Tableau de l’instruction primaire en France/6

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CHAPITRE VI.

MÉTHODES.

On reconnaît généralement pour la direction des écoles trois modes applicables. Ils sont désignés sous le nom de méthodes individuelle, simultanée, mutuelle. Cette division n’est peut-être pas très-rigoureuse. La méthode individuelle, et la méthode simultanée forment seules deux genres bien distincts : mais la méthode mutuelle n’est, à vrai dire, qu’une variété de la méthode simultanée ; de même que le mode bâtard qu’on décore du nom de méthode mixte, n’est rien autre chose qu’une transition encore informe de la méthode individuelle à la méthode simultanée.

La méthode individuelle consiste dans l’enseignement successif et isolé de tous les enfants qui composent l’école, pris à part.

La méthode simultanée consiste dans la division des élèves en un certain nombre de classes, d’après l’analogie de leur force. Ces classes, par un retour réglé, sont successivement soumises à l’examen et à l’enseignement du maître.

La méthode mutuelle, en créant, pour chaque classe, un maître pris parmi les enfants, auquel est confiée leur instruction, sous les yeux de l’instituteur, dispense celui-ci de tout enseignement direct.

Dans ces hybrides, que l’on appelle écoles mixtes, on adopte l’enseignement simultané pour une ou deux facultés, la lecture par exemple, et l’on retourne pour le reste au mode individuel : nous ne reviendrons plus sur cet enseignement malheureux, qui n’est le plus souvent qu’un leurre présenté par le maître pour faire croire qu’il pratique la méthode simultanée qu’il ne connaît pas (293).

Nous ne nous étendrons pas ici sur les divers procédés des méthodes mutuelle et simultanée ; les personnes qui voudraient en étudier le mécanisme pourront le faire utilement dans les manuels spéciaux, publiés récemment à ce sujet[1] (294).

Quelle est la meilleure de ces trois méthodes ? Il y a quelques années, c’est une question qui eût soulevé bien des tempêtes. D’abord, la méthode individuelle ne trouvait pas un défenseur ; et, quant aux deux autres, l’opinion politique qui s’en était emparée comme de toute chose, ne vous laissait pas la liberté du choix ; vous étiez libéral, et par conséquent partisan de l’enseignement mutuel ; ou bien vous souteniez l’enseignement simultané, et dès lors, vous étiez un ultra, comme les Frères de la doctrine chrétienne. Aujourd’hui, nous croyons le temps arrivé où l’on peut dire impunément la vérité sur toutes ces sortes de choses, et d’ailleurs, nous espérons le faire avec assez de convenance pour que personne ne soit en droit de s’en trouver offensé.

L’enseignement individuel a été proscrit : je dis proscrit, et des comités lui ont déclaré si rude guerre, l’ont traqué si vivement dans leurs confins, ont tellement terrifié les instituteurs par leurs injonctions et leurs menaces, que presque toutes les écoles sont devenues, du jour au lendemain, ou mutuelles ou simultanées, et nous avons vu de très-honnêtes gens se frotter les mains et s’applaudir devant nous d’avoir banni le mode individuel d’une école de huit ou dix enfants que nous avions sous les yeux.

Ces personnes faisaient là, à très-bonne intention, une amélioration très-mauvaise. Quand le mode individuel ne vaut-il rien ? Aussitôt que le simultané devient possible. Quand le mode mutuel est-il préférable ? Aussitôt que le simultané n’est plus possible. Une école simultanée de dix élèves est une plaisanterie : une école mutuelle de vingt élèves est une dérision. Divisez donc dix élèves en cinq classes, dont chacune aura un premier de table. Découpez donc une école de vingt élèves en huit classes dont chacune aura son moniteur. Réduite à ces termes, la question est bien simple : il suffit, pour déterminer sa préférence, d’examiner le nombre des enfants qui peuvent fréquenter l’école : la méthode est par là tout indiquée (295).

Que si, indépendamment de toute circonstance d’application, on demande théoriquement quel est le meilleur principe de ceux qui font la base du mode individuel, du mode simultané, du mode mutuel, voici notre réponse :

L’enseignement individuel est en principe le meilleur. Quand un maître concentre sur un seul enfant toute la force de son attention, qu’il étudie ses dispositions naturelles, son caractère particulier, pour y approprier son enseignement, il a bien plus de chances de succès que lorsqu’il disperse ses soins sur des collections d’enfants appelées classes ou divisions (296). Mais, aussitôt, que le nombre des enfants confiés à un maître devient si considérable que le temps même ne lui suffit plus pour donner à chaque élève les soins nécessaires, le mérite qui lui assurait, selon nous, l’avantage sur les autres, n’existe plus, le maître ne pouvant se multiplier assez pour se donner tout entier à l’instruction de tous.

Alors, faute de mieux, il est nécessaire qu’il imagine une combinaison économique pour ménager son temps et ses soins, de telle sorte que toute sa classe en profite. C’est alors que la méthode simultanée vient à son secours. Vos trente élèves, dit-elle au maître, à raison de six heures de classe par jour, ne pouvaient avoir tour-à-tour que dix minutes de leçon, et en deux fois : ces cinq minutes sont évidemment trop peu de chose, pour leur permettre quelques progrès. Dans ce nombre d’enfants, il y en a qui savent à peu près lire de la même manière, qui ont commencé ensemble à écrire ; faites en des groupes peu nombreux, cinq divisions par exemple : assignez leur des lectures en commun, des travaux pareils, etc.. Vous ne pouviez trouver en votre personne un maître pour chaque enfant, et par ce moyen, vous aurez amené vos trente élèves à n’en plus représenter que six. Ce que votre enseignement aura perdu à ne plus s’adresser spécialement à chaque individu, il le retrouvera dans une force nouvelle créée par cette combinaison, l’émulation.

Dans ce système, il n’est point nécessaire que tous les enfants qui composent une division soient examinés chaque fois ; ceux qui n’auront pas été interrogés par le maître n’en auront pas moins profité des questions adressées à leurs camarades, des réponses faites par eux, de la comparaison des devoirs bons et mauvais, et, d’ailleurs, sans trop se reposer sur de pareils aides, l’instituteur peut encourager les premiers de table en leur laissant le soin de corriger ceux que le temps n’a pas permis au maître d’examiner lui-même.

Mais, il peut arriver un moment où la méthode simultanée à son tour devient insuffisante, et où le maître se trouve dans le même embarras qui lui a fait déserter le mode individuel. Qu’au lieu de soixante élèves il en ait cent à conduire. Le nombre de ceux qui composent chaque division s’étant considérablement accru, sans que la durée des classes ait pu s’accroître, il s’ensuit que les élèves qui passaient tous auparavant une fois tous les jours sous les yeux du maître, n’y seront plus appelés que tous les deux jours : en un mot, l’action de l’instituteur sur chaque enfant s’éloigne, son enseignement perd de sa force. C’est alors qu’en désespoir de cause il s’adresse à l’enseignement mutuel.

L’enseignement mutuel, poussé au degré de perfection dans les détails où l’ont porté les efforts vraiment louables de la société pour l’enseignement élémentaire est une des mécaniques les plus ingénieuses qui aient jamais été appliquées à l’instruction de l’enfance. L’amateur qui se promène dans une école dirigée par ce mode d’enseignement, est émerveillé de ces évolutions précises, de ces marches et contremarches dont le principal mérite n’est pas de satisfaire ses yeux, mais d’assujettir à une règle la vivacité capricieuse des enfants, d’occuper leur activité physique et intellectuelle par le retour régulier des divers exercices dont se compose chaque classe ; mais, si le curieux se retire charmé d’un pareil spectacle, et se hâte de déposer sur le registre, en sortant, le témoignage obligé de son admiration, le visiteur sérieux qui, étudiant tous les procédés de cet enseignement, le manuel à la main, a pu observer avec quel art les inconvénients ont été prévus et évités, l’ordre établi, le cadre rempli, les minutes comptées, la besogne tracée au maître, ne rend pas dans son cœur un hommage moins sincère aux efforts généreux des premiers protecteurs de cette méthode. Car, il ne faut pas croire qu’elle ait été pratiquée aussi parfaite depuis quelques mille ans dans l’Inde, où Bell la vit en exercice dans les écoles du pays. Et, depuis Lancaster, bien des modifications importantes sont devenues nécessaires avant d’opérer cet ensemble qui fait marcher une classe de quatre ou cinq cents enfants comme un seul homme bien discipliné.

Quatre ou cinq cents enfants sous un seul maître ! on est tenté de crier au miracle : comment un maître peut-il répartir entre cinq cents élèves son instruction quelque avancée qu’on la suppose ? Comment établir dans cette armée le silence et entretenir l’attention nécessaire pour profiter de ses leçons ? Quels progrès attendre d’un enseignement noyé dans ce déluge d’enfants ? C’est là le mérite de l’enseignement mutuel. Un seul maître suffit à une école nombreuse ; il ne faudrait pas non plus exagérer cet avantage en surchargeant sa responsabilité d’un nombre infini d’élèves ; mais, en général il vaut mieux, dans l’intérêt même des études, que l’école soit drue et les bancs bien garnis. Les progrès seront moins sensibles avec cent élèves qu’avec deux cents. Un autre mérite, plus grand encore à nos yeux, de cette méthode, c’est que, grâce à la prévoyance du règlement qui n’omet aucun détail, il n’est point nécessaire que le maître soit un homme supérieur, ni très-instruit, ni très-habile ; mais ferme seulement, et qui mette autant de conscience à suivre lui-même ses instructions, que d’exactitude à les faire pratiquer de point en point dans l’école. S’il fallait un degré de capacité peu commun pour tenir une école d’enseignement mutuel, la méthode en deviendrait plus difficile à mettre en pratique : on devrait y regarder à deux fois, avant de confier la destinée d’un établissement fort coûteux à un maître dont l’inexpérience peut le mettre en péril, ou à son successeur, si le premier n’est pas bien remplacé. Mais ici, tout est prévu d’avance, et l’instituteur n’a pas un coup de sifflet à donner que vous ne puissiez lire dans son guide-âne. On a quelquefois reproché aux instructions imposées à l’instituteur d’être trop minutieuses, trop tyranniques, de le réduire au rôle d’un automate. On ne saurait assez louer en cela la sagesse des hommes qui ont écrit ce code. C’est faute d’en suivre exactement les lois que l’enseignement mutuel ne prospère pas toujours. L’instituteur qui se sent loin des yeux de ses surveillants, et qui sait que dans sa province, pas un homme peut-être ne connaît le mécanisme intérieur de son enseignement, se laisse aller à une négligence qui lui est douce : il ne garde de la méthode mutuelle que son extérieur pour ainsi dire : l’école languit, les résultats sont mauvais (297). On ne sait à qui s’en prendre ; car enfin, on a bien une école mutuelle, on le croit du moins : tout ne se passe-t-il pas visiblement selon l’ordre habituel ? Le coup de sifflet donné, les enfants se mettent en marche, ils se promènent en chantant comme à l’ordinaire ; les télégraphes sont tournés avec exactitude, et le moniteur de chaque cercle fait bien mouvoir sur le tableau de lecture sa baguette de commandement. Le principe du mal, c’est que l’instituteur a voulu cesser de jouer son véritable rôle, soit que l’ennui l’ait pris de s’assujettir à un ordre rigoureux ; soit qu’il ait eu l’amour-propre d’innover à son tour (298).

Aussi, quand on voudra que l’enseignement, même simultané, ne soit pas une attrape grossière, il faudra exiger que les instituteurs qui le pratiquent, s’assujettissent de même à une régularité minutieuse, qu’ils observent sans relâche toutes les instructions reçues, et c’est l’esprit qui a aussi inspiré aux auteurs du Manuel complet de l’instruction simultanée, ces divisions précises, ce partage rigoureux du temps, cette distribution des travaux, qui seuls, peuvent servir de guide à l’instituteur pour son enseignement, aux inspecteurs et aux comités pour leur surveillance.

En vain, sur les tableaux les plus authentiques, les plus officiels, lisez-vous que l’on compte en France, tant d’écoles mutuelles, tant d’écoles simultanées. Affirmez hardiment qu’il n’en est rien ; que, le plus souvent, les comités qui ont transmis ces renseignements, que les inspecteurs novices qui les ont recueillis, n’avaient pas la connaissance de ces méthodes, et qu’ils n’en ont pu juger que les apparences. Quelle est votre méthode, a-t-on dit, en entrant, à l’instituteur ? Il s’est bien gardé de répondre qu’il n’en connaissait pas d’autre que la méthode individuelle : il savait assez qu’elle n’était pas en bonne odeur, et il a répondu avec une assurance imperturbable mutuelle ou simultanée. La méthode mutuelle, frappant tout de suite les yeux par des apparences qui lui sont propres, par une disposition matérielle qui la distingue, l’instituteur n’aura pas espéré de tromper si grossièrement son inspecteur, en annonçant l’enseignement mutuel là où il n’y avait pas même un tableau noir (299) ; mais l’enseignement simultané n’exigeant pas un appareil aussi visible, presque tous les maîtres, sans rien changer à leur méthode, se sont réveillés un matin simultanés (300). Le plus souvent ils ignorent cette méthode (301), et, j’oserais dire, que la plupart ne connaissent pas même le sens du mot (302). Les uns vous diront qu’ils font lire simultanément tous les enfants l’un après l’autre, les autres, pour vous donner un échantillon de leur savoir-faire, vous feront lire simultanément les quarante enfants de leur école, et jouiront avec orgueil du plaisir qu’ils vous procurent par ce tintamarre insensé (303).

Presque toutes les écoles sont individuelles (304) et, le mal ne serait pas grand, si elles étaient toutes bornées à un très-petit nombre d’enfants, qui ne comporte pas d’autres méthodes ; mais, comme en hiver surtout, et dans les villes, en toute saison, les écoliers sont assez nombreux pour exiger un autre mode d’enseignement, on a raison de poursuivre à outrance cette malheureuse routine, partout où elle peut être utilement remplacée.

Elle ne peut l’être encore partout.

Bien des obstacles souvent s’opposent à ce qu’on lui substitue l’enseignement mutuel.

Je parlerai peu des préjugés qu’avec le temps on peut vaincre (305). La répugnance du clergé, pour l’établissement de ces écoles, n’était pas sans quelque fondement (306). Protégée par une opinion politique directement contraire aux prétentions ambitieuses qu’on soupçonnait alors dans le clergé, la méthode mutuelle ne s’est pas présentée avec les promesses de garantie religieuse que devaient demander l’Église et les familles. Les instituteurs, pourvus du brevet de capacité, délivré alors au nom de la société, n’avaient souvent aucune instruction des choses de la religion. On affectait même de ne point les examiner sur ces questions, et on ne prétendait répondre en rien de leur moralité. De là, des choix quelquefois malheureux qui ont compromis le succès de la méthode ; mais, quand il sera bien prouvé que l’enseignement mutuel n’est d’aucun parti, d’aucune secte, que c’est un mode d’instruction qui peut se plier à toutes les formes sociales ; quand les ministres de la religion verront qu’on y chante, comme ailleurs, des cantiques pieux (307), que le catéchisme n’y est pas enseigné avec moins de soin que dans les autres écoles (308), que le maître n’en témoigne pas moins de respect pour l’église et pour son curé, pourquoi lui préférerait-on des confréries, dont tout l’avantage était de donner ces garanties qu’il offrira comme elles (309) ?

Alors aussi, les populations des campagnes ne s’en feront plus un épouvantail : elles se familiariseront tout doucement avec des écoles du diable (310) : elles ne se révolteront plus à l’idée qu’on fait marcher leurs enfants en les sifflant comme des chiens (311). Ou plutôt, s’il ne faut pas s’attendre que les communes rurales adoptent jamais ce mode d’enseignement, ce sera du moins par des motifs plus raisonnables.

1o Tout le monde sait que la prospérité d’une école mutuelle, tient essentiellement à la bonne composition des moniteurs, et, si le maître n’avait pas l’attention de consacrer, chaque jour, à l’instruction des moniteurs, une classe particulière, il manquerait à son premier devoir. Il faut donc attacher les moniteurs à l’école, et, dans les grandes villes, on en a si bien senti la nécessité, qu’on les a quelquefois payés, pour pouvoir compter davantage sur leur exactitude. Or, les moniteurs devant être choisis parmi les élèves de l’école les plus instruits, sont naturellement les plus grands, les plus forts, ceux dont les parents attendent le plus impatiemment le secours. Ce sont les premiers à quitter l’école pour prendre part aux travaux des champs (312) : une fois qu’ils ont donné le signal, l’école est désorganisée, et ne peut plus conserver la même forme : nous ne serions pas étonnés, que souvent une école, mutuelle pendant l’hiver, fût obligée de devenir individuelle, ou simultanée, pendant l’été (313).

2o À peu d’exceptions près, une commune rurale ne peut fournir à l’école mutuelle une population d’enfants suffisante.

3o Dans la plupart des communes rurales, longtemps encore, les filles seront réunies avec les garçons, pour recevoir en commun, l’enseignement de l’instituteur communal, et les exercices de la méthode mutuelle ne leur conviennent pas. Ce n’est pas que nous leur refusions l’agilité et la souplesse nécessaires pour rivaliser de précision dans les mouvements, avec leurs compagnons : nous avons vu de nos yeux la preuve du contraire ; mais, il y a dans cette gymnastique si raide et dans ces manœuvres toutes viriles, quelque chose qui contraste singulièrement avec la grâce et la décence de leur sexe. C’est un spectacle à faire mal au cœur, que de voir, au coup de sifflet du maître, des jeunes filles cracher dans leurs doigts pour essuyer l’ardoise ; je sais bien que cette habitude n’est pas beaucoup plus honnête chez les garçons, et qu’il vaudrait mieux leur imposer le petit bourrelet de lisière ou de cuir, qui doit servir à cet usage ; mais, c’est encore un soin qu’on n’obtiendra pas de long-temps dans les campagnes, où la malpropreté des maîtres encourage et justifie celle des enfants (314). Des raisons plus graves de bienséance peuvent encore être alléguées. Rien de plus déplaisant, que de voir ces jupons courts de la campagne enjamber les bancs, au signal donné, et, une jeune fille, déjà grandelette, toute fière d’exercer la dignité de moniteur, monter vivement auprès du télégraphe, pendant que sa petite troupe vient à ses pieds, l’œil curieux et l’esprit distrait, exécuter la fin de la manœuvre (315). Je n’oserais donc trop espérer de l’enseignement mutuel, pour la régénération de l’instruction primaire dans les campagnes. Le grand développement qu’il exige, l’étalage de matériel et de mobilier qui lui est nécessaire, le grand concours d’enfants, sans lequel il ne peut devenir florissant, le destinent surtout aux villes dont les sacrifices ne sauraient être suffisants pour entretenir un nombre d’écoles simultanées proportionné aux besoins de leur population, ou qui voudront la mettre aux prises avec les méthodes rivales pour les animer à de nouveaux succès. Il est certain que, dans ce cas, la méthode mutuelle est une méthode économique par excellence : c’est elle qui a le mieux résolu ce problème, donner l’instruction la moins dispendieuse au plus grand nombre d’enfants possible.

