’hui qui ſont rédevenus ſauvages, ſur-tout dans la Tauride ; ils vont ordinairement en troupe ſous la conduite d’un étalon, ſont de plus petite taille & preſque indomptables.

Ce beau quadrupède eſt herbivore, fort rarement carnivore, courageux, fier, vigoureux à la courſe, tellement qu’il s’eſt vû un cheval qui pendant l’eſpace d’une ſeconde parcouroit quatre-vingt-deux pieds & demi d’Angleterre, très-fort au trait, à la charge, très-propre à l’équitation, mais s’emportant quelquefois ; il aime les bois, s’inquiéte de ce qui eſt derriere lui, chaſſe avec ſa queue les conops & les taons, mord à petites dents ſon compagnon, appelle ſa femelle par des henniſſemens. Il combat par des ruades ; ſe roule lorſqu’il eſt en ſueur ; il pait l’herbe de plus près que le bœuf, & laiſſe tomber une partie des grains qu’il mange ; il a l’eſtomac petit, ſimple, les inteſtins colon & cæcum très grands ; il n’a point de veſicule du fiel, & ne vomit jamais. Son fumier entaſſé s’échauffe. Le poulain nait les pieds allongés. Un plomb à gibier, tombé dans ſon oreille, un corps pointu, une aiguille même entrée dans ſon pied, lui cauſent une extrême douleur ; on le dompte au moyen d’un caveſſon ſur le nez ; du ſuif dont on lui enduiroit les dents l’expoſeroit à mourir de faim ; le feuillage du prunier à grappes lui eſt pernicieux, comme auſſi le charançon du phellandri s’il l’avale ; le conops l’irrite & l’incommode par ſes piquures. Il mange impunément de l’aconit. Ses dents canines pouſſent à la cinquieme année de ſon âge, & il change de dents inciſives à la ſeconde, troiſieme & quatrieme années. La jument eſt pleine pendant deux cent quatre-vingt-dix jours. Les Tartares ſe nourriſſent de la chair de leurs chevaux, boivent le lait de leurs juments, qu’ils font auſſi fermenter & dont ils préparent auſſi une boiſſon énivrante ; ils font du cuir avec ſa peau.

II. L’Hemione. Equus Hemionus.

Pelage d’une ſeule couleur ; ſabot des pieds entier ; queue chauve, pileuſe à ſon extrémité ; point de croix ſur les épaules.

Pall. it. p. 217. n. nord. Beytr. II. p. 1. t. 1. nov. comm. Petrop. 19. p. 394. t. 7.

Il habite les deſerts ſitués entre les fleuves Onon & Argun quoique plus rarement aujourd’hui, & ſe trouve auſſi en troupes dans les deſerts Mongols, ſurtout dans celui de Gobi juſqu’aux confins de la Chine & du Tibet. Il aime les campagnes ouvertes, unies, ſalées, herbues ; il abhorre les bois & les montagnes couvertes de neige ; il eſt craintif & prudent, très-léger à la courſe, on ne l’a point encore apprivoiſé ; il a l’ouie & l’odorat excellens ; ſon henniſſement eſt plus ſonore que celui du cheval. Il eſt attaqué de maladies contagieuſes, qu’il communique aux chevaux & aux bœufs ; il mord & rue. La ſaiſon de l’accouplement eſt au mois d’Août ; la femelle met bas au printems, ordinairement un ſeul petit. Les Tartares Mongols, & Tunguſes trouvent ſa chair delicieuſe. On employe ſa peau à la conſtruction d’une ſorte de bateaux.

Il approche beaucoup du mulet par la taille & le port, mais il eſt plus beau ; il tient du zèbre par les oreilles & la queue, de l’âne par les ſabots & le corps, & reſſemble au cheval par les jambes, mais il en différe par la grandeur de la tête, ſon front plane, retreci en devant, ſon cou plus mince & plus rond. Son poil d’hiver eſt long d’un pouce & demi, doux, d’un glauque pâle à ſa baſe, d’une couleur Iſabelle dans le reſte de ſa longueur, & ondulé ſur le dos ; le poil d’été eſt à peine long de trois lignes & demie, & ſe termine en pluſieurs brins. Son poids eſt d’environ cinq cents ſoixante livres (à douze onces la livre) ; ſa longueur paſſe cinq pieds, ſa queue un peu ſemblable à celle de la vache, eſt longue d’un pied douze pouces, terminée par un floccon de poils noirs. Dents au nombre de trente-quatre.

