Tableau de Paris/569
CHAPITRE DLXIX.
Bancs.
Les bancs en pierre qui bordent les boulevards sont insalubres ; la pierre est froide, & les femmes & les jeunes filles ne peuvent guere s’y asseoir impunément. Il en résulte des accidens qui influent sur leur santé. Pourquoi tous ces bancs ne sont-ils pas de bois ? Ce ne seroit pas une grande dépense que de les entretenir & de les renouveller.
Aux promenades publiques on voit l’empreinte de la lésinerie dans la rareté des bancs ; ceux qui restent sont mal taillés ou vermoulus : on les épargne pour favoriser le bail d’une loueuse de chaises.
Qu’arrive-t-il ? Un ouvrier convalescent, une femme nouvellement accouchée s’asseyeront sur l’herbe humide ; ils voudront épargner la piece de deux sols, & cette économie leur sera dangereuse.
Un intérêt vil & sordide devroit-il contrebalancer la commodité publique ? Les loueuses de chaises aident en conséquence du bail à la destruction des bancs ; & bientôt on n’en trouvera plus un seul dans les promenades qui soit bon & solide.
Ainsi ces petits privileges qui enrichissent quelques obscurs particuliers, donnent à la chose publique je ne sais quelle physionomie avare & mesquine. Jusques dans les églises il n’y a plus de bancs pour le peuple ; celui qui veut s’asseoir pour écouter le sermon doit encore payer. Ces petites remarques paroîtront superflues ; elles disent beaucoup pour prouver que la cupidité particuliere contredit à chaque pas l’intérêt général.