On a fait à l’enseignement mutuel des reproches graves, et qu’il ne nous est pas permis de dissimuler. Cette méthode, a-t-on dit, peut produire, pour la partie mécanique de l’instruction primaire, des résultats assez bons : la lecture, l’écriture, le calcul pratique sont bien de sa compétence ; mais, aussitôt qu’il s’agit de communiquer aux enfants des connaissances qui demandent un travail de l’intelligence, l’application des règles de la grammaire, la théorie des opérations de l’arithmétique, il ne faut plus compter sur elle.

Il est vrai que, jusqu’à présent, les épreuves ont été plus favorables à l’enseignement mutuel dans les facultés où les yeux et la mémoire sont mis seuls en exercice. Nous croyons encore que l’enseignement direct du maître, dans les autres méthodes, est plus flexible, plus puissant, plus intelligent pour mettre en mouvement les facultés d’esprit de l’enfant, que cette transmission d’autorité déléguée par ricochet, de l’instituteur au moniteur général, du moniteur général aux moniteurs de classe, qui ne seront toujours que des enfants enseignant d’autres enfants.

Mais, on a bien exagéré la chose : à juger la méthode par les bonnes écoles qui la pratiquent, rien n’a donné le droit dans les résultats de conclure au mépris, comme on l’a fait dans l’Allemagne et dans quelques cantons de la Suisse. Toutes les fois que l’enseignement simultané proprement dit est possible, nous préférons l’enseignement simultané, mais nous sommes convaincu que l’enseignement mutuel, tel qu’il est, est fort capable de donner au peuple une instruction suffisante, et les améliorations apportées dans les anciens tableaux en rendent tous les jours le bienfait plus efficace.

La méthode simultanée est dans les conditions les plus favorables pour satisfaire au vœu des amis de l’instruction primaire, et la répandre dans toute la France (316). Mais, combien d’obstacles encore à vaincre ! ici l’inexactitude des élèves trouble la distribution des heures (317) ; plus loin, cette méthode effraie la routine (318) ; là, elle partage avec l’enseignement mutuel le reproche de n’être qu’un moyen inventé par la paresse du maître pour se reposer sur ses élèves les plus forts d’une partie de sa besogne (319) ; partout elle échoue contre la nécessité de mettre entre les mains des enfants des livres uniformes (320). Les pauvres (321) ne peuvent pas, les riches (322) ne veulent pas en faire les frais.

Chaque chaumière un peu aisée a sa bibliothèque. Ordinairement elle se compose d’un livre héréditaire, accoutumé à faire le chemin de l’école, entre les mains de cinq ou six générations successives (323). Il n’en est pas meilleur pour cela, ni l’orthographe plus moderne : mais enfin, il a le mérite d’être encore lisible par endroits, et d’épargner les cinquante centimes que pourrait coûter son successeur. Dans l’intérêt de nos écoles, je donnerais volontiers à quelque spéculateur d’antiquités, une idée qui n’a pas encore été mise à profit, je pense : un amateur qui se rendrait de village en village, offrant aux familles des alphabets ou des Maître-Pierre de fraîche date, en échange des vieilleries typographiques et littéraires qu’elles possèdent, rapporterait de son pèlerinage des curiosités qui paieraient bien sa peine. Il y a là une mine de bouquins à exploiter.

Telle est donc l’avarice des uns, la misère des autres, que bien des inspecteurs désespèrent de voir la méthode simultanée s’établir, si le gouvernement ne fait distribuer gratuitement des livres à tous les indigents admis dans les écoles (324), et que les parents refusent d’y envoyer leurs enfants, à la condition d’acheter le livre désigné par le maître (325). Il y en a qui font pis encore ; et, telle commune a refusé pour instituteur communal un homme pourvu d’un brevet du premier degré, parce qu’on craignait, qu’à raison de son instruction, il n’introduisît une méthode qui les constituerait en frais (326). Le coût, comme ils disent, en fait passer le goût. Servitude humiliante pour les instituteurs, pour ceux du moins qui le sentent, et qui, dans l’alternative d’adopter un mode mauvais ou de manquer d’élèves, finissent par se décider à regret pour la méthode qui les fera vivre (327). Car, on se fait à peine une idée du despotisme à la fois ignorant et brutal dont ils sont quelque fois victimes (328). Tel instituteur s’est vu reprocher comme un crime de se délasser le soir à jouer de la flûte (329). Tel autre, devenu suspect par des lectures dont il charmait ses promenades, a été obligé de quitter la commune, s’il n’y voulait laisser ses grègues ; il aurait été lapidé comme sorcier : un Virgile était cependant tout son grimoire (330).

Je regrette que l’on ait donné, par abus, le nom de méthodes à l’ensemble systématique des procédés d’enseignement qui distinguent ces deux modes. Mais elles sont désormais reçues dans la langue, il y aurait de l’affectation à leur disputer leur nom. Toutefois, on conçoit qu’indépendamment de cet instrument pédagogique, il y a dans l’enseignement de chaque science une marche progressive et graduée qui est proprement la méthode, et c’est celle-là surtout que nous nous plaignons de voir entièrement méconnue dans les écoles.

Un bon manuel d’enseignement mutuel ou simultané, étudié consciencieusement par le maître, l’aura mis à même en peu de temps de pratiquer aussi bien que personne la règle imposée : mais, la méthode qu’il doit suivre pour préparer son école aux difficultés, pour les graduer, les varier, les aplanir, il ne l’apprendra nulle part. L’observation attentive du progrès de sa classe, des dispositions de ses élèves, de leur caractère, pourra seule lui servir de guide. C’est à elle à lui enseigner comment il doit hâter, ralentir, modérer sa marche, insister sur tel point, franchir rapidement tels intermédiaires. C’est ici que l’instituteur reprend son libre arbitre : autant j’ai voulu le voir enchaîné et captif dans les liens étroits d’un règlement rigoureux pour l’ordre et la succession des diverses études, pour la répartition du temps, autant je veux qu’ici on s’en abandonne à son tact et à son expérience. Il faut que l’action des comités et des inspecteurs se borne seulement à bien s’assurer qu’il s’est en effet créé une méthode judicieuse, et qu’il la pratique avec persévérance. C’est là-dessus que j’appellerais volontiers l’attention des professeurs dans les écoles normales primaires, car la question des méthodes est encore entière dans les écoles.

S’agit-il de donner l’instruction morale et religieuse, on met entre les mains de l’enfant le catéchisme du diocèse : il l’apprend, le récite, et tout est dit. Les plus scrupuleux y joignent, par forme de supplément, une épellation de quelques lignes dans la vie de Jésus-Christ, ou dans l’histoire sainte, mais sans aucune explication (331).

Pour la lecture, les uns ignorent même qu’il y ait d’autres méthodes possibles que l’épellation. Nous ne discuterons pas ici le mérite et la supériorité des divers systèmes, nous ne nous prononcerons même pas sur l’avantage du principe substitué généralement aujourd’hui à l’ancien assemblage des lettres (332). Nous ne voulons point juger entre la Citolégie de M. Dupont (333), les ingénieux essais de M. Maître, le Nouveau Viard, et l’Alphabet universitaire. Nous disons seulement que le devoir d’un instituteur est de les connaître, de les comparer ; il reviendra, s’il veut, après mûr examen, à ses habitudes d’autrefois, mais au moins on ne pourra lui reprocher de conserver par ignorance une méthode qu’il aura préférée par conviction (334). Voici, par exemple, un usage que l’on s’accorde à trouver pernicieux, et qui n’en subsiste pas moins dans bien des provinces. Au lieu de rendre moins fastidieux à l’enfant les premiers ennuis de la lecture, en faisant au moins sonner à son oreille des mots français dont il peut saisir le sens, on commence tout de suite par lui faire lire des psaumes latins (335). Entre autres inconvénients qu’on y trouve, on a cru remarquer que les enfants ainsi commencés ont ensuite une peine infinie à donner aux e français leur véritable valeur dans la lecture, accoutumés qu’ils ont été d’abord à prononcer toujours fermé l’e latin (336).

Il faut pourtant éviter avec grand soin toutes les habitudes qui peuvent fausser la prononciation (337) ; elle est déjà si défectueuse dans les campagnes, que les instituteurs ne sauraient mettre trop de soin à la réformer. Quand les enfants quitteront l’école, ils ne trouveront que trop d’occasions de retomber dans les défauts signalés. L’exemple de leurs familles, les railleries dont on ne manquera pas d’attaquer leur affectation à parler bourgeois, leur feront perdre en partie le fruit des bons conseils du maître (338) ; mais il leur restera toujours quelque vestige de leur première éducation. Aussi, avons nous regretté de ne pas trouver indiqués d’une manière plus précise les défauts de prononciation remarqués par chaque inspecteur dans sa tournée : Ceux qui sont maintenant affectés au service spécial des départements, feront bien d’en dresser une liste complète, et de la communiquer aux instituteurs pour qu’ils les combattent dans leurs écoles (339).

La réunion de ces erreurs de prononciation présenterait de plus une étude intéressante aux personnes qui s’occupent de la formation de la langue française. Je suis convaincu que les différences nombreuses observées partout non-seulement dans l’accent, mais dans les inflexions du son et particulièrement des désinences, mettraient souvent sur la trace des idiomes divers parlés par chaque peuplade des Gaules, au moment de leur réunion à la langue commune. J’en dirais autant des mots et des locutions de pays qu’il ferait bon recueillir pour ne point les perdre. Le temps détruit tous les jours ces ruines. Les rapports plus fréquents du citadin et du propriétaire avec les journaliers et les paysans épureront insensiblement leur langage : l’instituteur est mieux placé que personne pour hâter ce progrès, comme aussi pour recueillir ces derniers soupirs des langues qui ne sont plus : et, qu’on me passe ce paradoxe, pour l’étude des origines de la nôtre, il y a peut-être moins à profiter aujourd’hui dans les chartes de nos souverains où on les cherche, que dans le jargon du paysan qu’on néglige.

L’usage pratiqué dans les campagnes de ne faire lire l’écriture que dans des contrats ordinairement de la main du même tabellion, et d’une date fort ancienne, retarde aussi les progrès. Les manuscrits lithographiés, surtout quand ils reproduisent un choix d’écritures variées avec discernement, sont infiniment préférables (340). Ils accoutument l’élève à pouvoir aisément lire des lettres de toute main, et, quand on a eu soin de choisir pour les lithographier des sujets d’utilité réelle, ces cahiers ont encore ce précieux avantage sur les contrats qui ne laissaient dans la mémoire des enfants, avec une orthographe vicieuse ou surannée, que des termes de pratique demi-barbares, et peut être en germe le goût de la chicane. Un de nos amis[2] a même eu l’heureuse idée de faire imprimer sous cette forme l’histoire nationale de l’arrondissement auquel il destinait ses manuscrits. Peut-être seulement n’a-t-on pas assez ménagé jusqu’ici la prédilection des gens de campagne pour leurs vieux contrats (341) ; il est certainement utile aussi à l’enfant de se familiariser avec la lecture des titres de propriété, de partage, etc., et il serait facile de concilier cette exigence des familles avec les améliorations proposées, en consacrant un de ces cahiers à l’imitation des anciens actes notariés (342).

L’écriture, dans les écoles où elle existe (343) n’est généralement pas la faculté d’enseignement la plus négligée (344). La facilité de se procurer à peu de frais de bons modèles, quand la main du maître n’est pas assez exercée pour les faire lui-même (345), et surtout le goût et l’aptitude des enfants pour les arts graphiques expliquent naturellement ce fait, qui peut avoir encore une raison dans la négligence de l’instituteur. Pendant que les enfants écrivent leur page, le maître, peut à son choix, lire, dormir, ou bêcher son jardin et il n’est pas étonnant qu’il se sente tenté de prolonger volontiers et de renouveler souvent ce genre d’exercice. On pourrait seulement désirer qu’au lieu de cette écriture appliquée, on leur fît prendre de temps en temps, l’habitude d’une écriture courante, qui leur manque entièrement, et qui peut cependant leur devenir utile (346).

Il est surtout important d’abolir un usage funeste adopté dans un grand nombre de provinces. L’instituteur a plusieurs prix différents. La lecture, forme la rétribution la plus modeste sur son tarif, mais l’écriture élève déjà le prix d’écolage : quand il s’agit du calcul et de la grammaire, c’est un nouveau marché à conclure. Qu’arrive-t-il de là ? Les familles se disent, en envoyant leur enfant à l’école : qu’il apprenne à lire, nous verrons plus tard pour l’écriture (347). Tous ces petits malheureux sont donc obligés de passer, le nez collé sur leur croix de Jésus, les six heures de classe de la journée, sans aucun profit pour leur instruction ; et il eût bien mieux valu employer à leur faire tracer quelques lettres le temps qu’ils ont perdu à faire semblant de préparer la leçon de lecture. On sent d’ailleurs combien ce retard est préjudiciable à leurs études, en même temps qu’il les accoutume à une inertie d’esprit vraiment fatale. Ajoutez que cette distinction en lecteurs et en écrivains rend encore plus difficile l’emploi de la méthode simultanée.

Je suis étonné de voir, qu’aujourd’hui, lorsqu’il est devenu palpable pour les esprits les plus sceptiques qu’un enfant n’a qu’à gagner à faire marcher de front ces deux branches d’instruction, tant de conseils municipaux aient encore consacré, par une différence de prix, cette singulière hiérarchie. Il semble qu’il faille commencer par apprendre à lire avant d’oser aspirer à prendre la plume, comme il faut être soldat avant de porter l’épaulette : aux yeux des parents, l’enfant qui écrit (348) a passé caporal, et c’est pour eux une espèce d’anarchie que de mêler ainsi tous les grades.

Quand une fois on aura fixé un prix unique pour recevoir à l’école l’instruction primaire dans toute la compréhension du mot, on ne verra plus autant d’enfants se contenter d’apprendre à lire, parce que leurs moyens ne leur ont pas permis d’aller jusqu’à l’écriture. On voit donc que ce préjugé puéril, d’ailleurs facile à vaincre, vaut pourtant la peine qu’on s’en occupe, puisque les effets en sont directement contraires à l’extension donnée par la loi à l’instruction primaire (349).

Le calcul, ordinairement nul (350), est toujours mal enseigné (351). Vous trouvez des enfants qui opèrent passablement sur une multiplication, et qui ne peuvent écrire un nombre de trois chiffres (352). Dans tous les cas, il ne faut pas demander une explication : car cette partie de leur instruction qui offrirait l’occasion naturelle de développer chez eux les premiers éléments du raisonnement, est au contraire bornée à une pratique toute mécanique. Le système décimal est inconnu (353). On peut en dire autant du système métrique (354), à l’exception de quelques écoles où l’on a résolu la difficulté en mettant sous les yeux et entre les mains des élèves, des modèles de mesures et de poids légaux dont le maniement journalier leur rend cette connaissance sensible et familière (355).

La grammaire n’est pas mieux accueillie. Il est telle école où on n’en avait pas vu trace depuis quinze ans (356), et d’autres où les maîtres de pension du chef-lieu ne permettaient pas à l’instituteur de s’élever à cet enseignement (357). D’ailleurs, c’est comme le calcul, un casse-tête, que les parents, par une tendresse mal entendue, veulent épargner à leurs enfants (358) ; et puis, le pain de chaque jour est nécessaire, mais la grammaire ne l’est pas (359). Enfin, il est vrai que la manière dont on l’enseignerait laisse peu de regrets. Les maîtres qui se piquent de la faire connaître dans leur école, se contentent, comme pour le catéchisme, d’une récitation que l’élève ne comprend pas, mais ils n’expliquent pas le sens des termes, et négligent toute application des règles (360). Que dirai-je de la géographie ? Des enfants, interrogés dans les écoles sur le pays qu’ils habitaient, ont été fort étonnés d’apprendre qu’ils étaient Français (361). Nous avons lu pourtant avec une surprise mêlée d’un sentiment de plaisir, que l’arpentage était en honneur dans quelques communes de la Charente-Inférieure et des Vosges (362). Mais, cette branche d’enseignement (363), aussi bien que le dessin linéaire et la musique, sont d’ailleurs réservés pour les écoles du 1er degré ; encore n’y sont-ils pas très-florissants (364).





  1. Manuel complet de l’enseignement simultané et Manuel de l’enseignement mutuel. Imprimerie et librairie de Paul Dupont et comp., rue de Grenelle-Saint-Honoré, 55, Paris.
  2. M. Galeron, procureur du Roi, à Falaise.



Aisne ; arr. de Laon, cant. de Marle. — Le matériel des classes de la plupart des communes est nul. J’ai recommandé partout que l’instituteur s’y procurât des modèles, un tableau noir, etc., etc. Leur méthode d’enseignement est également très-faible ; ils la nomment simultanée, mais, à l’exception de ceux que j’ai déjà cités, c’est la méthode individuelle et pas autre chose. Les livres sont également fort rares dans beaucoup d’écoles.

Ardennes ; arr. de Vouziers, cant. de Charne. — Dans ce canton, comme dans les autres cantons de l’arrondissement, le mode simultané est suivi pour l’enseignement de la lecture, et le mode individuel pour l’enseignement du calcul.

Aube ; arr. de Bar-sur-Aube, cant. de Vandeuvres. — C’est toujours la vieille routine individuelle qui est en vigueur ; elle n’a de simultané que le nom, puisque les livres ne sont pas uniformes.

Aude ; arr. de Narbonne, cant. de Durban. — L’enseignement individuel est le plus généralement suivi dans ce canton ; l’enseignement simultané n’y est presque point connu.

Aude ; arr. de Narbonne, cant. de Lézignan. — Il n’y a qu’un simulacre d’enseignement mutuel chez M. Jalabert, à Lézignan. Toutes les autres écoles suivant imparfaitement l’enseignement simultané et généralement l’enseignement individuel.

Aude ; arr. de Narbonne, cant. de Sigean. — Il n’y a qu’un simulacre d’enseignement mutuel à Sigean, chez M. F..... Toutes les autres écoles suivent, à entendre les instituteurs, l’enseignement simultané ; mais la plupart des instituteurs ne connaissent cet enseignement que de nom, et ne suivent que l’enseignement individuel.

