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Tableau de Paris/301

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CHAPITRE CCCI.

Auteurs nés à Paris.


Paris a fourni à la littérature presque autant de grands hommes que tout le reste du royaume.

Je vais les dénombrer autant que ma mémoire le permettra, & par ordre alphabétique ; car je ne donne pas ici les rangs ni les places, à l’instar des régens de college, ou de MM. les journalistes, tarifeurs du mérite des vivans. Voici ma liste. MM. d’Alembert, célebre géometre & littérateur distingué. Amontons, habile machiniste. Amyot, grand-aumônier de France & célebre traducteur. Anquetil, l’historien de la ligue & l’auteur de l’Intrigue du cabinet ; & son frere, qui a voyagé dans les Indes Orientales. Anseaume, auteur de plusieurs pieces de théatre. Arnaud d’Andilly, fameux par sa plaidoierie contre les Jésuites, & par son excellente traduction de Josephe. Antoine Arnaud, un de nos grands, féconds & inutiles écrivains. Baculard d’Arnaud, auteur de Comminges & d’Euphémie, dont Mélanie n’est qu’une copie. Bailli, qui a écrit sur l’astronomie & rêvé sur le peuple inconnu. Le Beau, secretaire de l’académie des belles-lettres, auteur de l’Histoire du bas-Empire. Caron de Beaumarchais, fameux par ses mémoires si supérieurs à ses autres écrits. Bellin, ingénieur de la marine, auteur de l’Hydrographie françoise. Madame Belot, qui a traduit de l’anglois avec quelque succès, aujourd’hui madame la présidente Meyniere. Du Belloy, auteur du Siege de Calais, tragédie que, dès son origine, le vent de la cour a fait voguer à pleines voiles. Le Blond, qui a fait l’article Art militaire dans l’Encyclopédie. Boileau, le premier de nos versificateurs. Boindin. Boucher d’Argis, jurisconsulte. Bougainville, de l’académie françoise, & qui a traduit l’Anti-Lucrece. De Bury, qui a écrit l’histoire. Le célebre Boulanger, auteur de l’Antiquité dévoilée, & à qui l’on a pris beaucoup d’idées. De Caylus, antiquaire, Carraccioli, auteur des Lettres fictives du pape Ganganelli. Cassini de Thuri. Jacques Cassini, astronome. Chamousset, écrivain patriotique. Le Camus, médecin, auteur doué d’imagination. La Chaussée, poëte dramatique. Clairaut, de l’académie des sciences. Cochin, garde des dessins du cabinet du roi. Collé, auteur de chansons, vaudevilles, pieces & parades singulieres, qui ont un ton vraiment original. La Condamine, fameux par son voyage. Contant d’Orville, auteur fécond & utile. Crébillon fils, si connu par ses romans pleins d’esprit. Crevier, ancien professeur. Daquin, fils du célebre organiste. Dionis du Séjour, de l’académie royale des sciences. Dezallier d’Argenville, maître des comptes. Ducis, de l’académie françoise. Dorneval, auteur du Théatre de la foire, recueilli avec le Sage. Dorat, poëte agréable. Butel Dumont, auteur du Traité sur le luxe. Dupré de Saint-Maur, de l’académie françoise. Duhamel du Monceau, de l’académie des sciences. Le Dran, chirurgien, de la société royale de Londres. Fagan. Favart, auteur de pieces à ariettes. De Fouchi, secretaire perpétuel de l’académie des sciences. Fuselier. Floncel. Fougeroux de Bondaroi, de l’académie des sciences. Le docte Fourmont. Fournier, graveur & fondeur de caracteres. Gallimart, géometre. Goguet, auteur de l’Origine des loix, des arts & des sciences. Mad. de Gomez, auteur des Cent nouvelles & des Journées amusantes. Le savant Goujet. Guyot de Merville. Helvetius pere, médecin. Helvetius fils, auteur du trop fameux livre de l’Esprit. Le président Henaut. Lattaignant, chanoine de Reims, chansonnier fécond. Le comte de Lauragais, auteur de deux tragédies rares. Laus de Boissy. Lemiere, de l’académie françoise. Langlois Dufresnoy. De l’Isle, de l’académie des sciences. Lorry, avocat. Lorry, médecin. Lorry, professeur en droit. Dom Lieble, bénédictin. De Machi, démonstrateur de chymie. Maquer, de l’académie des sciences. Marchand, écrivain enjoué. Mariette, amateur de dessins, auteur du Traité des pierres gravées. Marivaux, auteur fin & plein de détails ingénieux. Le fameux Mallebranche, doué d’une si puissante imagination. Moliere. Moissy, auteur de quelques pieces de théatre. Moreau, évêque de Vence. Moreau, procureur du roi au Châtelet. Mignot, neveu de Voltaire, abbé de Scellieres, où il a donné un tombeau à son oncle. Moncrif qu’on a appellé le dernier des François. Les deux le Monnier freres, de l’académie des sciences. Maréchal, poëte anacréontique. Blin de Saint-More, qui a fait quatre héroïdes & une tragédie encore. Morand pere & fils. Patte, architecte. Pesselier. Petit de la Croix, professeur en arabe. Pingré, astronome. Parfaict, auteur de l’Histoire du théatre françois. Poinsinet, auteur de la comédie du Cercle. Poinsinet de Sivry, traducteur de Pline. Poncet de la Riviere, ancien évêque de Troyes. Philippe de Pretot, acteur du Spectacle de l’histoire romaine. Dupont, rédacteur des Ephémérides du citoyen. Mad. le Paute, auteur de divers mémoires d’astronomie. Prémonval, de l’académie de Berlin. M. & Mad. de Puisieux. Quinaut. Le docteur Quesnay, chef de la secte économique. Racine le fils. Rousseau le poëte. Le savant Rollin. Raymon de Saint-Mart. Rémond de Sainte-Albine, auteur du livre intitulé le Comédien. Madame Riccobonni. Robert de Vaugondy, géographe. Roy, auteur du beau prologue des élémens. Du Rosoy, auteur du poëme des sens. Sage, fameux chymiste. Saurin, de l’académie françoise. Secousse, avocat. Sedaine, auteur de quelques opéras comiques. Soret, qui a tantôt remporté & tantôt disputé le prix à l’académie françoise. La marquise de Saint-Chamond. Le comte de Senecterre. Thibout, fameux imprimeur. Titon du Tillet, auteur du Parnasse françois. Toussaint, auteur du livre des mœurs. Villaret, continuateur de l’Histoire de France. Madame Villeneuve, auteur de plusieurs romans. Le marquis de Vilette. Voltaire. Watelet, de l’académie françoise. Willemain d’Abancour, versificateur. Le marquis de Ximenès, qui a fait Amalasonte & Epicaris, tragédies.

