Tableau de Paris/368

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CHAPITRE CCCLXVIII.

Coureurs, Chiens-coureurs.


La mode des coureurs étoit autrefois à Paris beaucoup plus en usage qu’à présent. On voyoit deux hommes lestement vêtus, devancer deux coursiers fougueux, & courir dans les rues de Paris en souliers plats & en bas blancs qu’ils ne salissoient point tout en courant sur le bord des ruisseaux ; c’étoit sans doute une curiosité. Mais faire courir ainsi des hommes, étoit-ce humanité, décence, honnêteté ?

Un gros homme opulent, gonflé de son or, tapis dans sa voiture, attachoit ainsi deux esclaves, deux de ses semblables, qu’un faux pas pouvoit faire rouer.

Les gens à équipages ont renoncé à ce luxe impertinent & dangereux ; mais au lieu d’avoir un cavalier, ils font courir des lévriers qui ne semblent précéder la voiture que pour renverser les gens & les exposer à être foulés aux pieds des chevaux, ou brisés sous les roues. Les fantassins dans des rues étroites avoient déjà à se garantir des pesantes charrettes, des carrosses, des cabriolets ; ils voient aujourd’hui de gros chiens qui s’élancent contr’eux en aboyant ; ils caracolent, ils bondissent au milieu de la rue ; ils font si bien qu’on n’entend plus le pas des chevaux ni la voix du cocher.

On diroit que les riches se croient propriétaires absolus des passages publics, tant ils multiplient les incommodités désagréables & les dangers imminens pour satisfaire quelques fantaisies frivoles.