Bouches-de-Rhône ; arr. d’Arles, cant. d’Orgon et Eyguières. — L’enseignement individuel est à peu près le seul en usage dans ces écoles ; les maîtres, quoi qu’ils en disent, ne connaissent pas la méthode de l’enseignement simultané : point d’écoles mutuelles dans ces deux cantons. De là ce terme moyen de six années, que les parents, essentiellement agriculteurs, regardent avec effroi ; aussi, ils n’envoient pas leurs enfants aux écoles. C’est à peine si quelques-uns font ce sacrifice, pendant les mois d’hiver.

Charente ; arr. d’Angoulême, cant. de Saint-Amand-de-Boixe. — La méthode individuelle a été, jusqu’à présent, la seule suivie dans les communes rurales. Si dans quelques-unes on m’a accusé la méthode simultanée, ce n’est que cette année qu’elle a été mise en usage, et par essai : elle n’est pas encore bien comprise.

Eure ; arr. d’Évreux, cant. de Breteuil. — Les instituteurs, étrangers pour la plupart à la connaissance des méthodes perfectionnées, suivent un enseignement vicieux qu’ils appellent simultané, mais qui, en réalité, est individuel pour toutes les branches d’études, excepté pour la lecture. Encore n’y a-t-il de simultanéité pour cette dernière partie que lorsque les élèves lisent déjà couramment.

Eure ; arr. de Louviers, cant. de Gaillon. — Les écoles, où l’on paraît suivre un prétendu mode simultané, offrent, dans ce canton, comme dans les autres de cet arrondissement, un mélange bizarre d’enseignement simultané et individuel.

Eure-et-Loir ; arr. de Nogent-le-Rotrou, cant. de la Loupe. — La méthode simultanée est presque la seule en usage ; mais les nombreuses divisions que j’ai trouvées dans les écoles me paraissent la rapprocher trop de la méthode individuelle. D’ailleurs, dès que les élèves sont en état de lire dans l’écriture de main, ils ont tous des manuscrits différents, ce qui force les maîtres de les exercer les uns après les autres et de rentrer ainsi dans la méthode individuelle. D’un autre côté, ces manuscrits mal choisis (c’est presque toujours le contrat de mariage de leur père ou grand-père) ne peuvent rien leur apprendre, tandis qu’avec l’avantage de l’uniformité, ils trouveraient, dans les manuscrits publiés par M. Hachette, des notions utiles et amusantes.

Indre-et-Loire. — Les instituteurs n’ont, en général, qu’un degré d’instruction insuffisant ; mais, avant tout, ils manquent complètement de méthode ; plusieurs d’entre eux ignorent même la valeur de ce mot ; et tantôt ils répondent qu’ils enseignent par la méthode intellectuelle, voulant dire individuelle, tantôt que c’est par la mutuelle, puisque, continuent-ils, ils font lire les enfants dans la Bible.

Si vous avez des bancs garnis d’une image imparfaite de télégraphes, vous faites de l’enseignement mutuel, c’est-à-dire que les enfants se promènent dans la classe, en faisant le plus de bruit qu’ils peuvent avec leurs sabots. Si vous avez 5 ou 6 enfants, qui ont le même livre, et qui suivent ensemble pour la lecture, tout le reste de l’école, fût-il sans livres, vous faites alors de l’enseignement simultané.

Loir-et-Cher ; arr. de Blois, cant. de Blois et de Bracieux. — Quoique tous les instituteurs, en général, m’aient déclaré qu’ils employaient la méthode simultanée, j’ai acquis la certitude que la plupart d’entre eux ignorent ce qu’est cette méthode, et que l’enseignement individuel est, en réalité, celui qu’ils mettent en pratique.

Marne ; arr. d’Épernay. — La méthode est partout individuelle, bien que souvent les instituteurs prétendent enseigner simultanément.

Meuse ; arr. de Commercy. — Généralement le mode d’enseignement est décoré du titre de simultané, quoique ce ne soit à peu près que l’enseignement individuel. Car, comment concilier la pratique de ce mode avec le peu d’uniformité des livres admis dans les écoles.

Moselle ; arr. de Metz, cant. de Vigy. — Quant à la méthode simultanée, elle est donnée partout comme celle que l’on professe ; mais, dans la plus grande partie des écoles, elle ne fait que prêter son nom au misérable enseignement individuel qui y est enseigne. Cela tient : 1o à ce que la vraie méthode simultanée est ignorée par les maîtres ; 2o à ce qu’ils n’ont pas le signal qui est la condition sine quâ non de cette méthode ; 3o à l’insuffisance et au manque d’uniformité des livres.

Pas-de-Calais ; arr. de Montreuil, cant. de Montreuil — Non seulement la méthode simultanée est mal comprise, mais encore un trop grand nombre d’instituteurs la connaissent à peine de nom.

Aveyron ; arr. de Millau, cant. de Nant. — Dans ce canton, les maîtres d’école ont une idée de l’enseignement simultané ; leurs élèves font des progrès beaucoup plus rapides que partout ailleurs. Qu’il serait à souhaiter que l’autorité universitaire leur traçât la marche qu’ils doivent suivre, et mît à cet effet, entre leurs mains, un livre qui renfermât une méthode simple, claire et surtout applicable dans nos villages !

Moselle ; arr. de Sarreguemines. — Beaucoup d’instituteurs ignorent encore ou ne savent appliquer les bonnes méthodes d’enseignement, et suivent toujours les vieilles routines. Ils devraient avoir entre les mains un ouvrage fait pour eux, et dont l’acquisition leur fût imposée, qui leur traçât exactement la marche à suivre dans la tenue d’une école, qui les guidât non seulement dans l’emploi des méthodes, mais encore dans tous les exercices qu’elles exigent ; enfin un bon ouvrage de pédagogie, comme on en trouve dans toutes les écoles d’Allemagne.

Sarthe ; arr. de La Flèche, cant. de Lude. — J’ai remarqué qu’un grand nombre d’instituteurs, qui se servent de la méthode simultanée, la comprennent fort peu. Deux seulement la conduisent avec savoir et intelligence. Tous désirent l’apprendre et la connaître. Il n’y aurait qu’à leur envoyer les instructions nécessaires pour cela, et leur zèle et leur intelligence les auraient bientôt mis à portée de s’en servir utilement.

Somme ; arr. d’Abbeville, cant. de Moyenneville. — L’enseignement simultané est généralement mal compris. Les instituteurs auraient besoin d’instructions détaillées à ce sujet.

Vendée ; arr. de Bourbon-Vendée. — Pour remédier à l’incapacité des maîtres, il faudrait leur adresser à tous, comme je l’ai déjà dit, une instruction que ferait rédiger M. le Ministre, et qui leur ferait connaître, d’une manière claire et précise, les meilleures méthodes pour chaque partie de l’enseignement élémentaire, en leur indiquant les bons ouvrages à consulter pour de plus amples développements.

Bouches-du-Rhône ; arr. d’Aix. — Convaincu que le but de cette inspection était moins de constater les maux du passé, que de préparer le bien de l’avenir, je me suis attaché à répandre la méthode d’enseignement simultané, la seule possible avec des élèves peu nombreux.

Doubs ; arr. de Baume, cant. de Baume. — Sept instituteurs de ce canton pratiquent encore l’enseignement individuel ; j’espère que désormais on ne rencontrera plus ce mode, qui ne donne pas à espérer le moindre succès. Lorsque les conseils ne me paraissaient pas suffisants, je n’épargnais pas les menaces pour déterminer les maîtres à quitter leur routine.

Aude ; arr. de Narbonne, cant. de Coursan. — L’enseignement mutuel n’est établi que de nom, à C...., chez M. L....., et à G....., chez MM. B… et B.... Il n’y a ni cercle ni moniteurs ; ce n’est là que l’enseignement simultané imparfait, et presque partout renseignement individuel.

Calvados ; arr. de Bayeux, cant. de Bayeux. — Il est fâcheux que l’école d’enseignement mutuel, établie dans un local magnifique, pour lequel la ville de Bayeux n’a pas fait moins de 8,000 francs de dépenses, n’occupe pas le premier rang parmi ces diverses écoles. Elle est ouverte, il est vrai, à peine depuis une année : mais elle n’a point offert tous les résultats que l’on était en droit d’attendre pour ce temps. Dans le même intervalle, l’école des frères a présenté des améliorations sensibles.

Haute-Garonne ; arr. de Toulouse, cant. de Toulouse (nord). — Quoique fort épris du mode mutuel, qu’il a employé un des premiers à Toulouse, et qui a fait la réputation de son école, M. N.... ne se dissimule pas la faiblesse des résultats qu’il en obtient, parce qu’il a beaucoup de bon sens et de bonne foi. Lui ayant fait observer combien les élèves étaient peu avancés pour la partie théorique et raisonnée de la grammaire et du calcul, il me dit, presque confidentiellement, ce qu’il n’avait encore osé dire à personne, qu’il soupçonnait que le mode mutuel était impuissant pour cette partie de l’enseignement. Je l’ai mis fort à son aise en lui apprenant qu’un grand nombre de bons esprits étaient aujourd’hui de cet avis, tout en reconnaissant tout ce qu’il y a de beau et de bon dans cet ingénieux procédé, d’après lequel un seul maître peut suffire à quatre cents élèves, qui auraient besoin d’apprendre à lire, écrire et chiffrer.

Indre-et-Loire. — La constitution du système mutuel est, si j’ose le dire, moins robuste que celle de tout autre enseignement. Dans l’enseignement individuel ou simultané, le maître peut dire : l’école, c’est moi : dans l’enseignement mutuel, le maître doit dire : l’école, c’est moi et mon moniteur général, et chacun de mes seize moniteurs de classes multipliés par le nombre de facultés qui s’enseignent dans l’école. Qu’un de ces rouages vienne à manquer, une partie de la machine va mal. Même à Paris, où l’instituteur agit sur une masse si considérable que le choix lui devient bien plus facile, les moniteurs deviennent souvent un grand embarras. Ou bien ils sont retenus à la maison par quelque circonstance ; vite, il faut créer un moniteur supplémentaire : c’est la doublure de l’autre ; le banc ne sera pas si bien corrigé aujourd’hui. Ou bien les familles se plaignent que leurs enfants, employés comme moniteurs, sont sacrifiés à l’instruction des élèves moins avancés, et les retirent de bonne heure.

Haute-Marne ; arr. de Chaumont, cant. de Nogent. — Les écoles d’enseignement mutuel que j’ai visitées, ne répondent pas généralement à l’attente des parents, par la faute des maîtres.

Oise ; arr. de Beauvais, cant. de Chaumont. — Il existe, dans le canton, deux écoles d’enseignement mutuel, qui sont tenues si négligemment, que les communes se dégoûtent de ce mode d’enseignement.

Seine-Inférieure ; arr. de Dieppe, cant. d’Eu. — … Le comité et le conseil municipal croyaient de bonne foi avoir un enseignement mutuel : c’était la condition qu’avait imposée le conseil. Le maître avait, disait-il, été à Paris pour se faire recevoir maître de cet enseignement. Bref, le comité cantonnai avait lui-même vu opérer le maître, et s’était retiré, persuadé que la méthode mutuelle était appliquée à.., comme elle l’est dans les écoles modèles de Paris, si non, aussi bien et sur une aussi grande échelle, au moins dans le même genre. En effet, je vis, dans la grande et belle salle consacrée à cette école, des bancs et des tables portant, sur la droite, des signaux et les nombres I à VIII. Je fis alors le tour des tables, et je fus fort étonné de voir, dans la huitième classe, la plus élevée de toutes, dans le mode mutuel, des cahiers fort mal écrits, presque tous en gros. J’exprime mon étonnement qu’on eût placé dans la huitième classe des élèves qui devraient être tout au plus dans la troisième : « Ah ! Monsieur, me dit l’instituteur, j’avoue que je ne suis pas exactement la division de la société d’enseignement élémentaire ; j’ai même cru devoir prescrire, pour l’écriture, une méthode qui me paraît produire les résultats les plus satisfaisants. » Quoique je ne jugeasse pas les résultats aussi favorablement que l’instituteur lui-même, je me contentai de lui répondre qu’il avait toujours tort, à mon sens, de détruire l’unité et l’ensemble de la méthode mutuelle ; que l’écriture avait été divisée, comme la lecture, en plusieurs parties, et que les divers degrés de force devant se correspondre dans les deux enseignements, la suppression de l’un devait faire tort à l’autre. Je demandai alors à voir l’arithmétique : des cahiers me furent présentés, je sus que peu d’élèves savaient faire leurs chiffres, et que les plus avancés, ceux de la VIIIMe classe, faisaient à peine la soustraction. Nouvelles observations de ma part. Nouvel aveu du maître, qu’il avait cru devoir abandonner la marche des écoles mutuelles, pour appliquer une méthode à lui, dont il avait obtenu de bons résultats. Les résultats étaient aussi sous mes yeux, et n’étaient pas du tout propres à me convaincre de son impartialité sur ce point. Je demandai alors la grammaire et les tableaux publiés par la société. Il n’y en avait pas, et le maître fut obligé de me dire que trois ou quatre élèves au plus l’apprenaient ; enfin, il confessa qu’il avait beaucoup modifié la méthode mutuelle, et qu’il n’en avait conservé que l’enseignement de la lecture. C’était là que je l’attendais, je ne voyais pas un seul des tableaux publiés à diverses époques par la société, et il fut encore obligé de m’exhiber un tableau de voix et d’articulations qu’il faisait apprendre à ses élèves ; il avoua enfin que son école n’était mutuelle que parce que les enfants s’instruisaient les uns les autres ; c’est-à-dire qu’il se déchargeait tout bonnement sur eux de la peine que lui eût donnée l’instruction individuelle ou simultanée de la classe.

Ardennes ; an. de Rocroy, cant. de Rumigny. — La plupart des maires prétendent même que les ressources de leur commune ne permettent pas de procurer à l’école une planche noire.

Hautes-Alpes. — Les instituteurs prétendent tous avoir adopté la méthode d’enseignement simultané ; mais j’ai eu lieu de me convaincre qu’ils ne suivent qu’une vieille routine, et que l’enseignement est partout individuel.

En un mot, ma visite m’a fait sentir plus vivement que jamais le bienfait de l’établissement de l’école normale à Barcelonnette.

Ardennes ; arr. de Mézières, cant. de Flize. — En général, les instituteurs sont encore esclaves de la routine, et ils ne savent pas tirer de la méthode simultanée, tout l’avantage dont elle est susceptible ; aussi remarque-t-on que ces écoles manquent de la planche noire dont un maître intelligent se sert avec tant de succès pour le calcul, pour l’épellation, pour l’orthographe et pour toutes les branches de l’enseignement.

Oise ; arr. de Beauvais, cant. de Formerie. — Dans la réponse que j’ai faite à cette question : Quelle est la méthode d’enseignement suivie dans l’école ? on lira partout, simultanée autant que possible, c’est-à-dire, autant qu’un instituteur capable et intelligent peut suivre cette méthode ; car un grand nombre ne la connaissent que de nom. Encore s’en est-il trouvé qui l’ignoraient absolument.

Basses-Pyrénées ; arr. d’Oloron, cant. d’Accous. — La méthode simultanée, si on pouvait l’introduire, produirait en peu de temps de grands avantages ; mais avant de l’enseigner aux autres, les maîtres devraient l’étudier eux-mêmes.

Seine-et-Oise ; arr. de Pontoise, cant. de Gonesse. — G..... Cette école est bien faible. L’instituteur est d’une apathie vraiment désolante ; il tient à ses vieux errements, et la méthode simultanée, qui lui a été recommandée, lui paraît un monstre.

Ardennes ; arr. de Rocroy. — La méthode simultanée est généralement suivie dans ces deux cantons ; mais elle n’est bien entendue que par un petit nombre d’instituteurs.

Charente-Inférieure ; arr. et cant. de Saint-Jean-d’Angély. — Plusieurs maîtres vous disent qu’ils suivent le mode simultané ; assistez cinq minutes à leur classe, et vous vous apercevez du contraire ; plusieurs même répètent le mot sans y attacher aucune idée fixe.

Côte-d’Or ; arr. et cant. de Châtillon-sur Seine. — À l’exception d’un très-petit nombre, les instituteurs ont tous une idée tout-à-fait fausse du mode de l’enseignement simultané, qu’ils déclarent suivre et dont ils semblent ne connaître que le nom.

Doubs ; arr. de Besançon. — Le plus grand nombre des instituteurs prétend enseigner d’après le mode simultané. Je me suis assuré cependant que beaucoup d’entre eux ne comprennent pas complètement le sens de ce mot. Aussi très-souvent leur enseignement n’est qu’individuel.

Manche ; arr. de Saint-Lô. — La méthode simultanée est généralement mal suivie. Cependant, on la pratique assez bien dans quelques écoles, et cela a toujours lieu dans celles qui ont succédé aux écoles mutuelles.

Meurthe ; arr. de Nancy, cant. de Pont-à-Mousson. Dans plusieurs communes, les instituteurs et institutrices ont suivi sans fruit l’enseignement simultané, parce qu’ils n’ont pas saisi l’esprit de son inventeur. Presque tous ont négligé ou abandonné les bonnes méthodes de lecture pour revenir à l’ancienne épellation, et n’ont point exigé de livres uniformes et en nombre suffisant.

Saône-et-Loire ; arr. de Châlons, cant. de Sennecey. — Le sieur Chiflot, de la Chapelle-Bragny, est animé des meilleures dispositions, mais il a grand besoin de s’instruire. Il pensait jusqu’ici que la méthode simultanée consiste à faire lire simultanément tous les élèves. Qu’on se figure le bruit et la confusion dans une classe où quarante à cinquante enfants parlent ou plutôt crient tous à la fois, et la simplicité d’un instituteur qui ne voyait aucun vice dans un tel procédé de lecture !

Aube ; arr. de Troyes, cant. de Piney et de Lusigny. — De là ces méthodes mixtes, moitié individuelles, moitié simultanées, qu’on rencontre presque partout, qui mettent les instituteurs dans l’impossibilité de faire marcher leurs classes, et détruisent dans leurs principes le peu de fruits que l’on pourrait en attendre.

Aude ; arr. de Narbonne, cant. de Ginestan. — La méthode individuelle est en général suivie dans ce canton. La méthode simultanée n’y est presque point pratiquée, et la méthode mutuelle y est inconnue et y serait peut-être impraticable.

Aude ; arr. et cant. de Narbonne. — La méthode simultanée est la plus généralement suivie, surtout à Narbonne, chez les frères, et la méthode mutuelle à l’école communale gratuite. Dans les communes rurales, c’est l’enseignement simultané défiguré, ou plutôt l’enseignement individuel.

