Tableau de Paris/528

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CHAPITRE DXXVIII.

Petits Negres.


Le singe, dont les femmes raffoloient, admis à leurs toilettes, appellé sur leurs genoux, a été rélégué dans les anti-chambres. La perruche, la levrette, l’épagneul, l’angora, ont obtenu tour-à-tour un rang auprès de l’abbé, du magistrat & de l’officier. Mais ces êtres chéris ont tout-à-coup perdu de leur crédit, & les femmes ont pris de petits Negres.

Ces noirs Africains n’effarouchent plus les regards d’une belle ; ils sont nés dans le sein de l’esclavage. Mais qui n’est pas esclave auprès de la beauté ?

Le petit Negre n’abandonne plus sa tendre maîtresse ; brûlé par le soleil, il n’en paroît que plus beau. Il escalade les genoux d’une femme charmante, qui le regarde avec complaisance ; il presse son sein de sa tête lanugineuse, appuie ses levres sur une bouche de rose, & ses mains d’ébene relevent la blancheur d’un col éblouissant.

Un petit Negre aux dents blanches, aux levres épaisses, à la peau satinée, caresse mieux qu’un épagneul & qu’un angora. Aussi a-t-il obtenu la préférence ; il est toujours voisin de ces charmes que sa main enfantine dévoile en folâtrant, comme s’il étoit fait pour en connoître tout le prix.

Tandis que l’enfant noir vit sur les genoux des femmes passionnées pour son visage étranger, son nez applati ; qu’une main douce & caressante punit ses mutineries d’un léger châtiment, bientôt effacé par les plus vives caresses, son pere gémit sous les coups de fouet d’un maître impitoyable ; le pere travaille péniblement ce sucre que le Négrillon boit dans la même tasse avec sa riante maîtresse.