Tableau de Paris/645
CHAPITRE DCXLV.
Mémoires de la Société Royale de Médecine.
Chaque jour l’utilité de son institution se fait plus sentir. Le goût du siecle, heureusement dirigé vers les sciences qui intéressent l’homme, s’est occupé de l’art de guérir.
Les médecins répandus dans les provinces, concentrés dans leurs occupations, renfermés dans le cercle de leurs visites, ne se communiquoient point leurs lumieres & vivoient isolés. L’établissement de la société royale de médecine les a réunis en un seul corps. Leurs correspondances avec elle sont devenues un bienfait pour le public, en ce que les découvertes & observations nouvelles sont transmises avec la plus grande promptitude d’une extrêmité du royaume à l’autre.
Aussi-tôt qu’il regne une épidémie, la société royale en est informée, & le traitement convenable est indiqué. On a mis en question si la médecine existoit ; & ce doute des incrédules étoit en quelque forte justifié par l’inertie de ceux qui la cultivoient. Ce probleme va bientôt être résolu, & on saura si elle est réellement susceptible de perfection ; ce que je crois très-fort, par les progrès même faits depuis vingt années.
La société royale de médecine est comptée parmi les académies établies au Louvre, où elle tient aussi ses assemblées deux fois par semaine, sans aucune vacance quelconque. Celles qui sont publiques & qui ont lieu deux fois par an, sont très-brillantes ; & l’on peut dire que ce genre de charlatenerie lui réussit tout aussi bien qu’aux autres corps académiques. Au reste, tout dans ce bas monde a besoin d’affiche & d’enluminure.
Les ennemis de la société royale sont beaucoup diminués. Les médecins de la faculté avoient refusé de consulter avec les membres de la société royale ; mais ils ont conçu bientôt qu’il n’y auroit rien de plus injuste, de plus criminel & de plus barbare que de dire à un malade : je possede des remedes qui diminueroient tes souffrances & te rendroient la santé ; mais j’aime mieux te laisser souffrir & mourir, que de me trouver chez toi avec un confrere que j’estime, mais que je n’aime point, parce qu’il est membre d’une académie légalement établie par le roi, & tenant ses séances au Louvre, comme l’académie royale des sciences.
Les administrateurs des provinces ont demandé en 1779,1780 & 1781, des avis sur le traitement des diverses épidémies ; & les conseils donnés par cette compagnie ont été suivis avec plein succès.
La société royale de médecine s’occupera sans doute des moyens de simplifier les pharmacopées. Elle fera disparoître la cuisine dégoûtante des apothicaires ; elle proscrira ces épouvantables mélanges, que l’ignorance hardie faisoit avaler aux malades ; car à la honte de l’art, la médecine, par son alliance étroite ou intéressée avec l’apothicairerie, avoit ôté toute confiance ; & le tems est venu, que la chymie & la saine physique proscriront ce galimathias en boutique, ainsi que la saine philosophie a proscrit enfin le jargon scholastique qui triomphoit dans les classes.