Charente-Inférieure ; arr. de Saintes. — Quant à la promesse faite par les instituteurs d’employer la méthode simultanée, on ne doit pas y attacher le moindre prix, car j’ai remarqué, que, pour peu qu’on le désirât, ils promettraient tout aussi facilement d’adopter la méthode mutuelle ; rien ne coûte à qui ne peut ou ne veut rien tenir.

Corrèze ; arr. d’Ussel, cant. de Bart et de Neuvie. — Malgré l’évidence des inconvénients sans nombre, inhérents au mode d’enseignement individuel, malgré les efforts constants de l’Université, pour faire cesser ce mode funeste, la plus grande partie des instituteurs est encore volontairement ou contre son gré sous le joug de l’ancienne routine.

Côte-d’Or, arr. et cant. de Beaune. — Dans beaucoup de localités, la méthode individuelle règne encore : aussi y a-t-il des enfants de quinze ans qui ne savent pas lire. Les livres ne sont pas uniformes ; chaque enfant apporte le sien. Les parents sont exigeants, et les instituteurs trop faibles. La méthode individuelle est l’enseignement au maillot. J’ai vu une commune où plusieurs enfants, s’il faut en croire les on dit, ne savaient pas signer leur nom au sortir de l’école.

Dordogne, arr. de Bergerac, cant. d’Issigeac. — La méthode d’enseignement suivie dans ce canton comme dans tous les autres cantons de l’arrondissement de Bergerac, est presque partout la méthode individuelle, vieille routine qui détruit l’émulation parmi les enfants et rend les progrès impossibles ; quelques écoles d’après le mode simultané existent de loin en loin, comme preuve d’une tendance vers le mieux.

Basses-Pyrénées ; arr. d’Oloron, cant. d’Arudy. — La méthode individuelle est presque partout mise en usage, et il serait bien difficile d’en employer d’autre ; car, outre que les enfants ne sont point pourvus de livres uniformes et en nombre suffisant, ils ne se rendent jamais à l’école aux mêmes heures, et ils n’y passent souvent que quelques minutes. Cependant, quelques jeunes instituteurs, sortis de l’école de Pau, sont parvenus à vaincre ces difficultés, et les résultats commencent à se faire sentir.

Bas-Rhin, arr. de Strasbourg. — Je ferai observer qu’à une lieue et demie de Strasbourg, au milieu de l’Alsace, où l’instruction primaire est généralement dans un état si florissant, il existe une petite école, l’école catholique de Nolfisheim, dont l’instituteur fait encore usage de la méthode individuelle.

Loir-et-Cher, arr. de Blois. — La lecture est partout enseignée individuellement, et par le mode d’épellation alphabétique.

Basses-Alpes, arr. de Digne, cant. de Seyne. — L’enseignement mutuel y est chose abominable, et la population n’en voudrait pas davantage dans des mains plus pures et plus habiles.

Calvados ; arr. de Caen, cant. de Douvres. — Les gens de la campagne, et même le peuple des villes, ont de grandes préventions contre l’enseignement mutuel ; ils s’accordent à dire que, quand ils paient un maître d’école, c’est pour qu’il fasse sa besogne lui-même et non pas pour qu’il la fasse faire par ses élèves.

Moselle ; arr. de Metz, cant. de Vigy. — Il existe très-peu d’écoles d’enseignement mutuel dans les campagnes. Partout où il a pu être recommandé d’en organiser, il a fallu céder à cette raison : que les parents ne veulent pas, les uns, que leurs enfants soient instruits par d’autres enfants, tandis qu’ils paient le maître pour cela ; les autres, que leurs enfants soient employés à enseigner, quand on les envoie pour s’instruire eux-mêmes. S’ils instruisent, ils sont assez savants ; alors on les retirera, parce qu’on en a besoin à la maison, s’ils n’ont plus rien à gagner à l’école.

Cependant, dans quelques endroits, les locaux seront disposés pour cet enseignement. On fera face aux empêchements s’il s’en présente.

Oise ; arr. de Senlis, cant. de ........ — J’ai vu plusieurs communes dans lesquelles les parents se refusent à la méthode mutuelle, parce que, disent-ils, ils n’envoient pas leurs enfants à l’école pour qu’ils soient instruits par d’autres enfants, et que le maître ne doit pas se croire trop bon pour eux. Mais ici les habitants vont plus loin : ils veulent que le maître fasse travailler tous les élèves les uns après les autres, et en particulier.

Loir-et-Cher ; arr. de Blois, cant. de Marchenoir. — Les curés n’ont pas, en général, dans ces communes, l’influence que leurs confrères ont dans les autres cantons, et cela fort heureusement ; car ils sont peu portés pour l’instruction primaire, surtout si l’instituteur suit la méthode mutuelle ou simultanée.

Vienne ; arr. de Montmorillon, cant. de l’Ile-Jourdain-Lussac. — Dans les chefs-lieux de canton, qui sont des villes, je ne saurais assurer qu’il n’y a pas d’intrigues de la part du presbytère contre la méthode mutuelle ; on pourrait le croire en voyant le peu de succès jusqu’ici de nos établissements ; cependant, il est vrai de dire que rien de formel ne m’a été rapporté par les autorités que j’ai interrogées avec instance sur ce sujet délicat. La défiance paraissait venir des parents et porter sur le mode lui-même, auquel on préfère l’ancien, comme plus sûr et plus connu.

Bouches-du-Rhône ; arr. d’Arles, cant. de Château-Renard. — L’école mutuelle d’E..... va bien ; elle pourrait aller mieux, si l’instituteur voulait s’en donner la peine. Cet instituteur, qui ne manque pas de capacité, a introduit un usage que nous avons goûté : c’est de faire exécuter les mouvements au chant des cantiques de l’église. Dans ces pays, où l’enseignement mutuel est encore entouré de tant de préjugés, cette innovation peut contribuer à ramener les esprits de beaucoup de personnes, et surtout des prêtres.

Voyez, au chapitre Clergé, des écoles mutuelles encouragées et dirigées par des ecclésiastiques.

Ardèche ; arr. de Privas, cant. de la Voute, de Saint-Pierreville, d’Antraigues et d’Aubenas. — Les populations sont si ignorantes, et les préventions de l’esprit de parti contre l’enseignement mutuel si fortes, que, dans beaucoup de localités, on s’éloigne avec frayeur des écoles où ce mode d’enseignement est suivi (l’ignorance et le fanatisme les appellent les écoles du diable). Cette singulière dénomination est en vogue au chef-lieu même du département, où se tient l’école normale qui doit former des instituteurs pour toute l’Ardèche.

Vendée ; arr. de Bourbon-Vendée. — Les préjugés sur l’enseignement mutuel sont encore plus forts parmi les paysans qui regardent cet enseignement comme convenable seulement à des chiens, parce qu’on y fait marcher les enfants au son d’un sifflet, et qui croient surtout qu’il n’est propre qu’à les rendre turbulents et indisciplinés.

Charente ; arr. d’Angoulême. — La même difficulté existe pour la méthode mutuelle. Il y a plus : c’est que les élèves les plus forts et les plus âgés, qui seraient les moniteurs, quittent l’école aux premiers beaux jours ; comment alors continuer les exercices pour ceux qui restent ?

Charente ; arr. de Confolens. — La méthode mutuelle est inapplicable dans les communes rurales. Lorsque l’instituteur aura formé, avec beaucoup de peine, quelques moniteurs, les travaux des champs les lui enlèveront. Les enfants, que ce besoin aura forcés d’interrompre la fréquentation de l’école, reviendront moins avancés que les autres ; il n’y aura plus d’émulation pour eux ; ils seront découragés. La méthode simultanée me paraît infiniment préférable.

Eure-et-Loir ; arr. de Dreux, cant. d’Anet. — La seule méthode à suivre avec succès, dans les communes rurales d’une population au-dessous de onze à douze cents âmes, est la méthode d’enseignement simultané ; car la méthode d’enseignement mutuel, qui peut être préférable à la première dans les villes, est tout-à-fait impraticable dans les campagnes, par l’impossibilité où l’on est, et où l’on sera malheureusement encore long-temps, surtout l’été, d’avoir et de conserver de bons moniteurs, l’âme de cet enseignement.

Hautes-Alpes ; arr. d’Embrun. — Nous avons recommandé aux maîtres de veiller à la propreté, partout trop négligée.

Calvados ; arr. de Falaise. — Jusqu’ici, on ne s’est point du tout attaché à faire contracter de bonne heure aux enfants des habitudes de politesse et de propreté que nous trouvons si rares dans les campagnes ; aussi, partout, ils se montrent d’une grossièreté et d’une saleté dégoûtante.

Doubs ; arr. de Besançon. — Jusqu’à présent les instituteurs n’ont pas assez veillé à la propreté de la classe et à la tenue de leurs élèves : ils doivent exiger d’eux, ce qui est au pouvoir des plus pauvres, de contracter de bonne heure des habitudes de propreté qu’ils conserveront toujours.

Lot-et-Garonne ; arr. de Nérac, cant. de Damazan. — M. Hue, instituteur primaire à Puch, canton de Damazan, exige que ses élèves lavent, tous les matins, avant d’entrer dans sa classe, leurs pieds, leurs jambes, leurs mains et leurs bras. Je fus agréablement surpris, en visitant son école, de voir un grand nombre d’enfants appartenant à la classe pauvre, aussi propres que ceux des plus riches habitants de la commune.

Meurthe ; arr. de Nancy, cant. de Pont-à-Mousson. — Sous le rapport de l’ordre, de la discipline et du travail, plusieurs écoles ont été mal tenues. Peu de régularité dans les leçons, point d’exactitude dans les devoirs. La propreté, si nécessaire à la santé, n’a pas été exigée ; la politesse, utile, même au village, est presque entièrement inconnue.

Oise ; arr. de Beauvais, cant. de Formerie. — En général, les enfants sont malpropres, leurs mains et leurs visages sont très-sales… Il serait à désirer que les instituteurs tinssent davantage à la propreté.

Doubs ; arr. de Besançon, cant. d’Amancey. — Il y a, à Nanâ-sous-Sainte-Anne, une espèce d’école mutuelle, c’est la seule du canton. L’instituteur comprend assez bien cette méthode. Mais, comme l’école est commune aux deux sexes, elle me paraît d’une difficile application aux petites filles.

Haute-Marne ; arr. de Langres, cant. d’Auberive. — Le canton d’Auberive compte trois écoles mutuelles ; deux de ces écoles laissent encore beaucoup à désirer. Vous remarquerez, M. le recteur, que toutes les trois sont communes aux deux sexes. C’est là, à mon avis, un grave inconvénient, au moins, avec l’habitude où l’on est dans celles d’Auberive et de Vitry, de placer pêle mêle les garçons et les filles, et de soumettre tout le monde aux évolutions d’usage.

N’est-il pas contraire à la modestie, cette vertu qui doit accompagner partout les personnes du sexe, d’assujettir les jeunes filles à une démarche toute cavalière ; et la décence ne s’oppose-t-elle pas à ce qu’on leur laisse escalader les bancs comme les jeunes garçons ? Au moins convient-il que les filles soient placées derrière les garçons. Elles quitteraient leurs places en ordre, mais sans marquer le pas. C’est ainsi, à peu près, que se passent les choses à Giey-Saint-Anjou.

Seine-Inférieure ; arr. de Dieppe, cant. d’Offranville. — Varengeville. La loi, en tolérant la réunion des filles et des garçons dans un même local, a exigé, avec beaucoup de sagesse, que les deux sexes fussent séparés, au moins par leurs places, et, s’il se peut, par une cloison. Cette séparation est incompatible avec le mode d’enseignement mutuel. Aussi, M. Boutard, qui reçoit des filles dans son école, est-il obligé de les faire monter sur un banc, comme moniteurs, de les faire opérer dans leurs groupes respectifs, de les faire aller au pas avec les garçons, etc., etc. Le curé se plaint avec raison de cet ordre de choses que j’avais déjà signalé au maire, comme peu convenable.

316. Voy. 312, Charente et 317, Charente.

Ain ; arr. de Belley, cant. d’Ambérieux et de Lagnieux. — Plusieurs habitants des communes rurales n’ont pas encore d’heure convenue, dans la distribution de leur journée, pour la fréquentation des écoles. Lorsqu’ils y songent, ils font partir un enfant avec l’ordre de dire sa leçon au plus vite et de revenir sur-le-champ, parce qu’ils ont besoin de lui. C’est perpétuer la méthode individuelle avec tous ses inconvénients.

Aube ; arr. de Troyes. — L’enseignement mutuel est d’une difficile application dans les campagnes, d’abord à cause de la répugnance du curé, laquelle, quoique absurde, est un fait ; ensuite parce que les enfants venant tous de plus ou moins loin, par de très-mauvais chemins, arrivent à des heures différentes, une partie s’en retourne avant la fin de la classe, et cela désorganise les groupes.

J’ai entendu dire que l’école mutuelle établie à Auxon (canton d’Ervy), est tombée par cette cause.

Calvados ; arr. de Pont-l’Évêque, cant. de Pont-l’Évêque et de Blangy. — Un des obstacles qui s’opposent le plus aux progrès des élèves, c’est le peu d’exactitude qu’ils mettent à fréquenter les écoles. C’est surtout dans les communes limitrophes de la mer, où les parents, vu leur peu de moyens, sont obligés de faire travailler de bonne heure leurs enfants, que ce grave inconvénient se fait sentir.

Cantal ; arr. d’Aurillac. — Cependant ce n’est qu’en hiver que les pâtres et les laboureurs laissent à leurs enfants le loisir d’aller à l’école. Ils les envoient chercher l’instruction, comme des commissionnaires pressés, qui doivent retourner à la maison pour souper et pour se coucher. L’aller et le venir occupe péniblement une partie des courtes journées d’hiver ; encore faut-il que les plus jeunes reçoivent à l’église l’instruction qui doit les préparer à la première communion.

Charente ; arr. d’Angoulême. — C’est cependant la seule (la méthode simultanée), qui, à mon sens, puisse et doive être employée dans les campagnes. Toutefois, ce n’est pas que les instituteurs ne rencontrent des obstacles. Dans presque toutes les communes, les élèves n’arrivent en classe qu’à des heures différentes, selon le plus ou le moins de travail qu’ils ont à faire à la maison paternelle, et souvent pour ne rester que le temps nécessaire pour faire leurs devoirs. Il est donc difficile au maître de réunir les élèves de même force. Dans quelques communes, les enfants ne vont à l’école qu’une fois par jour.

Charente-Inférieure ; arr. de la Rochelle. — Plusieurs parents exigent que leurs enfants fassent leurs leçons à l’heure qu’il leur plaît de les envoyer à l’école, et souvent cette courte leçon ne peut avoir lieu qu’une fois par jour. Il en résulte pour les maîtres l’obligation de se tenir en permanence dans leur classe et d’employer la méthode individuelle, bien qu’ils aient reconnu les avantages de la méthode simultanée.

Gironde ; arr. de Blaye. — Les enfants sont employés dans leur plus tendre enfance, à la garde des bestiaux, et plus tard, dès que leurs forces peuvent le permettre, aux autres travaux agricoles. Ils sont donc envoyés à des heures qui ne sont pas fixes, premier inconvénient qui empêche l’instituteur d’employer la méthode simultanée.

Gironde ; arr. de Bordeaux, cant. d’Audenge, de la Teste et de Belin. — Presque partout l’on suit la méthode individuelle, soit par la routine des instituteurs, soit par la difficulté d’obtenir des livres uniformes, soit par celle de réunir les enfants aux mêmes heures. La distance des habitations et les travaux auxquels ils sont employés les font arriver et partir successivement. D’ailleurs, sur ce point, comme sur tout, les parents font la loi à l’instituteur, parce que, n’attachant pas une grande importance à l’instruction de leurs enfants, ils se montrent toujours prêts à les retirer de l’école.

Gironde ; arr. de Bordeaux, cant. de Castelnau. — Ils y vont un mois ou deux, la quittent, puis y retournent. De là, le nombre des élèves y varie continuellement.

Hérault ; arr. de Saint-Pons, cant. d’Olargues. — Un grand nombre d’enfants, pendant les travaux pressants, ne vont qu’à demi à l’école, c’est-à-dire qu’ils assistent à la classe du matin, et ne vont pas à celle du soir, ou vice versa. D’autres font un acte d’apparition à l’école pour lire à la hâte une leçon, faire une page d’écriture, une opération d’arithmétique, et s’en retournent aussitôt après ; le tout, au détriment des pauvres instituteurs qui sont forcés de se prêter à ce manége, sous peine de perdre leurs élèves. Aussi suivent-ils presque tous, et malgré eux, la méthode individuelle, parce qu’ils ne peuvent classer leur élèves, attendu que ceux-ci entrent et sortent individuellement de la classe à toutes les heures du jour.

Lot ; arr. et cant. de Figeac. — Le pays est exclusivement agricole. C’est être instruit que de savoir lire les vêpres et la messe, déchiffrer un vieux manuscrit et faire une division. La méthode individuelle est celle qui est la plus généralement suivie. À mes observations, sur ce point si important, les instituteurs ont répondu qu’il leur était impossible d’employer la simultanée, attendu que les enfants, venant de bourgs et de villages plus ou moins éloignés, arrivent à des heures différentes.

Seine-et-Oise ; arr. d’Étampes, cant. de Méréville. — Il existe un autre vice, pendant l’hiver même, c’est-à-dire, dans le temps où les écoles sont le plus peuplées ; elles comptent aujourd’hui tant d’élèves, demain un quart de moins, ou, ce qui ne contribue pas peu à cette espèce de dégoût que l’on remarque dans l’instituteur, lorsqu’il vous fait cette observation, en forme de plainte, ou, dis-je, les enfants arrivent de quart d’heure en quart d’heure, de sorte qu’il n’est au complet qu’à l’heure où la classe finit.

Aisne ; arr. de Soissons, cant. de Braisne. — La plupart des maîtres sont sous le joug de la routine ; et, par conséquent, les enfants qui leur sont confiés ne font pas tous les progrès qu’ils pourraient faire, et puis on ne les leur laisse pas assez long-temps.

Seine-et-Marne ; arr. de Provins, cant. de Villiers-Saint-Georges, comm. de La Chalautre-la-Grande. — Le 15 décembre 1831, il a été fait, par la commune, un acte selon les formes voulues, et approuvé par M. le sous-préfet, le 9 janvier 1832. Cet acte porte que le sieur Pierre-Louis Prieur, recevra annuellement, comme instituteur de Chalautre-la-Grande, la somme de 350 francs. Cependant, le conseil municipal a arrêté, le 15 août 1835, que le traitement de l’instituteur ne serait, à partir de 1834, que de 200 francs. L’inspecteur a dû rechercher les causes d’une réduction aussi forte : il est resté une journée entière à Chalautre, a pris des informations, non seulement auprès des autorités mais encore auprès des instituteurs des communes voisines. Cette espèce d’enquête a été entièrement à l’avantage de l’instituteur. La seule cause de cette réduction est la persévérance que M. P… a mise à enseigner selon la méthode simultanée.

