Tableau de Paris/535

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CHAPITRE DXXXV.

Pieces de deux sols.


Les pieces de deux sols, dont l’empreinte est presqu’effacée, sont un objet perpétuel de disputes, & donnent lieu, dans les marchés publics, à de fréquens pugilats. Deux crocheteurs se cassent la mâchoire pour l’intérêt de deux liards ; mais tout est relatif.

La cour des monnoies a voulu que la piece de deux sols, marquée ou non marquée, eût son cours. Tout vendeur s’étoit obstiné à vouloir les réduire à six liards de sa pleine autorité. À cet effet, on les raya d’une croix, pour désigner celles qui étoient usées. Or l’arrêt portoit défense de rayer ainsi les pieces. Ce débat a occasionné un nombre infini de gourmades & de clameurs, & l’on s’égosilloit pendant vingt minutes, avant de pouvoir fixer irrévocablement le taux de la piece.

Il seroit facile de suivre la méthode usitée en Espagne. Des hommes se promenent avec une corbeille pleine de nouvelles pieces, & le public leur apporte les vieilles en échange ; car c’est le gouvernement qui doit supporter en plein le déchet des monnoies. Le peuple à Paris n’en donneroit pas la raison politique ; mais il la sent par instinct, & il crie très-haut quand on veut l’obliger à perdre sur le signe représentatif. Il doit être immuable. La piece effacée doit avoir son cours comme la piece neuve, & sans aucune diminution.