III. L’Âne. Equus aſinus.

Sabot des pieds entier ; extrémité de la queue garnie de crins ; croix noire ſur les épaules dans le mâle.

Syft. nat. XII. 1. p. 100. n. 2. Faun. ſuec. 1. n. 35. Briſſ. quad. 70. Buff. hiſt. nat. IV. p. 377. pl. 11. Penn. quad. p. 3. n. 3. Geſn. Thierb. p. 91.

v. a. l’Onagre, l’Âne Sauvage. Aſinus ferus.

Plin. hiſt. nat. VIII c. 30. 44. & 58. Klein quad. p. 7. Aldrov. ſolid. p. 352. Jonſt. quad. p. 20. t. 7. 8. Raj. quad. p. 63. Pall. act. Petrop. an. n. 1777 p. 2. p. 258. n. nord Beytr. 2. p. 22. t. 2. Oppian. cyneg. 3. 183. Geſn. quad. p. 19. Charlet. exerc. p. 4. Briſſ. regn. an. p. 104. n. 5. Marmol. Afric. p. 53. Bell. it. 1. p. 212. Pall. neue nord. Beytr. 2. p. 22. t. 1. Hablizl n. nord. Beytr. 4. p. 88.

v. b. l’Âne domeſtique. Aſinus domeſticus.

Plin. hiſt. nat. VIII. c. 43. Geſn. quad. p. 3. f. p. 4. Schwenckf. theriotr. p. 61. Aldr. ſolidung. p. 295. Jonſt. quad. p. 16. Sibb. Scot. an. p. 6. Raj. quad. p. 63. Sloan. jam. 2. p. 327. Klein. quad. p. 6. Ariſt. hiſt. an. I. c. 17. II. c. 18. V. c. II. VI. c. 23. Tavern. voy. 1. p. 344. Chardin voy. 3. p. 33. Osb. Oſtind. p. 35.

v. c. Le Mulet. Aſinus Mulus.

Il provient de l’accouplement de l’âne & de la jument ; il eſt ſtérile. Oreilles longues, droites ; criniere courte.

Briſſ. regn. an. p. 103. n. 4. Ariſt. hiſt. an. I. c. 7. II. c. 5. VI. c. 24. Plin. hiſt. nat. VIII. c. 44. Geſn. quad. p. 793. Schwenckf. theriotr. p. 62. Aldrov. ſolid. p. 358. Jonſt. quad. p. 21. t. 6. Charlet. exerc. p. 4. Raj. quad. p. 64. Sloan. jam. II. Klein. quad. p. 6. Buff. hiſt. nat. IV p. 401. Geſn. thierb. p. 108. Osb. Oſtind. p. 35.

v. d. Le Bardeau. Aſinus Hinnus.

Il vient du cheval & de l’âneſſe. Il eſt ſterile.

Ariſt. hiſt. an. 1. c. 7. Plin. hiſt. nat. VIII. c. 44. Geſn. quad. p. 18. Aldrov. ſolid. p. 358. Jonſt. quad. p. 21. Charlet. exerc. p. 4. Raj. quad. p. 64. Buff. hiſt. nat. IV. p. 401.