Ardennes ; arr. de Vouziers, cant. du Chesne. — Je n’ai trouvé en usage, dans les écoles de ce canton, d’autres livres de l’Université que ceux qui ont été envoyés par l’Académie. Les parents ne peuvent se décider à acheter des livres uniformes ; ils s’imaginent que tous les livres sont bons, et ils se plaignent du maître lorsque, conformément au mode simultané, il fait reprendre un élève par un de ses condisciples.

Ardennes ; arr. de Vouziers. — Il y a des pères de famille qui trouvent mauvais que leurs enfants soient repris par leurs condisciples à la leçon de lecture ou de calcul ; ils s’imaginent que le maître se repose sur ses élèves pour faire sa leçon, et que c’est par négligence qu’il emploie ce moyen. Dans quelques écoles, les enfants ont été retirés par leurs parents, parce que le maître a voulu persister dans l’emploi du mode simultané.

Aisne ; arr. de Laon, cant. de Anizy-le-Château. — L’enseignement simultané, c’est le nom qu’ils donnent à celui qu’ils emploient, se réduit à l’enseignement individuel. Le manque de livres, surtout dans certaines localités, rend d’ailleurs cette méthode impossible ; les écoles n’ayant point de livres à elles, les parents exigent souvent que le maître se serve des livres qu’ils donnent à leurs enfants.

Aisne ; arr. de Laon, cant. de Channy. — Le peu d’uniformité dans les livres amène nécessairement partout, ou presque partout la méthode individuelle, bien que l’instituteur déclare suivre l’enseignement simultané.

Ardennes. — Je n’ai trouvé qu’entre les mains d’une douzaine d’élèves dans tout le canton, le nouvel alphabet de l’Université. Comme il est nécessaire que tous les élèves d’une même classe aient le même livre, les maîtres n’ont pu, dans la plupart des écoles, mettre en œuvre ceux qui leur avaient été envoyés par l’Académie, parce qu’ils n’en ont pas trouvé de pareils chez les libraires, ou parce que les parents n’ont pas voulu ou n’ont pas pu en acheter.

Aube ; arr. de Troyes. — Le refus des parents d’acheter les livres nécessaires est préjudiciable, en ce que, dans beaucoup d’écoles, l’enseignement reste en partie individuel, faute de livres uniformes.

Aude ; arr. de Narbonne, cant. de Durban. — L’enseignement simultané ne peut pas être mis en usage, faute de livres nécessaires et en nombre suffisant ; les parents des élèves se refusent d’en faire l’acquisition.

Aveyron, arr. et cant. de Millau. — Chaque élève qui commence à lire, apporte à son maître le livre qu’il a pu se procurer ; de là, nécessairement, l’enseignement individuel, qui fait perdre tant de temps et au maître et à l’élève.

Côte-d’Or ; arr. et cant. de Châtillon-sur-Seine. — Ainsi nulle part des livres uniformes, nulle part on ne voit les enfants divisés par classes ou par sections ; ils apportent indistinctement à l’école les livres qu’il plaît à leurs parents de leur donner.

Gard ; arr. de Vigan. — Les écoles existent déjà en grand nombre dans ces cantons ; mais l’état de l’enseignement y est encore généralement bien peu satisfaisant. La méthode individuelle si défavorable aux progrès des élèves est encore en usage dans la plupart de ces écoles. Plusieurs causes s’opposent encore à l’introduction de la méthode simultanée. D’abord, tous les instituteurs ne comprennent pas la nouvelle méthode, ou du moins ne sont pas assez convaincus des avantages qu’elle présente ; en outre, les parents des élèves se refusent souvent à acheter les livres désignés par les maîtres, et se contentent de leur donner le premier livre qu’ils trouvent sous la main ; de là, le défaut de l’uniformité qui ne permet plus d’autre enseignement que l’enseignement individuel.

Gironde ; arr. et cant. de Lesparre. — On se sert presque partout de la méthode individuelle, et il serait bien difficile d’en adopter une autre, vu le peu d’uniformité dans les livres. Chaque père donne à son fils le livre dont il est pourvu lui-même, et rien ne pourrait le décider à faire la dépense d’un nouvel ouvrage.

Isère ; arr. et cant. de Saint-Marcellin. — Tullins. La faiblesse de l’enseignement dans cette commune tient principalement à l’indifférence des patents pour l’instruction. C’est au point qu’ils refusent d’acheter à leurs enfants des livres uniformes, ce qui met les maîtres dans l’impossibilité d’établir l’enseignement simultané.

Marne ; arr. d’Épernay, cant. de Sézanne. — Dans les communes du dernier ordre, comme le sont presque toutes les communes rurales, il est très-rare que les livres de lecture principalement soient uniformes ; les parents, pour s’épargner une légère dépense, donnent à leurs enfants un livre tel quel, qu’ils trouvent dans leur maison, et qui est quelquefois immoral ou irréligieux.

Nord ; arr. de Valenciennes, cant. de Bouchain. — Il n’y a qu’un petit nombre d’élèves qui aient des livres uniformes, et le plus souvent les indigents n’en ont pas du tout. J’ai visité l’école des pauvres à Bouchain, et j’ai remarqué que le livre du maître servait à plus de vingt enfants, et que ceux-ci n’avaient, pour écrire, que trois mauvaises ardoises. À Marquette, l’instituteur Tison m’a montré des lambeaux de listes électorales qu’il conservait soigneusement, me disant qu’il n’avait pas d’autres cahiers d’écriture à procurer aux indigents.

Haute-Saône, arr. de Lure, cant. de Champagney et de Melisey. — Le défaut de livres classiques uniformes et convenables empêche les instituteurs de faire usage de la méthode simultanée et les réduit à employer la méthode individuelle, à laquelle tiennent beaucoup les ignorants habitants de la campagne.

Yonne, arr. de Tonnerre. — ...... Le second obstacle, c’est la difficulté d’obtenir des parents des livres uniformes ; pour la vaincre, je ne vois point de moyen plus efficace que de comprendre dans le mobilier d’école, une bibliothèque d’école dont la commune ferait les frais et qui s’entretiendrait et se réparerait par les élèves à l’aide d’une modique rétribution imposée à tout élève non gratuit.

Aube ; arr. de Bar-sur-Aube, cant. de Vandeuvres. — Dans beaucoup de localités, les enfants ne peuvent obtenir de leurs parents les livres désignés par le comité. Il y a donc une immense perte de temps pour les élèves, une immense fatigue pour le maître, et des résultats fort peu satisfaisants. Les petits enfants, particulièrement, passent chaque jour six heures à l’école, ayant dans les mains un livre dont ils ne font aucun usage ; après les leçons du matin et du soir, comprenant dix minutes au plus, ces enfants ne font plus autre chose que d’être assis sur le banc où ils bâillent, s’ennuyent et troublent l’ordre.

Aube ; arr. de Troyes, cant. de Piney et de Lusigny. — De cette pauvreté naît un autre contre-temps, c’est la difficulté qu’éprouvent les instituteurs à faire prendre aux élèves des livres uniformes ; la plupart des parents se refusent à ces sortes de dépenses.

Aude ; arr. de Narbonne ; cant. de Sigean. — Au reste, dans bien des communes, les parents se refusent, faute de moyens, à acheter les livres désignés par l’instituteur.

Eure ; arr. d’Andelys. — Et, d’ailleurs, les enfants des pauvres, fussent-ils tous reçus dans les écoles, qui leur fournira les livres, le papier, et enfin, tous les objets nécessaires à leur instruction ?

Marne ; arr. de Rheims, cant. de Châtillon. — ....... Joignez à tous ces obstacles, ennemis de toute perfection et de tout progrès, l’insouciance blâmable des parents pour l’instruction de leurs enfants, leur inconcevable avarice à leur fournir les livres nécessaires et uniformes, et leur négligence impardonnable à payer à l’instituteur, la modique rétribution de 75 centimes, ou 60 centimes, ou 40 centimes par mois.

Aube ; arr. de Troyes, cant. d’Ervy, d’Aix-en-Othe, d’Estissac et de Bouilly. — Presque partout, les parents se prêtent difficilement à acheter les livres nécessaires.

Les livres de lecture ne sont nullement variés : partout ce sont des Vie de Jésus-Christ, Pensées Chrétiennes, Trésor dévot, Évangile, Catéchisme, Ancien et Nouveau-Testament, Histoire-Sainte.

Yonne ; arr. de Sens. — Souvent, les parents refusent d’acheter les livres que leur demande l’instituteur. Il vaut mieux, disent-ils, que leurs enfants apprennent à lire les psaumes, afin de pouvoir être enfants de chœur : puis, ajoutent-ils, quand ils n’iront plus à l’école, que ferons-nous d’une grammaire ou d’une géographie, c’est de l’argent perdu......

Ardennes ; arr. de Vouziers. — S’il y a des livres uniformes dans les diverses classes de chaque école, ce sont des livres transmis de père en fils ; aussi, n’ai-je trouvé, entre les mains des élèves, d’autres livres de l’Université, que ceux qui ont été envoyés par l’Académie. Les parents qui sont à leur aise ne veulent pas en acheter de pareils pour leurs enfants.

Bouches-du-Rhône ; arr. d’Aix. — Ici, se présente une difficulté presque insurmontable, et qu’on ne saurait trop signaler, c’est le manque de livres uniformes. Dans les villages, les enfants apportent à l’école le livre traditionnel, dans lequel son père ou ses frères ont appris à lire ; et l’instituteur se trouve forcé de suivre la déplorable méthode de l’enseignement individuel. Cet inconvénient n’existerait pas, si, une fois pour toutes, le conseil royal adoptait une méthode complète d’enseignement simultané, dans laquelle on fixerait les ouvrages pour chaque division.

Doubs ; arr. de Besancon. — On éprouve presque partout une grande résistance de la part des parents pour l’achat des livres qu’on leur demande. Leurs pères ont lu dans tels livres, ils n’en ont pas besoin d’autres, et ils n’en veulent point de nouveaux pour leurs enfants.

Haute-Loire ; arr. et cant. d’Issengeaux. — Les parents donnent à leurs enfants de vieux livres qui, sans être mauvais, ne laissent dans leur esprit aucune trace de morale, souvent même on en voit qui sont écrits en vieille orthographe. Chaque écolier, d’ailleurs, en apporte un différent. Voilà ce qui conserve les vieilles routines, la méthode individuelle, et présente une barrière aux progrès.

Loir-et-Cher ; arr. de Vendôme. — Rarement les livres sont uniformes ; beaucoup de parents fournissent ceux qu’ils possèdent ; ce sont d’anciennes éditions qui ne sont plus en rapport avec les nouvelles, souvent aussi ce sont des livres peu convenables à l’âge des enfants.

Loir-et-Cher ; arr. de Vendôme. — Le Psautier, la Vie de Jésus, la Doctrine chrétienne, la Civilité et les contrats sont généralement les livres mis entre les mains des enfants. Ces ouvrages ne paraissent pas, aux yeux des instituteurs instruits, pouvoir servir beaucoup au développement de l’intelligence des enfants.

Manche ; arr. de Saint-Lô. — Après l’abécédaire, on fait lire les enfants dans deux petits abrégés de psautier, connus sous les noms de Petites et Grandes Matines. Ces livres doivent être supprimés, puisqu’on les fait lire ensuite dans le psautier lui-même.

Les enfants passent encore beaucoup de temps à apprendre à lire dans la Civilité gothique et dans les vieux contrats. La civilité devrait être supprimée et les vieux manuscrits remplacés par des manuscrits nouveaux.

Haute-Marne ; arr. de Chaumont. — Dans presque toutes les écoles on suit l’enseignement simultané, mais cet enseignement n’est souvent qu’individuel, faute de livres uniformes ; les parents se refusent souvent à procurer à leurs enfants les livres exigés par l’instituteur, ou leur en donnent d’une autre espèce. J’ai vu un élève qui lisait dans un volume dépareillé de l’histoire ecclésiastique de Fleury, et un autre dans la Vie des Saints, dont l’orthographe était celle du XVIIe siècle.

Somme ; arr. d’Abbeville, cant. d’Ault. — Dans la plupart des communes, les instituteurs sont à la merci des habitants qui leur refusent du pain ou de l’argent, sous les prétextes les plus ridicules comme les plus injustes, par exemple, lorsque les instituteurs refusent de faire lire des enfants dans de vieux livres qui ont servi à leurs aïeux, livres que n’ont pas leurs voisins de classe, et qui obligent, par conséquent, le maître de suivre l’enseignement individuel.

Basses-Alpes ; arr. de Digne. — La méthode simultanée ne peut être introduite que par des distributions gratuites de livres élémentaires. L’apathie ou l’entêtement des parents est invincible. Le malheureux instituteur est obligé d’adopter le livre que lui présente l’enfant.

Ardennes ; arr. de Rocroy, cant. de Rumigny. — Les superstitions et les croyances populaires sont encore bien répandues dans ce canton. Les livres propres à éclairer la raison et à développer l’intelligence des enfants, seraient nécessaires. Le comité de Rocroy en a envoyé dans toutes les communes. Les instituteurs en font lecture à leurs élèves de temps en temps. Mais ces livres devraient être mis entre les mains des enfants. Comme les parents refusent presque tous de faire cette petite dépense, les communes devraient en acheter un certain nombre et les distribuer. Cependant, il n’y a guère lieu d’espérer que cela puisse se faire.

Eure-et-Loir ; arr. de Nogent-le-Rotrou, cant. de la Loupe. — Dans les communes pauvres, les parents, presque tous sans aisance, sont dans la plus complète insouciance sur l’éducation de leurs enfants : et il est impossible de leur persuader de faire, à ce sujet, le moindre sacrifice ; et, si la sollicitude du gouvernement ne cherche pas les moyens de répandre, dans ces contrées, le bienfait de l’instruction, elles resteront encore long-temps dans leur vieille ignorance.

Moselle ; arr. de Metz, cant. de Vigy. — Quant à l’insuffisance des livres, j’ai eu aussi occasion de dire ailleurs que l’admission gratuite des enfants dans les écoles était illusoire, si on ne leur donnait pas les livres qu’il leur fallait. Et les livres, les riches se prêtent déjà assez peu à les procurer à leurs enfants ; ce n’est pas pour que les pauvres y tiennent davantage. J’ai ajouté aussi qu’il ne suffisait pas de donner des livres aux indigents.

Nord ; arr. de Lille. — Tous les instituteurs se désolent de ne pouvoir obtenir, des parents, les livres, même, les plus nécessaires à l’instruction de leurs enfants. Les uns sont trop insouciants, les autres trop peu fortunés pour faire les petites dépenses, même urgentes ; et souvent le maître, faute de livres, ne sait comment occuper tous ses élèves à l’école. Livres de lecture, grammaires, catéchismes, etc., etc., on les obtient difficilement et sans uniformité, ou bien ils se déchirent, ils se perdent et ne sont pas remplacés. Alors, l’enseignement simultané devient illusoire pour une partie des élèves payants, il est tout-à-fait impossible pour tous les indigents, et, presque partout, on n’en trouve que le nom, pour peu qu’on observe les écoles consciencieusement.

Les enfants qui commencent à écrire consomment beaucoup de papier, de plumes et d’encre. Les parents pauvres, et beaucoup d’autres peu fortunés, qui ne pouvaient que difficilement procurer des livres de lecture et des catéchismes à leurs nombreux enfants, pourront encore bien moins subvenir aux dépenses qu’entraîne l’écriture, et la plupart des enfants, sachant déjà bien lire, ne peuvent et ne pourront jamais par cette seule raison, apprendre à bien écrire.

Hautes-Alpes ; arr. d’Embrun, cant. de Guillestre. — La méthode individuelle, de temps immémorial, pratiquée dans presque tout ce canton, et seule goûtée des pères de famille qui repoussent les autres surtout par la crainte d’avoir à débourser quelques sous pour acheter des livres uniformes, au lieu de faire servir les bouquins dont ils ont hérité ou qu’ils achètent chez les revendeurs. — La méthode individuelle, disons-nous, est un grand obstacle aux progrès de l’enseignement dans ces contrées.

Charente-Inférieure ; arr. de Saintes. — Je commencerai par dire combien a été heureuse et féconde en résultats l’idée de M. le Ministre d’établir, dans la ville de Saintes, une école de conférences. J’ai retrouvé, dans leurs diverses communes, des instituteurs que j’avais reçus, dans le temps, avec une répugnance extrême et, seulement, faute de mieux, tant leur ignorance était grande ; et j’ai remarqué, avec la plus vive satisfaction, une amélioration sensible dans leurs méthodes et dans leur instruction. Ces hommes, naguères ignorants et grossiers, sont venus puiser, dans notre ville, avec des notions utiles, une sorte de politesse à laquelle ils étaient demeurés étrangers jusqu’alors, et des connaissances, sinon bien approfondies, du moins suffisantes pour le moment ; ils ont appris à apprendre, et il ne m’a point échappé qu’il existe, parmi ces instituteurs, une émulation, une solidarité de conduite et de bons principes qui doivent nécessairement tourner au profit de l’instruction primaire.

Mais, malheureusement, quelques instituteurs, n’ayant pu suivre le cours de cette école, se trouvent aujourd’hui, parmi les autres, comme des arbres arides, des taches au tableau, et, cependant, il faut bien le dire, quoiqu’à regret, leurs écoles ne sont pas les moins fréquentées ; je vais tâcher d’en donner les motifs :

Les instituteurs qui ont suivi, pendant six ou huit mois, les cours dont je viens de parler, ont senti cette espèce de dignité à laquelle leur profession leur donne quelques droits, et qui commençait à leur révéler les connaissances qu’ils venaient d’acquérir ; dès lors, ils ont cru pouvoir lutter contre les prétentions de l’ignorance ; ils n’ont plus voulu recevoir la loi des parents ; ils ont exigé que tous les enfants suivissent leurs écoles avec plus d’exactitude que par le passé ; ils ont désiré qu’ils eussent des livres uniformes, afin de pouvoir employer la méthode simultanée, pour laquelle les habitants de la campagne ont une horreur telle qu’ils menacent de retirer leurs enfants s’ils apprennent que cette méthode pénètre dans l’école.