J’aurai sans doute oublié quelques noms ; mais je souhaite qu’on dise d’eux : præfulgebant Cassius & Brutus, eo ipso quod eorum effigies non visebantur.

Si l’on compte qu’il n’y a point eu d’homme célebre né en province, qui ne soit venu à Paris pour se former, qui n’y ait vécu par choix, & qui n’y soit mort, ne pouvant quitter cette grande ville, malgré l’amour de la patrie : cette race d’hommes éclairés, tous concentrés sur le même point, tandis que les autres villes du royaume offrent des landes d’une incroyable stérilité, devient un profond objet de méditation sur les causes réelles & subsistantes qui précipitent tous les gens de lettres dans la capitale, & les y retiennent comme par enchantement.

Tandis que la nature a prodigué ses dons précieux à ces hommes distingués du vulgaire, la fortune, comme pour s’en venger, leur a refusé ses faveurs, & sa malice à cet égard est bien ancienne. Démosthenes étoit fils d’un forgeron, Virgile d’un boulanger, Horace d’un affranchi, Théophraste d’un fripier, Amyot d’un corroyeur, la Mothe d’un chapelier, Rousseau le poëte d’un cordonnier, Moliere d’un tapissier, Quinaut d’un mitron, Fléchier d’un chandelier, Rollin d’un coutelier, Massillon d’un tanneur. Un horloger de Geneve fut le pere de J. J. Rousseau, & MM. Caron de Beaumarchais & Dupont l’économiste sont aussi fils d’horlogers.

Presque tous les hommes qui se sont fait connoître dans les arts & dans les sciences, & qui ont formé de leurs travaux accumulés le véritable trésor de l’esprit humain, ont connu dans leur jeunesse le besoin, & ont recueilli, comme dit Mérope, ce mépris qui suit la pauvreté.

Homere a mendié. Le Tasse, Milton & Pétrarque ont connu la misere. Corneille est décédé pauvre. Boulanger a erré sur les grandes routes. Jean-Jacques Rousseau est mort… je n’ose ici le dire.

Les pensions que distribuent les souverains ne sont pas attribuées de nos jours aux gens de lettres, ou qui en sont les plus dignes par leurs travaux, ou qui en auroient le plus besoin par leur situation. Enfin, jusqu’aux dignités littéraires, tout est enlevé par la faveur, le crédit ou l’intrigue.