L’eſpèce ſauvage habite en troupes dans les déſerts montueux de la grande Tartarie, & ſe rend l’hiver, après la ſaiſon de l’accouplement, dans l’Inde méridionale & la Perſe ; elle eſt très-commune aux environs de la ville de Casbin, comme autrefois en Natolie, en Syrie, en Arabie, en Afrique. On l’éleve, domeſtique & dégénéré, preſque partout ; il craint le froid, mais ſupporte la diſette & les mauvais traitemens. Il ſe nourrit de chardons, & ſe contente des herbes les plus dures & les plus déſagréables ; il eſt pareſſeux, lent, humble, patient, ſtupide, têtu, laſcif. Ses oreilles ſont longues, flaſques, ſa crinière eſt courte ; ſa couleur eſt cendrée, à ligne noire dorſale & tranſverſale ſur les épaules. L’âne ſauvage eſt très-léger à la courſe, très-agile, d’une forme plus élégante & d’une taille plus haute que l’âne domeſtique ; il chaſſe les bêtes fauves, ne ſauroit cependant vaincre le tigre ; il n’eſt point difficile à apprivoiſer, a la vue, l’ouie, l’odorat d’une grande fineſſe ; il aime l’eau, les plantes ſalées & amères ; ſa couleur eſt blanche, d’un éclat argenté mais le ſommet de la tête, les côtés du cou & du tronc ſont d’un jaune pâle. Crinière d’un brun noirâtre ; ligne dorſale de couleur café ; poils plus doux que ceux du cheval. Les Kirghizes font grand cas de ſa chair ; ſa peau fournit un cuir recherché, granulé au moyen de l’apprêt qu’on lui donne & vulgairement nommé chagrin ou galuchat. Sa longueur eſt de quatre pieds dix pouces. L’âne domeſtique eſt meilleur dans les pays chauds ; il n’étoit pas connu en Angleterre avant le regne de la Reine Eliſabeth. Il vit environ trente ans ; l’âneſſe eſt pleine pendant deux cens quatre-vingt-dix jours, & met bas un ſeul petit. Le mulet eſt très-rarement fécond, celui d’Eſpagne eſt le meilleur, celui de Savoie eſt le plus grand, approchant du cheval par la taille & le port. Le bardeau eſt beaucoup moins bon & de plus petite taille, ſon poil eſt plus rougeâtre ; il a les oreilles du cheval, la crinière & la queue de l’âne.

IV. Le Zèbre. Equus zebra.

Sabot des pieds entier, pelage d’un brun ou jaune clair, rayé de bandes brunes.

Syſt. nat. XII. 1. p. 101. n. 3. Briſſ. regn. an. p. 101. n. 2. Jonſt. quad. t. 5. Jacob. mus. reg. p. 3. t. 2. f. 1. Laur. mus. reg. t. 3. f. 18. Klein quad. p. 5. Purch. pilgr. 2. p. 1001. Charlet. exerc. p. 41. Raj. quad. p. 64. Barbot guin. p. 486. Bancr. Guian. p. 486. Penn. quad. p. 2. n. 2. Edw. av. t. 222. Aldrov. ſolidung. p. 416. f. p. 417. Jonſt. quad. p. 21. t. 5. Aldrov. ſolidung. p. 416. f. p. 417. Jonſt. quad. p. 21. t. 5. Ludolf. æthiop. 1. c. 10. n. 35. comm. p. 150. Lobo abiſſ. 1. p. 291. Kolbe Vorgeb. p. 146. t. 3. f. 2. Geſn. Thierb. p. 120. Knorr del. II. K. 8. Thevenot voy. 2. p. 473. Dampier. voy. 2. p. 250. Buff. hiſt. nat. XII. p. 1. pl. 1. 2.

Il habite en troupes dans les campagnes de l’Afrique méridionale ; il eſt très-beau, très-vîte à la courſe, malin, indocile ; on l’apprivoiſe cependant dans ſa jeuneſſe ; il s’accouple avec l’âne. Sa taille eſt celle du mulet. Crinière courte, droite, rayée dans la même direction que la tête & le corps ; jambes auſſi rayées juſqu’aux ſabots mais en travers ; oreilles droites ; queue ſemblable à celle de l’âne. La femelle eſt beaucoup moins rayée.

V. Le Couagga. Equus quagga.

Sabot des pieds entier ; corps brun marron à bandes brunes en deſſus, taché ſur les côtés, blanc en deſſous, comme auſſi les cuiſſes & les jambes.

Penn. hiſt. p. 14. n. 3. Maſſon act. angl. 66. p. 297. Buff. hiſt. nat. XII. p. 1. pl. 2. Edw. av. t. 223.

Il habite par troupes ſéparées dans l’Amérique méridionale ; il eſt plus gros & plus robuſte que le zèbre, & s’apprivoiſe plus aiſément, de ſorte qu’on peut l’employer au trait.

GENRE XLI.

Hippopotame.
Quatre dents inciſives à chaque mâchoire ; les ſupérieures éloignées les unes des autres par paires ; les inférieures prominentes, celles du milieu plus longues.
Dents canines ſolitaires, les inférieures très-longues, tronquées obliquement, recourbées.
Pieds onguiculés en leur bord,

Pieds à quatre lobes.