Charente-Inférieure ; arr. de Saintes. — Les parents menacent de retirer leurs enfants de l’école si l’instituteur refuse de les faire lire dans un contrat avant même qu’ils connaissent les caractères imprimés, ou bien encore s’il leur parle d’orthographe ou de grammaire. Je n’aurais jamais cru que l’ignorance pût aller aussi loin, et être aussi funeste dans ses effets si je n’en avais acquis la preuve moi-même sur les lieux. Ces instituteurs, justement indignes, s’efforcent de résister à des exigences aussi fâcheuses, et aussitôt les enfants sont retirés de leurs écoles pour être confiés à d’autres instituteurs, chez lesquels on ne trouve, trop souvent qu’une forte somme d’ignorance et une sorte de stupidité.

Côte-d’Or ; arr. de Beaune, cant. d’Arnay-le-Duc. — Foissy. Point de bonne volonté de la part des parents, quand il s’agit de donner à leurs enfants des livres uniformes. Il faudrait les faire fournir par la commune, autrement, il serait impossible d’établir dans l’école l’enseignement simultané. Si l’on voulait forcer les parents à acheter les livres indiqués par l’instituteur, ils retireraient plutôt leurs enfants de la classe.

Jouey. L’instituteur de cette commune a à lutter contre les mêmes difficultés que celui de Foissy.

J’ai remarqué qu’en général les parents envoient, avec assez d’empressement, leurs enfants à l’école pendant les quatre mois de la saison d’hiver, mais que leur obstination à ne pas vouloir procurer à leurs enfants les livres indiqués par les instituteurs, met ces derniers dans l’impossibilité de suivre la méthode de l’enseignement simultané. Dans bien des communes, si l’instituteur voulait tenir fortement à ce que les livres indiqués par lui fussent entre les mains des enfants, la plupart des parents les retireraient pour les mettre dans d’autres écoles, et quelques-uns pour les laisser oisifs.

Maine-et-Loire ; arr. d’Angers. — Un moyen d’arriver plutôt à ce but si désirable, serait de répandre le plus possible de bons livres. Les premiers envois faits par l’Université ont produit leurs fruits dans les communes qui en ont obtenu. Les plus petites dépenses effraient les familles, et j’ai acquis la certitude que des parents, même aisés, ont retiré leurs enfants des écoles, parce que le maître leur avait conseille de se procurer, ou des grammaires, ou des arithmétiques.

Nord ; arr. et cant. d’Avesnes. — Presque partout, autant de livres que d’écoliers : ces livres sont imposés à l’instituteur par les familles. Il doit les admettre, sous peine de voir déserter son école.

Vosges ; arr. de Mirecourt. — Que l’instituteur exige des parents que leurs enfants aient des livres pour la lecture et du papier pour les exercices d’écriture, c’en est assez pour qu’il ait autant d’ennemis qui feront tout leur possible pour lui faire tort.

Ardennes ; arr. et cant. de Réthel. — Il est presque impossible aux instituteurs d’obtenir des parents qu’ils achètent des livres uniformes pour leurs enfants. Les habitants de la commune d’Amagnac voulaient repousser un instituteur du premier degré parce qu’ils craignaient, qu’étant trop savant, il ne leur fît acheter de nouveaux livres pour leurs enfants.

Aisne ; arr. de Château-Thierry, cant. de Neuilly-Saint-Prout. — Dans ce canton, comme dans ceux que j’ai déjà parcourus l’enseignement est peu satisfaisant, et c’est toujours au petit nombre de mois que les enfants passent à l’école, chaque année, qu’il faut attribuer le retard de leurs progrès. En général, les parents semblent peu désireux de voir arriver leurs enfants à un degré d’instruction au-delà de la lecture de l’écriture et des quatre premières règles de l’arithmétique. La méthode simultanée, que les instituteurs voudraient introduire, rencontre des obstacles par le défaut de livres uniformes et suffisants : il y a même quelques parents qui obligent les instituteurs à n’employer pour leurs enfants que la méthode individuelle, en les menaçant de les leur retirer, s’ils s’obstinent à les enseigner autrement.

Charente-Inférieure ; arr. de Saint-Jean-d’Angély, cant. de Malta. — Vous invitez l’instituteur à suivre de préférence la méthode simultanée ; il vous répondra que les nouveautés ne conviennent pas aux parents, qu’ils veulent qu’on fasse lire leurs enfants comme ils ont lu eux-mêmes.

Moselle ; arr. de Briey, cant. de Conflans. — On s’oppose à l’emploi des méthodes les plus rationnelles pour faire suivre l’ancienne routine ; témoin le village d’Azerailles, dont les habitants ont forcé l’instituteur à reprendre l’enseignement individuel.

Aisne ; arr. de Soissons, cant. de Braisne. — À Persles, le maître est bon, et pourrait bien faire, mais les habitants, qui ne connaissent que la méthode individuelle, ne veulent pas entendre parler d’une autre, et enchaînent ainsi en partie le zèle de leur instituteur.

Ardennes ; arr. de Rocroy, cant. de Fumay et de Givet. — Les parents envoient volontiers à l’école, pour s’en débarrasser, les jeunes enfants de cinq ans, et même de quatre ans, si on veut les admettre. Ces enfants, trop jeunes pour pouvoir profiter des leçons du maître, encombrent l’école et troublent les exercices. Il serait nécessaire que cela fût régularisé et que l’on fixât un âge avant lequel les enfants ne pussent être admis dans les écoles communales.

D’autres pères de famille, peu instruits eux-mêmes, veulent que leurs enfants n’apprennent que telle ou telle partie de ce qui est enseigné dans l’école. Le maître, trop dépendant des habitants de la commune, ou manquant de fermeté, se soumet quelquefois à ces exigences, et cela nuit à l’ordre et à la discipline de l’école.

Aube ; arr. de Troyes. — Le maître n’ose pas se plaindre trop haut, parce que le paysan, qui paie, exige que son enfant ait une leçon pour lui seul ; et, afin de lui assurer ce prétendu avantage, il lui donne un livre que les autres enfants n’ont pas.

Charente-Inférieure ; arr. de La Rochelle. — Enfin, un dernier obstacle, mais plus facile à lever, vient du préjugé très-répandu, que les enfants ne peuvent apprendre qu’en recevant directement et individuellement les leçons du maître.

Eure-et-Loir ; arr. de Châteaudun, cant. de Cloyes. — L’instituteur d’A… suivait le mode simultané pour la lecture ; le maire et l’adjoint ont exigé qu’il reprît le mode individuel.

Jura ; arr. et cant. de Lons-le-Saulnier. — La commune la plus populeuse du canton de Lons-le-Saulnier, Montmorot, est cependant celle où règne la plus profonde ignorance. Les enfants fréquentent à peine l’école. Les habitants, dont la plupart ne savent pas écrire, repoussent la méthode d’enseignement simultané.

Manche ; arr. de Coutances. — Une des causes de l’infériorité de l’enseignement est la dépendance des maîtres à l’égard des parents. Ceux-ci s’opposent souvent à l’amélioration la plus petite et la plus raisonnable ; ils prétendent même imposer à l’instituteur des livres et des méthodes, et cela par ignorance. Ainsi, ils se refusent à ce que leurs enfants lisent des livres français en commençant, écrivent et calculent avant tel âge, etc. ; ils exigent que le maître fasse lire plusieurs fois à chaque classe et individuellement, en sorte qu’il lui reste peu ou point de temps pour les autres exercices.

Manche ; arr. de Saint-Lô. — L’alphabet adopté par le gouvernement, pour répandre les germes d’une foule de connaissances utiles, est encore ignoré presque partout. Les instituteurs n’ont pas su s’en servir, ou n’ont pas osé braver seuls les préjugés qui poursuivent tout ce qui est nouveau, par exemple, la véritable prononciation des articulations.

Meurthe ; arr. de Château-Salins, cant. de Vic. — Les anciens instituteurs, en général, frappent plus ou moins leurs élèves ; il y a même des parents qui l’exigent.

Nord ; arr. de Dunkerque, cant. de Bergues. — L’exigence des familles va jusqu’à prescrire la lecture flamande en seul caractère gothique. Très-peu de calcul avant la première communion.

Oise ; arr. de Beauvais. — ...... Dans une école suivie en hiver par soixante, soixante-dix ou quatre-vingts élèves, même plus, si tous les enfants ne lisent pas deux fois dans une classe, l’instituteur reçoit des plaintes des parents, qui souvent, le menacent de ne plus envoyer leurs enfants à son école. Qu’en résulte-t-il ? C’est que le maître ne peut pas donner beaucoup de temps, surtout dans les écoles nombreuses, à l’étude de la grammaire française, à l’arithmétique, et qu’il est obligé de négliger ses élèves les plus avancés pour s’occuper des commençants, qui forment à peu près les deux tiers de sa classe.

Haut-Rhin ; arr. et cant. d’Altkirch. — Franken. L’instituteur, ayant puni un enfant à l’église, sans le frapper (à ce qu’il dit ainsi que le maire), a été lui-même tellement battu par les parents, qu’il est resté trois semaines malade, et qu’il n’est pas encore entièrement remis : quoique cet événement date de Pâques (L’inspection s’est faite au mois d’octobre). L’instituteur n’a pas osé poursuivre de crainte de s’attirer l’inimitié de la commune.

Haut-Rhin ; arr. d’Artkirch. — Les parents s’opposent à ce que leurs enfants apprennent le français. Ils résistent à toute espèce d’innovation ; ils croient que leurs enfants n’apprendront rien, s’ils n’apprennent d’après la méthode qu’autrefois on a suivie avec eux-mêmes. Dans beaucoup de communes rurales les instituteurs n’ont pu réussir à substituer à l’épellation la méthode phonique, dont la supériorité est cependant bien reconnue, parce que les parents ne conçoivent pas qu’on puisse apprendre à lire sans savoir épeler, et qu’ils menacent de retirer leurs enfants de l’école si l’on y emploie la nouvelle méthode. Dans un village du canton de Huningue, les pères de famille se sont opposés à l’introduction de l’enseignement mutuel, par le motif qu’ils paient pour que leurs enfants soient assis. Dans une autre commune du même canton, où autrefois les enfants apprenaient à lire dans des manuscrits qui leur étaient prêtés par les moines d’un couvent voisin, les parents s’opposent encore aujourd’hui à ce que les exercices de lecture se fassent dans des livres imprimés, et l’instituteur, pour les satisfaire, est obligé de faire venir d’Allemagne des livres imprimés en caractères imitant les manuscrits.

Saône-et-Loire ; arr. de Louhans. — Un autre obstacle aux progrès de l’instruction, c’est le préjugé qui arme les populations ignorantes contre toutes les innovations en matière d’enseignement. Il est des parents qui aiment mieux condamner leurs enfants à l’ignorance la plus complète, et les retenir chez eux que de consentir à ce qu’on leur apprenne à lire par les méthodes sans épellation.

Seine ; comm. de Clichy-la-Garenne. — Ce qui contribue à faire conserver cet état de choses, c’est le malheureux schisme qui divise les habitants de Clichy depuis l’introduction du culte catholique français par l’abbé Auzou, schisme qui donne les plus grands embarras aux autorités locales et aux instituteurs. Un exemple montrera à quel degré d’intolérance sont arrivés, en grande partie, les habitants de Clichy : M. B......, qui s’était montré d’abord partisan de l’abbé Auzou, ayant accepté les fonctions de chantre dans l’église romaine, a perdu en un seul jour près de soixante élèves sur 80.

Seine ; arr. de Saint-Denis, cant. de Neuilly, comm. d’Auteuil. — L’instituteur montre de l’intelligence et du zèle. L’école qu’il dirige depuis six mois a beaucoup gagné sous sa direction, mais tout irait mieux si les parents d’Auteuil, et surtout ceux du Point-du-Jour, ne s’opposaient pas à toutes les améliorations, par leur négligence et leurs tracasseries. C’est au point que, dans l’école des filles, dirigée par la fille de M. Binay, les mères ne veulent pas qu’on apprenne à coudre à leurs filles, disant qu’elles sauront bien leur apprendre elles-mêmes, et que ce n’est pas pour cela qu’elles les envoient à l’école.

Seine-et-Marne ; arr. de Provins, cant. de Viliers-Saint-Georges. — La plupart des instituteurs de ce canton sont abandonnés à eux-mêmes, ou plutôt livrés à toutes les tracasseries des parents qui les obligent à suivre les anciennes méthodes. Trois instituteurs seulement, celui de Courchamp, celui de Sourdun et celui de Chalautre-la-Grande, sont parvenus à établir la méthode simultanée.

Seine-et-Oise ; arr. de Corbeil, cant. de Lonjumeau. — M.... Le conseil municipal a refusé un candidat présenté par le maire, parce que, autrefois, il était dans un séminaire.

Maine-et-Loire ; arr. d’Angers, cant. de Chalonnes, comm. de Chaudefond. — Il est, dans la commune, des gens qui lui font un crime (au sieur Glottou, instituteur) de se délasser le soir, après sa classe, à faire un peu de musique !!

Calvados ; arr. de Falaise, cant. de Thury-Harcourt et de Bretteville-sur-Laize. — Un jeune homme qui a fait toutes ses études et qui est reçu bachelier-ès-lettres, après les travaux pénibles de maître d’école, aimait à jouir encore des plaisirs studieux d’un homme lettré : Virgile, Horace, Tibulle l’accompagnaient dans les promenades fréquentes qu’il faisait dans un bois voisin. Mais un paysan, des bords de l’Orne, l’aperçoit un jour assis près d’un ruisseau. Un homme lisant au milieu d’un bois est pour lui une chose si étrange qu’il ne saurait s’expliquer ce bizarre amusement. Mais il a appris que l’instituteur est un savant, qu’il connaît aussi bien le latin que le curé de la paroisse ; et dès lors Virgile est un grimoire, l’instituteur un sorcier. L’imagination pleine encore des choses merveilleuses qu’il a cru voir, il va publier dans tout le village que le maître d’école, en murmurant quelques mots latins, fait accourir à ses pieds toutes les truites de la rivière. Depuis ce temps, l’instituteur sorcier a perdu presque tous ses écoliers, il a été contraint de quitter cette commune, et maintenant c’est au moyen de ses bras qu’il est obligé de gagner sa vie. Mais espérons qu’une nouvelle place lui sera bientôt accordée.

Ardèche ; arr. de Tournon, cant. de Serrières et d’Annonay, réunis. — Aucun développement moral n’est donné à l’enfance. On s’est contenté de lui apprendre la lettre du catéchisme. Partout cette influence se fait sentir encore aujourd’hui : le clergé (à peu d’exceptions près) préfère l’enseignement donné par les congrégations de sœurs ou de frères. Cependant, les conseils municipaux et les pères de famille qui ont des garçons désirent partout des instituteurs.

Charente ; arr. d’Angoulême, cant. de Hiersac. — L’instruction religieuse y est fort négligée, par la faute, ou mieux, par la volonté des parents.

Charente-Inférieure ; arr. de Saint-Jean-d’Angély, cant. de Malta. — Si nous regardons les diverses parties de l’instruction, nous trouverons l’enseignement religieux négligé ; on pourrait citer en particulier le canton de M…, dans lequel cette négligence est d’autant plus grande, que les enfants, confiés aux soins de l’instituteur, bornent à son école les principes religieux et moraux qui doivent les diriger dans la vie ; car il ne se trouve qu’un curé à M… pour tout le canton, et à peine les enfants le connaissent-ils de nom.

Charente-Inférieure ; arr. de La Rochelle, cant. de La Rochelle. — La plupart des écoles rurales de l’arrondissement de La Rochelle laissent beaucoup à désirer, sous le rapport de l’instruction qui est bornée généralement à la lecture et à l’écriture. Le catéchisme s’apprend de routine.

Côte-d’Or ; arr. de Beaune, cant. de Nolay, de Bligny, de Pouilly, de Liernais, de Beaune, de Gevrey. — Instruction morale et religieuse ; ce titre comprend trois choses : l’histoire de la religion, le dogme, et la morale.

Pour parler exactement, il n’y a point d’enseignement d’histoire de la religion. Deux ou trois instituteurs seulement se rencontrent qui y consacrent des moments spéciaux et qui, soit par des cahiers ou des questions, font faire des progrès à leurs élèves. Les autres instituteurs se contentent de mettre un Ancien Testament entre les mains des enfants, dès qu’ils ont terminé l’Abécédaire. Les enfants ne retirent aucun, ou presque aucun fruit de cette lecture. À l’époque de la première communion, les Évangiles du dimanche viennent quelquefois s’ajouter à l’Ancien Testament.

Le dogme regarde particulièrement le curé ; les instituteurs n’ont à se charger que de la lettre. Ils font réciter le catéchisme, mais cette récitation offre des résultats peu satisfaisants, parce que les enfants lisent mal, apprennent par conséquent difficilement, et que, d’ailleurs, la mémoire n’est cultivée dans aucune école. La partie morale de l’instruction religieuse est résumée dans les commandements de Dieu, que les enfants récitent avec les prières dont le catéchisme renferme le développement, et sur lesquelles le curé ajoute des explications à l’époque de la première communion. L’office de l’instituteur est de faire réciter les commandements et les développements du catéchisme ; c’est là toute l’éducation morale. Que les instituteurs regardent la morale comme la leçon de tous les instants, qu’ils fécondent les lectures par des réflexions, et fixent, sur les passages remarquables, l’attention de leurs élèves ; qu’ils profitent de toutes les occasions pour développer en eux le sentiment du devoir et leur apprendre ce qu’ils doivent à Dieu et à leurs semblables ; c’est ce qui n’a pas lieu, autant que j’ai pu en juger.

Loir-et-Cher ; arr. de Vendôme, cant. de Vendôme. — La lecture, l’écriture, et un peu de calcul avec le catéchisme, voilà les matières de l’enseignement dans la majeure partie des écoles de cet arrondissement. La lecture de la Vie de Jésus, et de l’Ancien et du Nouveau Testament, sans le moindre résumé, sans la moindre interrogation faite à l’enfant, ne paraissent pas constituer, aux yeux de l’inspecteur, une instruction réelle ; et c’est cependant à la lecture des ouvrages cités et de quelques autres analogues que se réduit l’enseignement ; aussi, toutes les fois que l’inspecteur a voulu adresser quelque question élémentaire sur l’histoire sainte, il n’a presque jamais obtenu de réponse.

L’inspecteur a souvent rencontré la grammaire entre les mains des enfants, mais ce livre ne servait, le plus ordinairement, que pour la lecture.

Manche ; arr. de Coutances, cant. de Gavray et de Cérisy-la-Salle. — L’instruction morale et religieuse y est concentrée uniquement dans le catéchisme du diocèse ; point d’histoire sainte.

Puy-de-Dôme ; arr. et cant. de Thiers. — L’instruction morale et religieuse est plus soignée dans les campagnes que dans les villes.

