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Tableau de Paris/672

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CHAPITRE DCLXXII.

Montreuil.


À Montreuil, village voisin de la capitale, avec trois arpens de terre, un particulier se fait vingt mille livres de rentes. Il cultive des pêches ; les pêches, en certains tems, valent six livres piece. Quand un prince donne une fête brillante, l’on en mange pour trois cents louis d’or.

L’arpent de terre y est loué six cents francs, & l’on en paie au roi soixante pour la taille. Montreuil est le plus beau jardin dont puisse se glorifier Pomone. Nulle part l’industrie n’a poussé plus loin la culture des arbres à fruit, & sur-tout celle du pêcher. On se dispute dans l’Isle-de-France un jardinier Montreuillois. C’est un territoire fort borné ; on y trouve en abondance tous ces fruits plus ou moins délicieux qui réjouissent la vue, & qui, quand ils sont mêlés sur nos tables avec nos viandes, l’emportent sur les mets les plus recherchés, par cet instinct de la nature qui nous dit de préférer les fruits & les végétaux au gibier & à la volaille.

Ces habiles cultivateurs se sont rendus maîtres de la nature, en perfectionnant la taille & la conduite des arbres.

C’est un coup-d’œil bien intéressant que ces murailles tapissées des plus beaux fruits, tandis qu’entre les espaliers sont semés des fraises, des pois, des légumes de toute espece. La capitale doit quelque reconnoissance à l’admirable industrie de ces jardiniers qui peuplent les marchés de ces excellentes productions, qui plaisent au goût & entretiennent sa santé. Ailleurs, le défaut d’émulation, d’intelligence, & l’absurde routine, laissent le jardinage dans un état de dégradation & de barbarie honteuse. Tel pays fera venir des bonnets parisiens, & ne saura ni transplanter ni cultiver un bon fruit. Les progrès du jardinage sont nuls dans de petites villes, où l’on a adopté les coëffures du jour & l’opéra-comique. Coûteroit-il plus de planter un noyau en terre, que de placer un pouf sur sa tête ?