Syſt. nat. X. p. 74. Houttuyn 3. p. 405. t. 28. Job. c. 40. Ariſt. hiſt. an. II. c. 7. 12. Ælian. an. V. Plin. hiſt. nat. VIII. c. 25 & 26. XI. c. 12. 37. & 39. XXXII. c. 11. Bel. poiſſ. p. 47. f. p. 50. & obſ. p. 104. Geſn. aquat. p. 494. Column. aq. p. 28. f. p. 30. Aldr. dig. p. 181-185. Jonſt. quad. p. 108. t. 49. Charlet exerc. p. 14. Ludolf. Æth. 1. c. 10. n. 1. p. 155. Raj. quad. p. 123. Shaw it. p. 427. Klein. quad. p. 34. t. 3. Briſſ. quad. p. 122. Haſſelq. Palæſt. p. 286. Forſk. faun. orient. p. 4. Radzivil it. hieroſ. 142. Sparrman act. Stockh. 1778. 4. n. 12. Chemniz. Naturf. 21. p. 84. Zerenghi. monogr. Theven. voy. 1. p. 491. Marmol. Afr. 1. p. 51. Dampier voy. 3. p. 359. Juſſieu act. Par. 1724. p. 209. Lobo Abiſſ. 1. p. 258. Maillet æg. 2. p. 31. Adamſ. Seneg. p. 73. Buff. hiſt. nat. XII. p. 22. pl. 3 & 6. f. 1-3. Penn. quad. p. 78. n. 59. Pr. Alp. I. V. 245. t. 22-25. Grew. muſ. reg. ſoc. p. 14. t. 1. Barbot Guin. p. 73. 117. Kolbe Vorgeb. p. 168 t. 6. f. 1. Knorr delic. II. tab. K. 12.

Il habite les fleuves d’Afrique depuis le Niger juſqu’au cap de Bonne-Eſpérance, les lacs d’Éthiopie traverſés par le Nil, dans la partie ſupérieure même du Nil, autrefois auſſi dans ſa partie inférieure, mais moins fréquemment aux embouchures des fleuves. Coſme l’a obſervé en Éthiopie & en Égypte. Il a pluſieurs femelles, il va en troupe, & s’éloigne quelquefois de ſix lieues du rivage des eaux ; il devaſte les plantations des cannes à ſucre, de colocaſe on gouet ombiliqué, de ris, de millet en y cherchant ſa nourriture, ce qu’il fait de nuit ; il ſe nourrit auſſi de racines d’arbre, mais ne mange jamais de poiſſon[1]. On peut l’apprivoiſer & il eſt aſſez doux à moins qu’on ne l’ait irrité ou bleſſé, car alors il aſſaillit avec la plus grande hardieſſe, les barques qui ſont à flot & les hommes qui les montent. Il marche lentement ſur terre, ne franchit point les obſtacles, pas même les petites digues qu’il rencontre ſur ſon paſſage ; mais il nage avec beaucoup de viteſſe & plonge même au fond de l’eau, quoiqu’il n’y puiſſe demeurer longtems. Il ſe livre au ſommeil dans des iles entourées de roſeaux, ſituées au milieu des rivières, & la femelle y met bas ſon petit, lequel cependant elle allaite dans l’eau. Sa voix eſt moyenne entre le beuglement du bœuf & le mugiſſement de l’éléphant ; on l’entend de fort loin. Ses dents ſont très-blanches, & très-dures, même plus que l’ivoire & ne jauniſſent pas ſi aiſément ; c’eſt pourquoi on en fait des dents poſtiches pour l’homme. Sa chair eſt très-bonne à manger. On garnit des boucliers avec ſa peau.

L’hippopotame eſt preſque de la grandeur de l’éléphant ; ſon poids eſt de quatre à cinq mille livres ; il a quelquefois dix-ſept pieds de longueur & environ ſept pieds de hauteur. Quoiqu’il ait la tête très-groſſe, il reſſemble un peu au bœuf par le tronc & par le port ; par les pieds à l’ours, par ſa peau très-denſe & très-tenace au rhinoceros, par ſes dents canines, ſa queue, ſa croupe, ſon genre de vie, au cochon. Sa gueule eſt très-large. Oreilles menues & aiguës ; ciliées de poils courts & fins ; yeux petits ainſi que les narines ; des faiſceaux de poils aux levres ; dents canines longues quelquefois de vingt-ſept pouces & péſant ſix livres neuf onces ; dents molaires également très-blanches, au nombre de ſix ou huit de chaque côté des mâchoires. Peau de couleur obſcure, garnie de poils blanchâtres clair ſemés, un peu plus épais ſur le haut du cou ; queue chauve, longue d’environ un pied ; jambes courtes & groſſes ; lobes des pieds ſéparés.

