Tableau de Paris/121

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CHAPITRE CXXI.

Censeurs Royaux.


Ce sont les hommes les plus utiles aux presses étrangeres. Ils enrichissent la Hollande, la Suisse, les Pays-Bas, &c. Ils sont si tremblans, si pusillanimes, si pointilleux, qu’ils ne hasardent leur approbation que pour les ouvrages insignifians. Et qui pourroit les en blâmer, puisqu’ils répondent personnellement de ce qu’ils ont approuvé ? Ce seroit courir du danger sans gloire, que d’agir autrement.

Comme ils pesent malgré eux sur un joug déjà incommode, le manuscrit s’envole & va trouver un pays de raison & de sage liberté. Une fois imprimé, par une contradiction frappante, on lui ouvre les barrieres de la capitale ; & les livres prohibés, après une petite cerémonie, se débitent beaucoup plus promptement & peut-être plus sûrement que ceux qui ont obtenu le privilege ; car les formalités, même pour un ouvrage permis, sont sans nombre.

Un Claude Morel, docteur de Sorbonne & censeur royal, ayant à approuver une traduction de l’Alcoran, déclara n’y avoir rien trouvé de contraire à la foi catholique, ni aux bonnes mœurs.

Il y a quelque différence entre la censure des Romains & celle des pamphlets & brochures, entre Caton le censeur & le censeur Coqueley.

À quoi servent les censeurs royaux ? À donner quelquefois un petit passe-port à la sottise. Arrêtent-ils les ouvrages libres & généreux ? Oh ! il n’est plus au pouvoir des rois d’anéantir l’imprimerie.