Pyrénées-Orientales ; arr. de Perpignan. — L’instruction religieuse qui devrait comprendre l’histoire sainte, se borne souvent à la lecture de l’Ancien et du Nouveau Testament et à la récitation du Catéchisme qui, dans certaines communes rurales de l’arrondissement, est rédigé en catalan.

Haut-Rhin ; arr. de Colmar, cant. d’Andolsheim. — Je crois qu’il ne faut pas essayer d’amalgamer des éléments hétérogènes entre lesquels on peut dire que la force de répulsion augmente, en raison de leur rapprochement. On entasse, dans un même bâtiment, des catholiques, des protestants et des israélites, et l’on se figure que leurs cœurs vont être unis par la tolérance, parce que leurs corps sont réunis sur les mêmes bancs ; on s’applaudit d’avoir mis fin à une division funeste qui faisait élever les enfants comme dans des camps ennemis ; mais qu’arrive-t-il ? C’est que les enfants se tournent mutuellement en ridicule au sujet de leurs croyances diverses ; c’est que le maître, qui ne peut appartenir à tous les cultes en même temps, est souvent en butte à des soupçons de partialité ; et ainsi la haine germe dans de jeunes cœurs où l’on croyait avoir semé la tolérance. Quelquefois, et particulièrement dans les villes, on arrive à un résultat tout différent, mais qui n’est pas plus heureux. Les enfants entendent l’instituteur parler de la religion et de la morale avec des idées et un langage qui ne peuvent le compromettre à l’égard de personne, parce que tous les cultes peuvent s’en accommoder, et ils s’habituent dès lors à regarder tous les dissentiments religieux comme des questions insignifiantes. Ils ne seront pas intolérants, mais ils tomberont dans l’indifférence ; ils ne seront pas des sectaires, mais ils seront déistes ou, peut-être même, des athées. J’ai entendu le comité de Mulhausen blâmer d’une voix presque unanime, l’état mixte de son école, si florissante sous beaucoup de rapports. On avouait qu’il y manquait un esprit vivifiant. Je le crois bien : au nom de qui voudrait-on exciter l’ardeur ou réprimer les écarts de l’enfance ? L’image du Sauveur est bannie de l’école, et son nom y est proscrit, parce qu’il ne faut ni blesser les regards, ni effaroucher les oreilles des israélites. On parle de morale, et on n’ose pas donner à la morale son unique sanction positive. Le mot de charité se trouve remplacé par celui de philanthropie, étranger à notre langue, et qui ne porte pas avec lui, comme le mot de charité, l’idée d’un Dieu rémunérateur et vengeur.

Seine ; arr. de Sceaux, cant. de Villejuif. — Dans ce canton, l’instruction et les progrès des élèves ne sont pas aussi grands qu’on pourrait le désirer. En général, on ne trouve pas, dans les écoles, ce calme, cet ordre, cette discipline sans lesquels il n’y a pas de progrès. Il en est de même de l’éducation morale et religieuse, qui y est négligée.

Seine-et-Oise ; arr. de Pontoise. — G..... Je n’ai trouvé, dans cette école, aucune trace d’instruction religieuse.

Vaucluse ; arr. d’Orange. — ..... (Écriture). Les exemples donnés aux élèves, sont le plus souvent d’une insignifiance pitoyable, tandis qu’elles devraient parler au cœur et à l’esprit de l’enfant. Elles pourraient renfermer des maximes de morale, des vérités religieuses, scientifiques, historiques, etc., etc. ; elles rompraient alors la monotonie, jetteraient de la variété sur l’exercice, et exciteraient, par conséquent, l’intérêt des élèves. Dans l’arrondissement que nous avons inspecté, il est même des écoles où les enfants copient des alinéa dans les livres dont ils se servent en classe.

Ardennes. — L’adoption immédiate de la méthode de lecture sans épellation, éprouve de grandes difficultés. Les parents tiennent aux vieilles habitudes, et ne se prêtent qu’avec répugnance aux moindres changements à faire dans les livres mis entre les mains de leurs enfants. Les maîtres eux-mêmes n’ont pas assez de fermeté, et ne sont pas assez convaincus de la supériorité de cette méthode pour vaincre la répugnance des parents. Ceux qui en ont fait l’essai m’ont d’ailleurs déclaré qu’ils n’en avaient éprouvé de bons effets que sur des enfants dont l’âge avait suffisamment développé l’intelligence, et qu’elle ne produisait pas des résultats aussi avantageux sur de jeunes enfants qui commencent à fréquenter leurs écoles.

Calvados ; arr. de Bayeux, cant. de Balleroy. — Presque partout l’épellation est mauvaise, l’intonation fausse, les principes de ponctuation ignorés des élèves et des maîtres.

Aisne ; arr. de Soissons, cant. de Vailly. — La méthode Dupont s’introduit dans la plupart des écoles du canton, on pourrait même dire de l’arrondissement ; car j’ai rencontré beaucoup de maîtres, qui ont souscrit pour cette méthode, avec l’intention de l’employer à l’enseignement.

Meurthe ; arr. de Nancy. — Dans presque toutes les communes, on repousse la méthode de M. Dupont (la Citolégie). Nos jeunes maîtres sont continuellement à batailler avec les parents. J’ai cherché à les encourager, en leur faisant sentir que ce n’est pas par des paroles, mais bien par des succès qu’ils parviendront à persuader. La méthode si vantée de M. Dupont, en des mains moins habiles que les siennes, et j’en ai l’expérience, ne fera faire aux enfants de nos campagnes que de très-faibles progrès.

Meurthe ; arr. de Toul, cant. de Domèvre. — Dans les écoles où se pratique la Citolégie de M. Dupont, les élèves se dépouillent, en lisant, du vice d’accent de leur localité, tandis que partout où cette méthode n’est pas pratiquée, les enfants conservent les défauts de la prononciation de leur village.

Nord ; arr. d’Avesnes, cant. de Trélon. — Plusieurs communes ont un enseignement de lecture simultané, importé de Belgique, qui s’applique par le moyen d’une machine typographique ou composteur, et de tableaux, lesquels ne sont en harmonie, ni avec le système actuellement adopté en France, ni avec les alphabets envoyés par le Gouvernement, comme échantillons. Et cependant, partout on réclame l’uniformité de livres et de méthodes.

Aveyron ; arr. de Millau. — La routine et toujours la routine. Pas de principe de lecture, pas d’écriture.

Côte-d’Or, arr. de Dijon, cant. de Sombernon. — À l’exception de MM. Charlut de Saint-Jean-de-Bœuf et de Poirotte de Giffry-sur-Ouche, tous les instituteurs de ce canton ignorent l’art d’appliquer les méthodes nouvelles de lecture et même l’existence de ces méthodes : ils sont également arriérés sur une foule d’autres points.

Hautes-Alpes ; arr. de Briancon, cant. d’Argentine. — D’un autre côté, si les parents sentent qu’ils doivent soutenir le maître à l’égard de leurs enfants, ils ne lui permettent guère d’innover ; de là vient que la méthode individuelle subsiste encore dans diverses localités ; de là, encore, l’obligation imposée aux maîtres d’enseigner à lire en latin avant le français, l’une des principales causes du retard dans les progrès de l’enfance.

Aube ; arr. de Bar-sur-Seine. — Les élèves apprennent partout à lire le latin avant le français ; c’est une barbarie consacrée par l’usage ; j’ai fait promettre d’abandonner cette funeste habitude ; les enfants ne savent lire qu’en trois ou quatre ans au plus tôt.

Côte-d’or ; arr. de Beaune. — Lecture en latin précédant la lecture en français. En général, les maîtres s’inquiètent peu que les enfants attachent des idées aux mots, du sens aux phrases : Ils permettent trop facilement l’importation de livres au-dessus de la portée de jeunes intelligences. Leur mode d’enseignement trahit leur incapacité, leur fatigue ou leur mollesse. Sans attendre que les enfants soient embarrassés, sans les laisser chercher par eux-mêmes, ils leur disent les syllabes, les mots, les phrases. Les élèves répètent, ce sont des échos, ou plutôt et proprement des perroquets, car la mémoire seule entre en exercice.

Manche ; arr. de Coutances. — La lecture y est d’abord trop longtemps exclusivement latine, à quelques écoles près. L’enfant n’arrive à lire un livre français qu’après avoir épelé et lu plusieurs petits livres latins.

Manche ; arr. de Saint-Malo, cant. de La-Haye-du-Puits. — Les écoles primaires rurales sont encore réduites à la lecture presque exclusive des livres latins, les grandes et petites matines, le psautier, etc. Le très-petit nombre de livres français est, ou incomplet, ou mal choisi.

Haute-Marne ; arr. de Chaumont. — Dans la plupart des écoles, on met entre les mains des enfants des livres écrits en latin, ce qui les dégoûte de la lecture : épeler, lire des mots dans une langue inintelligible, me semble contraire à la raison.

Pas-de-Calais ; arr. de Montreuil, cant. de Hesdin. — Contes. L’instituteur commence par faire lire en latin, parce que ainsi le veut le curé. — Je lui ai ordonné de cesser de mettre les élèves à genoux sur un bâton triangulaire. Il croyait faire mieux que ses confrères qui se servent de la baguette pour frapper.

Manche ; arr. de Saint-Lô. — Partout on commence par lire du latin ; aussi les sons les plus caractéristiques de la douceur de notre langue (e muet et en) ne sont-ils presque jamais entendus ; les e se prononcent comme l’e du latin.

Ardennes ; arr. de Rocroy, cant. de Rumigny. — Dans la plupart des écoles, les élèves ne savent guère au-delà de la lecture et de l’écriture ; encore, la lecture y est-elle extrêmement vicieuse. L’accent du pays est désagréable, et il n’est pas possible de corriger cet accent, puisque les maîtres prononcent, presque tous, aussi mal que leurs élèves.

Cantal ; arr. de Murat. — On remarque surtout une mauvaise prononciation dans les écoles, en exceptant seulement celle que dirige M. Martin, à Murat.

Charente-Inférieure ; arr. de La Rochelle. — La lecture se fait sans aucune explication de la part du maître, sur le sens des mots ; il ne reprend pas même les nombreuses fautes de prononciation que les enfants commettent habituellement.

Côte-d’Or ; arr. de Beaune. — Prononciation défectueuse ; espèce de nazillement sourd et monotone, oubli des consonnances et des points de repos.

Hérault ; arr. de Béziers, tant. de Servian. — La prononciation des maîtres est détestable, dans ce canton, comme généralement dans tous les cantons de l’arrondissement.

Indre-et-Loire. — Une considération importante, qui doit faire espérer que l’instruction primaire trouvera quelque facilité à se répandre dans le département, c’est que, non seulement il n’y existe point de patois, mais que la langue commune, celle des paysans mêmes, ne manque ni de pureté ni d’élégance. L’observateur instruit trouve souvent bien du charme dans la naïveté des tours de la langue de Rabelais ; et le petit nombre de mots que le peuple lui-même commence à trouver barbares : part, pour enfants (partus), tollir, pour enlever (tollere), pindariser, pour faire le beau parleur, font aisément reconnaître que la Touraine a long-temps été la capitale de la langue française. La cour a passé là. L’étude de la langue offrira donc peu de difficultés aux enfants, et nous inviterons seulement l’instituteur à réformer un petit nombre de tournures, telles que celle-ci : je voudrais qu’il ferait beau ; quelques vices de prononciation que je vais énumérer :

1o Les é fermés sont généralement prononcés ouverts : péché se prononce pèchè.

2o Beaucoup de monosyllabes, tels que deux, trois, subissent, dans la prononciation, une espèce de trille qui leur donne le son de deux ll mouillés ; on prononce pour deux, trois, deûill, trôill.

3o Les terminaisons en ain se prononcent trop avec le son de gne : la main...... la maingne.

4o Le son des deux ll dénature presque toujours aussi les terminaisons féminines en ée : année se prononce anneille.

5o Non seulement le t final se fait sentir dans les mots où nous ne le prononçons pas d’ordinaire ; mais il se fait entendre, même dans plusieurs mots où il n’existe pas : la nuit, il prit, ici, se prononcent : la nuite, il prite, icite.

6o Les ô longs se prononcent trop bref : trône se prononce trone.

7o Enfin, la distinction du cas où l’r de l’infinitif, dans les verbes de la première conjugaison, doit sonner ou rester muet, est généralement méconnue dans les écoles.

Lot-et-Garonne ; arr. de Marmande. — La lecture est, en général, mauvaise ; les é fermés se prononcent comme les è ouverts, et réciproquement. L’écriture de beaucoup d’instituteurs est belle ; il y a même des progrès pour cette partie.

Manche ; arr. de Saint-Lô, cant. de Montebourg et de Quettehou. — Une grande partie des hommes de cette contrée sont grossiers et ignorants, et parlent un jargon barbare, composé de mots vieillis et surannés, et prononcés avec un accent détestable, inintelligible à l’étranger qui l’entend pour la première fois.

Meurthe ; arr. de Château-Salins, cant. de Dieuze. — Généralement, les écoles se traînent et sont sans vigueur ; les élèves sont généralement peu en état de lire et d’orthographier bien. L’accent est partout vicieux, et la prononciation peu correcte.

Nord ; arr. de Valenciennes, cant. de Bouchain. — Il faut remarquer que les enfants sont tellement accoutumés à entendre prononcer et à prononcer eux-mêmes i pour e, que, dans tout le canton, en lisant tant, pendant, en temps, ils prononcent tint, pindant, in timps.

Sarthe ; arr. de La Flèche, cant. de Lude. — La prononciation est aussi négligée de la part de quelques instituteurs, qui laissent contracter à leurs élèves des accents vicieux et détestables. Je citerai plus particulièrement à ce sujet l’école d’Arcères-le-Hamon, canton de Sablé, et celle d’Aubigné, canton de Mayet.

Seine ; arr. de Saint-Denis, cant. de Pantin, comm. de B……. — L’instituteur, qui est un peu paysan, a beaucoup de zèle. La prononciation des élèves est défectueuse ; leur ton traînant, comme dans la plupart des villages des environs de Paris.

Seine-et-Oise ; arr. de Pantoise, cant. de Luzarches. — Louvres. M. le maire et M. le curé se louent beaucoup de ce jeune maître (Noyron). Les progrès des enfants sont très-satisfaisants. J’ai pourtant remarqué, dans cette école, ainsi que dans toutes celles qui suivent le système Gallien, que les enfants ont une mauvaise prononciation et qu’ils parlent tous du nez.

Yonne ; arr. de Sens, cant. de Sargines. — ……. À Sognes, les habitants parlent fort mal, et, malheureusement, ils ont la manie de faire lire eux-mêmes leurs enfants, en sorte que, plus tard, lorsqu’ils les envoient à l’école, l’instituteur a bien de la peine à leur faire perdre leur épouvantable prononciation, et souvent ne peut y parvenir.

Manche ; arr. de Saint-Lô, cant. de Canisy et de Carcutan. — L’orthographe est trop généralement négligée. De plus, dans plusieurs communes du canton de Carcutan, la prononciation est affreuse. J’ai insisté auprès des instituteurs, pour qu’ils redoublassent de zèle et qu’ils corrigeassent, autant que possible, dans leurs écoles, ce vice de prononciation, qui tient au pays, et que les enfants contractent en commençant à parler.

Saône-et-Loire. — Quelques instituteurs s’efforcent de corriger le mauvais accent des écoliers. Mais le contact de ces derniers avec la population, et leurs sept mois de vacances, leur rendent tous les vices de leur prononciation.

Vaucluse ; arr. d’Orange, cant. de Beaumer, de Malamene et de Vaison. — Il est encore des pères de famille qui, se défiant des lumières de l’instituteur, donnent, au sortir de l’école, des leçons à leurs fils ; s’il s’agit de lecture, par exemple, ils les font prononcer autrement que le maître. Ainsi, tandis que l’instituteur édifie, le père mine.

Aube ; arr. d’Arcis-sur-Aube, cant. de Méry-sur-Seine. — Dans les deux cantons que j’ai parcourus, les enfants prononcent mal, très-mal, une foule d’expressions. J’ai prié les instituteurs de vouloir bien dresser un tableau synoptique de toutes les locutions vicieuses qu’ils remarquent dans leurs villages respectifs ; on dresserait ensuite un tableau général de toutes les locutions barbares de la contrée, on l’imprimerait pour l’afficher dans chaque école. Tous les jours, en finissant la classe, ou même en la commençant, l’instituteur fixerait l’attention des élèves sur la mauvaise, sur la bonne prononciation.

Cher ; arr. de Bourges. — Lecture et prononciation. C’est la partie honteuse dans toute l’Académie. S’il n’existe pas de patois proprement dit, l’élocution n’en est pas moins défectueuse. Ce mauvais exemple, que les enfants trouvent dans leurs familles, on le combattrait dans les écoles, avec quelque chance de succès, en y répandant un petit recueil de fautes familières au pays.

Côte-d’Or ; arr. de Beaune. — Par cette méthode, tel qui lit couramment un volume tout entier, n’est pas en état de déchiffrer deux lignes d’un autre volume. On ne voit que dans un petit nombre d’écoles des manuscrits et des cahiers lithographiés.

Meurthe ; arr. de Lunéville. — Les enfants, quand ils sortent des écoles, savent tous lire plus ou moins les imprimés, et ne peuvent déchiffrer qu’avec peine, les manuscrits. Ne devrait-on pas leur mettre entre les mains des manuscrits lithographiés, dans lesquels les difficultés de la lecture seraient graduées, de sorte que les élèves, après avoir parcouru le manuscrit, fussent en état de lire une pièce d’écriture quelconque. Après ces exercices, ils ne seraient pas exposés plus tard à signer en aveugles une lettre, un contrat, un billet, etc., ou forcés d’initier un étranger dans leurs secrets de famille, en se faisant lire les lettres qu’ils reçoivent.

Meurthe ; arr. de Lunéville. — La lecture dans les manuscrits est une partie presque entièrement négligée dans toutes les écoles.

Meuse ; arr. de Verdun, cant. d’Étain. — Les manuscrits lithographiés, que le conseil royal envoie aux instituteurs, ne remplissent pas complètement le but qu’on s’était proposé. Ils ne donnent pas la connaissance des anciennes formes d’écritures ; il serait donc dans l’intérêt des familles de faire autographier des manuscrits remarquables de plusieurs siècles différents, et de les mettre entre les mains des enfants les plus habiles pour la lecture. On leur donnerait ainsi le moyen de lire les anciens titres de famille, des communes, etc., etc.

Gard ; arr. d’Uzès, cant. de Bagnols. — Toute l’instruction qu’ils reçoivent se borne à la lecture et à l’écriture, et, dans certaines localités, ils n’écrivent même pas.