GENRE XLII.

TAPIR.
Dix dents inciſives à chaque mâchoire.
Point de dents canines.
Pieds antérieurs à quatre cornes ou ſabots.
Pieds poſtérieurs à trois cornes ou ſabots.

I. Le Tapir. Tapir Americanus.

Briſſ. regn. an. p. 119. Buff. hiſt. nat. XI. p. 444. pl. 43. Penn. quad. p. 82. n. 60. Thevet coſmogr. 2. fol. 937. b. Marcgr. Braſ. p. 229. Piſ. Ind. p. 101. Raj. quad. p. 126. Klein quad. p. 36. ſyſt. nat. X. 1. p. 74. n. 2. Laët. amer. p. 328. Nieremb. hiſt. nat. p. 187. Jonſt. quad. p. 216. Cieza. Peru. p. 20. Nicah. Braſ. p. 23. Gum. Orenoq. 1. p. 300. Dampier voy. 3. p. 356. Condam. voy. p. 163. Barr. Fr. eq. p. 160. Fermin Surin. 2. p. 80. Erxleb. mam. p. 191. n. 1. Knorr delic. II. tab. K. 13.

Il habite en troupes les bois & les rivières des contrées orientales de l’Amérique méridionale depuis l’Iſthme de Darien juſqu’au fleuve des Amazones. Il dort pendant le jour dans les forêts les plus ſombres & les plus épaiſſes ; de nuit, il cherche ſa nourriture qui conſiſte en gramen, cannes à ſucre, & fruits. Il eſt doux, facile à apprivoiſer, craintif, lubrique ; il nage parfaitement bien, plonge & marche au fond de l’eau. (Mais il n’a pas la faculté d’y reſter plus de tems que tout autre animal terreſtre, auſſi le voit-on à tout inſtant tirer ſa trompe hors de l’eau pour reſpirer. Buffon.) Il ſe jette à l’eau lorſqu’il eſt pourſuivi. Sa chair eſt du goût des Américains. C’eſt l’animal le plus grand de ceux qui ſont propres au nouveau continent ; il eſt de la taille d’une petite vache & a le port du cochon. Sa peau eſt d’un tiſſu très-ferme & très-ſerré, ſon pelage eſt brun à poils courts ; taché de blanc dans les jeunes individus. Oreilles un peu arrondies, droites, aſſez grandes ; yeux menus ; mâchoires aiguës ; dents molaires au nombre de cinq de chaque côté. Nez allongé (dans le mâle) en une trompe mince, extenſile, ſillonnée ſur les côtés, & paſſant de beaucoup la mâchoire inférieure ; cou gros, court, arqué, garni ſur le haut d’une crinière de poils longs, d’un pouce & demi ; jambes courtes, à ſabots noirs, & creux ; queue très-courte, nue.

GENRE XLIII.

COCHON.
Quatre dents inciſives ſupérieures, convergentes.
Dents inciſives inférieures dans la plûpart au nombre de ſix, prominentes.
Deux dents canines ſupérieures, courtes.
Deux dents canines inférieures, ſaillantes.
Muſeau tronqué (boutoir ou groin), prominent, mobile.
Pieds ordinairement fourchus.

I. Le Cochon proprement dit. Sus ſcrofa.

Dos garni antérieurement de ſoies ; queue pileuſe.

Faun. ſuec. 21. Amœn. ac. V. p. 461.

v. a. Le Sanglier. Sus ferus. Aper.

Oreilles courtes, arrondies ; queue pileuſe.

Briſſ. quad. 75. Ariſt. hiſt. an. I. c. 2. II. c. 9. n. 11. V. c. 13. Oppian. cyneg. III. 364. Ælian. an. V. c. 45. Charlet. exerc. p. 13. Plin. hiſt. nat. VIII. c. 51. XVIII. c. 35. Raj. quad. p. 96. Klein quad. p. 25. Geſn. quad. p. 1039. f. p. 1040. Schwenckf. theriotr. p. 54. Aldr. biſ. p. 1013. f. p. 1025. Jonſt. quad. p. 105. t. 47. 48. Rzacz. Pol. p. 213. auct. p. 305. Des. March. voy. 3. p. 296. Buff. hiſt. nat. V. p. 99. t. 14. & 17. pl. 1. Brown Jam. p. 487. Geſn. Thierb. p. 336. Riding. jagdb. Th. t. 6.

v. b. Le Cochon domeſtique. Sus domeſticus.

