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Tableau de Paris/779

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CHAPITRE DCCLXXIX.

Loge matelassée.


On dit en province qu’il y a dans chaque spectacle une loge matelassée, où s’enferme l’auteur le jour d’une première représentation, afin que dans son désespoir il ne se casse pas la tête, si sa pièce vient à tomber au milieu des huées ou des durs sifflets.

Je certifie au public que la loge matelassée n’existe point, & que la tête de M. de la Harpe, celle de M. Palissot, &c. sont néanmoins sans bosse & sans contusion.

Quand ce malheur arrive, l’auteur file avant la fin de la pièce, & va écrire une dissertation sur la décadence du goût, sur l’oubli des grands modèles & sur l’excellence de sa pièce ; ce qui est inséré dans les journaux.

L’ignorance, ou plutôt le malheur de M. l’abbé Miolan, lui ayant fait manquer un ballon aérostatique, ce fut au Luxembourg une bagarre générale. On mit en pièces le ballon ; on le brûla.

Huit jours après on ne vit de tous côtés que gravures, où ce pauvre abbé étoit représenté sous la figure d’un chat miaulant, battu par le suisse du Luxembourg, & poursuivi par la canaille qui crioit, au chat, au chat !

Dans les gravures, comme dans les chansons, on le traitoit de voleur. C’étoit-là une liberté satyrique presque angloise. Au fond, cet abbé ne me paroît pas plus coupable qu’un auteur dont la pièce tombe à plat. Le public a payé à la porte de la comédie, & cependant en sortant de la pièce sifflée, il ne se plaint pas d’avoir été volé.