Tableau de Paris/476

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CHAPITRE CCCCLXXVI.

Samaritaine.


Petit, vilain bâtiment quarré, adossé au Pont-Neuf, dressé sur pilotis, & qui rompt de toutes parts un superbe coup-d’œil. Cette masure est un gouvernement.

Le fameux gouverneur de ce gouvernement a dans toutes ses immenses parties la fonction de faire entretenir l’horloge, & l’horloge ne va point. Ce cadran vu & interrogé par tant de passans, est des mois entiers sans marquer les heures. Le carrillon est aussi défectueux que l’horloge ; il déraisonne publiquement : mais du moins on a le droit de s’en moquer.

Il sonne dans toutes les cérémonies publiques, sur-tout quand le roi passe. Le roi peut entendre le morceau de musique qui réjouissoit son trisaïeul ; & si la figure de Henri IV, qui est tout à côté, avoit des oreilles, elle pourroit achever l’air.

Vu la réputation dont la Samaritaine jouit dans toute l’Europe, on devroit bien moins négliger son carrillon & son horloge ; mais c’est un gouvernement ; c’est tout dire : les clochettes n’y seront jamais d’accord.

Quand fera-t-on disparoître ce bâtiment sans goût, qui s’offre à l’œil avec le quai du Louvre & le quai des Théatins, qui gâte l’ensemble des deux rives, & qui ne sert qu’à élever l’eau pour quelque bassins qui n’en sont pas moins à sec les trois quarts de l’année ?