Oreilles oblongues, aiguës ; queue pileuſe.

Briſſ. quad. p. 74.

v. b. 1. Le Cochon domeſtique vulgaire. Sus domeſticus vulgaris.

Plin. hiſt. nat. VIII. c. 51. X. c. 63. & 73. XI. c. 37. & 39. Geſn. quad. p. 982. f. p. 983. Schwenckf. theriotr. 123. Aldr. Biſ. 937. f. p. 1006. Jonſt. quad. p. 99. t. 47. Sibb. Scot. an. p. 9. Ariſt. hiſt. an. II. c. 5. & 7. V. c. 13. VI. c. 8. & 28. VIII. c. 9. Ælian. an. III. c. 3. X. c. 16. Raj. quad. p. 92. Sloan. jam. 2. p. 328. Rzacz. Pol. p. 243. auct. p. 333. Buff. hiſt. nat. V. p. 99. pl. 16. & 17. t. 2. Geſn. Thierb. p. 331.

v. b. 2. Le Cochon à ſabot entier. Sus monongulus.

Corne du pied entière.

Ariſt. hiſt. an. II. c. 7. Plin. hiſt. nat. XI. c. 46.

v. b. 3. Le Cochon de la Chine. Sus Sinenſis.

Dos preſque nud ; ventre pendant juſqu’à terre.

It. Wyoth. 62. It. ſcan. 71.

L’eſpèce ſauvage habite dans l’Europe tempérée & méridionale, la Perſe ſeptentrionale, le Japon, depuis la Syrie juſqu’au lac Baikal, même dans l’Afrique Boréale. On éleve partout le cochon domeſtique, excepté ſous la Zone glaciale, car cet animal ne ſupporte pas le froid. Il a l’odorat bon, il creuſe la terre avec ſon groin, ſe nourrit de balayures, d’excremens, de choſes ſucculentes, de racines, & de toutes ſortes d’ordures ; il dévore aſſez ſouvent ſa propre progéniture ; il rébute cependant différentes mangeailles. Il devient très-gras, ſon lard eſt ſitué entre la chair & la peau ; il eſt ſtupide, aime à dormir, court avec lenteur, annonce l’approche de l’orage qu’il craint beaucoup, ſe couche volontiers au ſoleil, ſe vautre dans la boue ; il eſt mal propre, il accourt à ſon ennemi, grognant & criant, montrant les dents & la gueule écumante. Il détruit les ſerpens, qu’il avale ſans danger. Il eſt très-lubrique ; & demeure accouplé plus longtems que la plûpart des quadrupèdes ; ſon penis eſt lâche & long ; la truie a des mamelles nombreuſes, & met bas une vingtaine de petits, après une geſtation de quatre mois. Il ne perd point ſes dents, & atteint l’âge de vingt-cinq à trente ans. Sa chair & la plûpart de ſes parties ſont de fréquens matériaux de la bonne chère. Il a de la vermine, les hydatides ; il eſt ſujet aux écrouelles, à la galle ; le poivre le fait mourir.

Le ſanglier eſt d’une couleur noire-grisâtre, marquée dans ſa jeuneſſe de raies longitudinales jaunâtres & brunes ; il n’y a point de laine entre les ſoies profondement enracinées qui le couvrent ; il n’a point de lard ; ſon muſeau eſt allongé, ſes dents canines ou défenſes ſont ſaillantes, ſes oreilles courtes & arrondies. Il court avec vîteſſe ; la laie met bas aux mois de Mai & de Juin. Le cochon vulgaire eſt de plus grande taille dans les climats tempérés ; ſa couleur eſt ordinairement blanchâtre, mais il y en a auſſi de jaunes, de noirs, de cendrés, de rouges, de tachés ; il s’en trouve dans la grande Tartarie qui ſont d’un cendré argenté. Oreilles longues aiguës, un peu pendantes. La variété b. 2. eſt commune à Upſal & ailleurs ; la variété b. 3. ſe trouve en Chine & dans les iles de la mer des Indes & de la mer du ſud ; on en éléve aujourd’hui aſſez communément en Europe une ſous-variété plus petite, moins mal-propre, variée de noir & de blanc, ou d’un noir mêlé de gris, à jambes courtes, à queue très-courte, & pendante, & dont la chair eſt blanche & ſavoureuſe.

II. Le Cochon de Guinée. Sus Porcus.

Dos garni poſtérieurement de ſoyes ; queue de la longueur des jambes ; nombril cyſtifere (c’eſt à dire d’où ſuinte une humeur ichoreuſe, d’une odeur déſagréable.)

Briſſ. regn. an. p. 109. n. 4. Marcg. braſ. p. 230. Jonſt. quad. t. 46. Raj. quad. p. 96. Klein quad. p. 26. Buff. hiſt. nat. XV. p. 146. Brown jam. p. 487. Penn. quad. p. 69. Buff. hiſt. nat. V. p. 99. pl. 15. le cochon de Siam.

Il habite en Guinée d’où il a été tranſporté au Bréſil ; il y en a une variété au royaume de Siam ; il reſſemble au cochon proprement dit, n’en eſt-ce peut-être qu’une variété ? tête & taille plus petites ; queue nue ; oreilles allongées, très-acuminées ; pelage roux, à poils courts & brillans, plus longs vers le haut du cou & ſur la croupe.

III. Le Pecari. Sus Tajaſſu.

Dos cyſtifère (ayant près de la croupe une fente de deux ou trois lignes de largeur & de plus d’un pouce de profondeur, par laquelle ſuinte une humeur ichoreuſe d’une odeur de caſtoreum, très-deſagréable.) Point de queue.

Briſſ. regn. an. p. 111. n. 6. Ald. biſ. p. 939. Barr. Fr. éq. p. 161. Charlet. exerc. p. 14. Seb. muſ. 1. t. 111. f. 4. Klein quad. p. 25. Hernand. mex. p. 637. Fernand. an. p. 8. Thevet coſmogr. II. p. 936 b. Nieremb. hiſt. nat. p. 170. Jonſt. quad. p. 107. t. 46. Muſ. Worm. p. 340. Marcg. braſ. p. 229. Piſ. Ind. p. 98. Tyſon. act. ang. n. 153. p. 359. Raj. quad. p. 97. Rochefort antill. p. 138. Wafer. it. p. 222. des March. it. 3. p. 296. Gumili. Orin. 1. p. 293. Fermin. Surin. 2. p. 79. Buff. hiſt. nat. X. p. 21. pl. 3. 4. Bancr. Guian. p. 125. Penn. quad. p. 72. n. 36.

Il habite en troupes dans les bois montueux des contrées les plus chaudes d’Amérique, comme dans la nouvelle Eſpagne, l’iſthme de Panama, au Bréſil, en Guinée, & aux iles Antilles ; il eſt farouche, s’apprivoiſe cependant aiſément ; il n’aime point à ſe vautrer dans la boue & n’engraiſſe pas comme le cochon ; il ſe nourrit de fruits, de racines, de ſerpens, de reptiles ; ſa chair eſt bonne à manger, pourvû que d’abord après la mort de l’animal on ait ſoin de couper la follécule de ſon dos.

Sa forme approche de celle du cochon de Chine ; ſa longueur eſt d’environ trois pieds. Dents canines ſupérieures preſque non viſibles à muſeau fermé ; yeux planes ; cou court, épais ; ſoyes plus longues que celles du cochon, tenant un peu des epines du hériſſon, d’un noir grisâtre, annelées de blanc, très longues ſur le haut du cou & le dos.

IV. Le Sanglier d’Afrique. Sus Africanus.

Deux dents inciſives.

Penn. hiſt. of quad, p. 132. n. 63. Buff. hiſt. nat. XIV. p. 409. XV. p. 148.

Il habite en Afrique depuis le Cap-Vert juſqu’au Cap de Bonne-Eſpérance.

Corps couvert de ſoyes très-longues & fines ; tête allongée ; muſeau grêle ; dents canines larges, dures comme l’ivoire, les ſupérieures groſſes, tronquées obliquement ; dents molaires au nombre de ſix de chaque côté des mâchoires, les antérieures très-grandes ; mâchoire inférieure beaucoup plus courte que la mâchoire ſupérieure ; oreilles étroites, acuminées, droites, garnies à leur extrémité par de très-longues ſoies ; queue mince, terminée en floccon, & atteignant la prémiere jointure des jambes.

V. Le Sanglier d’Éthiopie. Sus Æthiopicus.

Un petit ſac mollet ſous les yeux.

Syſt. nat. XII. p. 223. Pall. miſc. zool. p. 16. t. 2. Spic. zool. II. p. 3. t. 1. XI. p. 84. t. 5. f. 7. Meroll. cong. p. 667. Sorrento it. apud Church. I. 667. Barbot guin. p. 487. Flacourt Madag. p. 151. Damp. it. 1. p. 405. Buff. hiſt. nat. ſupp. III. p. 76. pl. 11. Deſland. Martyn’s mem. acad. V. 386. Penn. quad. p. 70. n. 53.

Il habite à Madagaſcar & dans les parties les plus chaudes de l’Afrique intérieure ; il eſt farouche, ſon odeur reſſemble à celle du lamion pourpré, il eſt leſte, & beaucoup plus agile & moins brut que le cochon commun ; ils ne s’accouplent point enſemble. Sa longueur eſt de quatre pieds neuf pouces, avant même qu’il ſoit tout-à-fait adulte.

Corps gros, large, preſque nud, à ſoies faſciculées d’un brun-noir, plus longues ſur le dos, très-longues ſur la nuque ; tête fort grande, terminée par un ample boutoir d’un diamètre prèſqu’égal à la largeur de ſa tête,) & dur à-peu-près comme de la corne ; gueule petite, il manque de dents inciſives, mais des gencives dures, convexes, liſſes, en tiennent lieu. Dents canines inférieures plus petites que les ſupérieures, toutes quatre tournées en en-haut ; ſix dents molaires de chaque côté. Oreilles un peu aiguës ; yeux placés vers le haut de la tête, petits, plus rapprochés l’un de l’autre ainſi que des oreilles, que dans le cochon proprement dit. Il a ſous les yeux un petit ſac mollet, à peau lâche noire, accompagné de chaque côté d’une appendice zygomatique dure. Queue nue.

VI. Le Babirouſſa. Sus Babyruſſa.

Les deux dents canines ſupérieures, perçant les levres en deſſus du muſeau, & s’étendant en courbe juſqu’au deſſous des yeux.

Erxleb. mam. p. 188. n. 5. Briſſ. regn. an. p. 110. n. 5. Ælian. an. 17. c. 10. Plin. hiſt. nat. VIII. c. 52. Calpurn. eclog. 7. v. 58. Seb. muſ. 1. p. 80. t. 50. f. 2. Raj. quad. p. 96. Klein quad. p. 25. Purch. Pilgr. II. p. 1695. V. p. 566. Grew muſ. reg. ſoc. p. 27. t. 1. Penn. quad. p. 73. n. 57. t. 11. f. 1. Bont. ind. or. p. 61. Jacob. muſ. reg. p. 5. t. 2. f. 5. Lawſ. muſ. reg. t. 3. f. 28. Valent. Amboin. 3. p. 268. Buff. hiſt. nat. XII. p. 379. pl. 48. Knorr delic. 2. t. k. 7.

Il habite dans l’ile de Java, aux Celebes & dans l’îie de Boëro près de celle d’Amboine ; auſſi bien que dans les autres iles de l’Océan Indien où on l’éléve en domeſticité. Il va en troupe, a l’odorat très-fin, & ſe nourrit d’herbes & de feuillages ; il nage bien & plonge ; ſon cri reſſemble à celui du cochon ; ſa chair eſt bonne à manger, ſa taille eſt celle du cerf.

Corps plus effilé que dans ſes congenères, d’un gris brun, preſque laineux ; dos cependant ſemé de quelques ſoies molles. Tête oblongue, étroite ; yeux menus ; oreilles petites, droites, aiguës. Dents molaires au nombre de cinq à chaque côté des machoires. Défenſes ou dents canines ſupérieures perforant la peau de la mâchoire ſupérieure & recourbées en maniere de cornes, les inférieures moins grandes & moins recourbées. Jambes longues, minces ; queue longue, contournée, terminée par un floccon de poil.

  1. Mr. de Buffon dit le contraire, d’après la deſcription de l’hippopotame par le capitaine Covent. Voyage de Dampierre t. 3. p. 360. Voici le paſſage de cette deſcription : « l’hippopotame marche aſſez lentement ſur le bord des rivières, mais il va plus vite dans l’eau ; il y vit de petits poiſſons & de tout ce qu’il peut attraper. »