Seine-Inférieure ; arr. d’Yvetot, cant. de Fanville. — Les préjugés qui empêchent les enfants d’apprendre à écrire seront plus difficiles à vaincre. « L’écriture nuit, dit-on à la lecture ! Les pauvres n’ont pas besoin de savoir écrire. »

Aube ; arr. de Bar-sur-Aube, cant. de Bar-sur-Aube. — Les écoles du canton de Bar-sur-Aube sont dans un état à peu près satisfaisant, si on le compare avec l’état ancien ; et fort incomplet, si l’on considère ce qui est, et ce qui devrait être.

L’enseignement de la lecture et de l’écriture est bon, presque partout. Les nouvelles méthodes ont été introduites dans la plupart des écoles, et j’ai trouvé les enfants lisant et écrivant bien, et, de plus, accoutumés à une tenue qu’il a été fort difficile d’obtenir.

Cantal ; arr. de Mauriac. — Ceux qui ont une écriture nette et coulante manquent de principes.

Côte-d’Or ; arr. de Beaune. — Les cahiers qui, d’ailleurs, ne sont que des copies de modèles ou de livres, sont assez propres et assez soignés. En général, il n’y a pas beaucoup à se plaindre de l’écriture : cela tient probablement, 1o à ce que les instituteurs font souvent écrire leurs enfants, parce qu’en leur donnant quelque chose à copier, ils trouvent moyen de les occuper sans s’occuper d’eux ; 2o à ce que l’écriture exige, soit de la part du maître, soit de la part de l’élève, moins d’efforts d’intelligence que la lecture ; car l’esprit, lorsque l’éducation de la réflexion n’est pas faite, se plie, par-dessus tout, à des tracés matériels et sensibles.

Vendée ; arr. de Bourbon-Vendée. — L’écriture est faible, ou même mauvaise, dans le plus grand nombre des écoles, ce qui tient à un singulier préjugé des paysans. Ils regardent comme peu capable l’instituteur qui ne donne pas à ses élèves des exemples de sa propre main, et qui emploie des exemples gravées.

Charente-Inférieure ; arr. de Saint-Jean-d’Angély, cant. de Malta. — Pour ce qui est du calcul, on ne trouve, pour la plupart du temps, aucun raisonnement, et le grand défaut de n’exercer les enfants que la plume à la main. Plusieurs, cependant, ont compris que la partie pratique du calcul (calcul de tête) est une étude très-importante. Deux ou trois instituteurs seulement donnent aux enfants de petits problèmes à résoudre, sans les écrire, et se rapportant à la profession des parents. Pour ce qui est de la langue maternelle, l’ancienne épellation est toujours usitée. Les élèves croient, ainsi que plusieurs des maîtres, que lire vite, c’est bien lire. Il ne faut pas oublier de dire que, d’ordinaire, dans une classe de cinquante élèves, trente écrivent en gros, ou en fin, mais toujours à main posée. On ne s’occupe, pour ainsi dire pas, de leur donner une écriture courante bien lisible, et qui, en remplissant le vœu des parents, leur serait plus tard du plus grand avantage. Dans plusieurs écoles, vous voyez des exemples, ou mal choisies, ou écrites à la hâte, ou mal orthographiées.

Haute-Marne ; arr. de Langres, cant. de Varennes. — Vous verrez, M. le recteur, qu’il y a deux, trois, quelquefois quatre prix dans la même école, pour la rétribution mensuelle. Dans mon opinion, c’est une faute ; c’est laisser aux familles un prétexte de différer le moment où l’on pourrait faire écrire les enfants, pour épargner quelques sous ; on remet la chose à une autre année, et les enfants grandissent sans rien savoir.

Meurthe ; arr. de Lunéville, cant. de Blamont. — Dans presque toutes les communes rurales, les parents ne veulent pas que leurs enfants apprennent d’abord à écrire et à chiffrer, parce que la rétribution est de 4 ou 5 sous de plus par hiver, pour la classe de ceux qui écrivent, et encore parce qu’il faudrait user des plumes et du papier.

Moselle ; arr. de Metz, cant. de Vigy. — Il y a ordinairement deux prix, un pour ceux qui n’écrivent pas, un autre plus fort pour ceux qui écrivent ; quelquefois même un troisième pour ceux qui apprennent l’arithmétique, et le reste, quand il y a lieu. Ces différentes catégories sont stipulées dans les traités passés entre les instituteurs et les conseils municipaux. Rien n’est plus nuisible à l’avancement des enfants, parce que les parents calculent ce qu’il faut payer de plus pour une instruction supérieure. C’est un fait constaté, il faudrait que partout on fixât un seul prix.

Orne ; cant. de Moulins-la-Marche. — Un très-petit nombre d’enfants, même parmi ceux qui apprennent à écrire, sont exercés au calcul et à écrire sous la dictée. Cela tient à ce que la rétribution mensuelle varie avec chaque objet de l’enseignement. Il en résulte que beaucoup de parents, par une économie déplorable, se contentent de faire apprendre à lire et à écrire à leurs enfante, et négligent, pour quelques centimes, les deux objets d’étude les plus propres à développer leur intelligence, et de l’usage le plus fréquent.

Hautes-Pyrénées ; arr. de Tarbes. — Dans presque toutes les communes, les élèves qui apprennent à écrire paient une rétribution plus forte que les autres. Cette différence, qui ne s’explique que par la routine qui règne presque partout, est funeste. Les parents, par calcul, s’opposent à ce que les enfants commencent de bonne heure à apprendre à écrire. Si la rétribution était la même pour tous, les enfants, apprenant à écrire en même temps qu’ils apprennent à lire, feraient bien plus de progrès ; ils se développeraient plus promptement. J’ai cru voir, dans quelques communes, des préventions contre l’étude de la grammaire ; elles sont surtout entretenues par l’obligation où sont les élèves, qui s’y livrent, de payer une rétribution plus considérable encore.

Aude ; arr. de Narbonne, cant. de Sigean. — Les cahiers sont, en général, bien tenus ; mais on suit encore l’ancienne méthode, de n’admettre les enfants aux leçons d’écriture que quand ils savent lire.

Côte-d’Or ; arr. de Beaune. — Grâce à un préjugé, répandu dans les campagnes, auquel les instituteurs obéissent, l’écriture ne commence qu’après l’époque où les élèves passent pour savoir lire ; c’est-à-dire, lorsqu’ils ont atteint l’âge de onze ou douze ans ; quelquefois treize, quatorze ans dans les écoles où règne la méthode individuelle. Ainsi, la mobilité de l’enfance, pendant une durée moyenne de six années, reste fixée sur un banc, oisive et inoccupée, trois ou quatre heures le matin, et autant le soir, à l’exception d’un quart d’heure de lecture.

Gers ; arr. d’Auch, cant. d’Auch. — Sous le rapport de l’enseignement, la lecture est extrêmement défectueuse, l’écriture seule est passable, mais le nombre de ceux qui écrivent est beaucoup trop restreint ; cela tient à ce que les instituteurs, méconnaissant en cela les inclinations de la nature, sont persuadés que l’élève ne doit commencer à manier la plume que lorsqu’il sait déjà lire couramment.

Haute-Marne ; arr. de Chaumont, cant. d’Arc et de Château-Villain. — L’état de l’enseignement est peu satisfaisant dans les cantons d’Arc et de Château-Villain, ainsi que dans les autres cantons que j’ai inspectés. On lit assez bien dans toutes les écoles ; mais la lecture absorbe exclusivement un temps incroyable. On écrit médiocrement bien, parce que les pères et les mères s’opposant à ce qu’on fasse écrire les enfants avant qu’ils sachent lire, il en résulte qu’ils sortent souvent des écoles sans savoir écrire couramment. On calcule dans toutes les écoles, mais absolument de routine et sans principes ; il n’est pas rare de rencontrer, dans les écoles, des élèves qu’on a exercés sur les règles de trois, etc., etc., qui ne savent pas même lire ou écrire un nombre : on ne leur fait pas même apprendre les tables d’addition, etc., etc.

Aude ; arr. de Limoux, cant. de St-Hilaire. — Point d’arithmétique.

Aveyron ; arr. de Milhau. — Pas de calcul.

Lozère ; arr. de Mende. — On observe, sur tout l’arrondissement, que l’instruction primaire y est, en général, déplorable. On n’y enseigne que la lecture, l’écriture, et peu ou point de calcul.

Haut-Rhin ; arr. d’Altkirch, cant. de Landser, d’Huningue, de Mulhausen. — L’enseignement, dans les quatre cantons que j’ai visités, est loin de répondre à ce qu’on aurait droit d’en exiger. Dans la plupart des écoles, les élèves, après une fréquentation de six à sept années, ne lisent le français que très-péniblement ; et, même en allemand, ils ne vont pas plus loin que la lecture et l’écriture. Quant à ce qu’ils apprennent du calcul, ce n’est pas la peine d’en parler.

Alpes (Hautes) ; arr. de Briançon, cant. de Monêtier. — Les maîtres sont encore dans l’usage de dicter ou de faire copier de vieux cahiers de chiffres, au lieu de suivre un bon auteur, ce qui est fort préjudiciable aux progrès.

Ardennes ; arr. de Réthel. — Un traité d’arithmétique, simple, clair, très-élémentaire (l’arithmétique des écoles primaires de Bergery par exemple), est d’autant plus nécessaire, que la plupart des maîtres donnent de vive voix seulement des leçons d’arithmétique. Tous n’ont pas le talent de le faire avec clarté, avec méthode, et il arrive souvent que de ces leçons il ne reste rien aux élèves.

Ardennes ; arr. de Rocroy, cant. de Rumigny. — L’arithmétique surtout est mal enseignée.

Jubé ; arr. de Troyes. — Partout la routine préside à l’enseignement du calcul.

Aube ; arr. de Troyes. — La routine, et le défaut absolu de raisonnement pour l’enseignement du calcul, m’ont paru un des vices les plus généralement répandus dans les écoles. Les maîtres ne comprennent pas même l’avantage d’une démonstration. Quant aux enfants, même les plus avancés, ils ne savent pas pourquoi, dans tel cas donné, il faut faire une multiplication plutôt qu’une division ; si on insiste un peu, on les fera diviser, quand eux-mêmes ont reconnu qu’il faut multiplier ; si on ne leur pose pas la règle, ils ne savent comment opérer : bien des maîtres en sont là ; toute leur arithmétique se réduit à chiffrer.

Gers ; arr. d’Auch. — La connaissance de la grammaire, de l’orthographe et du calcul est à peu près nulle.

Loir-et-Cher ; arr. de Blois. — Le calcul est enseigné au moyen d’une routine d’opérations qui sont plutôt indiquées qu’expliquées, et sans aucune démonstration théorique. Presque généralement, la grammaire, l’orthographe, les premières notions de géographie et d’histoire ne font point partie de l’enseignement.

Lot-et-Garonne ; arr. de Marmande, cant. de Mas-d’Agenais. — En général, l’enseignement du calcul est mauvais ; il n’y a point de méthode. Une routine aveugle les conduit ; c’est toujours une série d’exemples pris au hasard dans des nombres complexes. Les élèves ne connaissent ni les noms ni les valeurs des nouvelles mesures.

Haute-Marne ; arr. de Chaumont, cant. de Suzennecourt. — L’instruction primaire, dans ce canton, tend vers l’amélioration ; l’utilité paraît en être bien sentie, du moins par les autorités locales. Dans un grand nombre de communes, j’ai trouvé en construction, ou entièrement achevés, des locaux vastes, salubres, bien distribués, pour les écoles et le logement des instituteurs. Partout l’impulsion est donnée ; il y a très-peu de villages stationnaires ; la plupart tendent vers une progression qui promet à la civilisation des campagnes de salutaires effets. Ce qui en général m’a paru occuper le plus les écoles, c’est l’écriture, ensuite la lecture et l’orthographe. L’instruction religieuse n’est pas négligée, mais le calcul n’est peut-être pas assez soigné. J’ai trouvé peu d’enfants qui sussent lire couramment un nombre de plusieurs chiffres, et encore moins l’écrire sous la dictée, et néanmoins ces enfants pratiquaient passablement les quatre premières règles sur les nombres entiers.

Mayenne ; arr. de Château-Gonthier. — Les résultats de leurs efforts, que m’ont offerts MM. les instituteurs primaires (hors ville), sont loin d’être satisfaisants. Lire passablement, écrire assez mal et sans orthographe, chiffrer plus mal encore (addition, soustraction et rarement multiplication, division et quelques règles de trois) sans principes, sans intelligence aucune des questions qu’on résout avec ces règles ; voilà tout ce que généralement on enseigne aux enfants.

Meurthe ; arr. de Nancy, cant. de Pont-à-Mousson. — Dans les communes rurales, on ne fait écrire et calculer les élèves que quelques mois avant la première communion, époque après laquelle soupirent les parents pour retirer les enfants de l’école.

Puy-de-Dôme ; arr. d’Ambert. — L’enseignement du calcul ne s’étend guère au-delà des quatre premières opérations de l’arithmétique, dont on se contente d’apprendre le mécanisme aux enfants, sans leur en faire connaître les applications.

Basses-Pyrénées ; arr. de Pau. — La lecture est vicieuse et incorrecte, car les élèves ne peuvent pas parler mieux que le maître ; le calcul est purement mécanique, on le réduit à quelques définitions apprises par cœur, sans être comprises.

Seine-Inférieure ; arr. d’Yvetot, cant. de Fauville. — L’arithmétique est enseignée individuellement, routinièrement ; et, à un petit nombre d’écoles près, les enfants ne peuvent nullement rendre compte de ce qu’ils font.

Aube ; arr. et cant. de Bar-sur-Aube. — L’enseignement de l’arithmétique est en général fort défectueux, il ne consiste que dans l’assemblage des chiffres, sans démonstration, sans raisonnement ; les instituteurs ne comprennent pas le besoin d’insister sur la numération, et c’est à peine si une seule école est bien tenue sous ce rapport ; celle de Bar-sur-Aube même n’est pas plus avancée que les autres. Quoique des tableaux noirs aient été placés dans la plupart des écoles par les soins du comité, la vieille et mauvaise habitude de poser des règles aux enfants sur leurs cahiers dure encore, et il sera difficile de la réformer.

Charente-Inférieure ; arr. de La Rochelle. — Les maîtres n’enseignent pas la numération, ne donnent aucune idée claire sur les nombres, et néanmoins ils font faire des calculs sur les nombres entiers et fractionnaires. Voyez aussi 351, Haute-Marne.

Ardennes ; arr. de Réthel. — L’enseignement du calcul est presque nul, les nouvelles mesures y sont ignorées ; le calcul décimal y est tout-à-fait négligé.

Aube ; arr. et cant. de Bar-sur-Aube. — Le calcul décimal est partout négligé, parce que les instituteurs, qui le connaissent à peine, ne font rien pour en propager l’enseignement, et il est vrai de dire qu’ils seraient encore paralysés dans leurs bonnes dispositions par la résistance des habitants.

Aube ; arr. de Bar-sur-Aube, cant. de Vandœuvres. — Quant aux fractions décimales, elles sont entièrement ignorées, l’arpentage s’y fait même presque généralement avec les vieilles mesures, parce que les instituteurs ne connaissent pas les nouvelles.

Creuse ; arr. d’Aubusson et de Bourganeuf. — On y calcule assez bien de mémoire, mal la plume à la main ; le calcul décimal et le système métrique est ignoré partout ; la faute en est aux connaissances bornées des instituteurs.

Maine-et-Loire ; arr. de Baugé. — J’ai remarqué dans presque toutes les écoles une grande ignorance des principes du calcul décimal et surtout du nouveau système métrique. Une instruction sur ce système devrait, ce me semble, être répandue avec profusion dans les écoles.

Hautes-Pyrénées ; arr. et cant. de Tarbes (nord.) — Il y a des communes où les parents ne veulent pas que leurs enfants apprennent le calcul décimal. C’est pour eux une innovation qui contrarie leurs idées et leurs vieilles habitudes ; aussi cette étude est nulle. Je ne dirai rien de la géographie, de l’histoire, du dessin linéaire ; on ne s’en occupe point dans les communes rurales.

Eure ; arr. de Bernay. — Le système des mesures légales est presque ignoré.

Gers ; arr. d’Auch. — Non seulement les élèves, mais les maîtres eux-mêmes sont complètement étrangers à l’intelligence et aux applications du système métrique.

Gironne ; arr. de Blaye, cant. de Blaye et de Ciers-la-Lande.— Peu d’enfants lisent couramment au bout de cinq ou de six ans, et dans les écoles de ces deux cantons (la ville de Blaye exceptée), il n’y a pas vingt enfants qui apprennent la grammaire française, pas un qui connaisse le système légal des poids et mesures.

Jura ; arr. de Lons-le-Saulnier. — Il y a fort peu d’écoles où, dans l’étude de l’arithmétique, on joigne la théorie à la pratique ; j’ai trouvé presque partout une ignorance complète du système métrique.

Haute-Marne ; arr. de Chaumont, cant. de Chaumont, Andelat, Suzennecourt, Vignory, Doulevant, Doujeux, St.-Blin. — J’ai trouvé peu d’enfants qui lussent bien ; j’en ai trouvé un plus grand nombre qui avaient une assez belle écriture, et qui orthographiaient assez bien les phrases que je leur dictais ; mais j’en ai vu peu qui connussent passablement les principes de la langue française, et encore moins qui eussent de saines notions d’arithmétique. Très-peu connaissent passablement les parties décimales et les mesures légales ; cependant, ces mesures, le gouvernement ne peut les rendre populaires que par le moyen des instituteurs et la plupart n’en savent que les mots sans rien comprendre au système métrique. Plusieurs montrent sur le terrain à arpenter, mais ils se traînent en aveugles sur l’ancienne routine à laquelle ils appliquent toujours l’ancien calcul. Quelques instituteurs font lire les élèves dans des ouvrages élémentaires de géographie et prétendent ainsi enseigner cette science ; mais je me suis assuré par moi-même qu’ils y étaient complètement étrangers, et qu’ils n’avaient pas même l’usage des cartes.

Pyrénées-Orientales ; arr. de Ceret. — L’indifférence des parents est telle, qu’ils exigent que l’instituteur n’exerce pas les élèves au nouveau système des poids et mesures, dont on ne peut guère introduire l’usage chez eux.

Aube ; arr. de Bar-sur-Seine, cant. d’Essoyes, Vitry-le-Croisé. — J’ai été très-satisfait de cette école et de l’instituteur ; j’ai vu avec plaisir toutes les figures géométriques construites en carton ou en bois ; le cube divisé sur une de ses faces en toises, sur l’autre en pieds, et sur l’autre en fractions décimales ; la toise, le mètre, le pied, le décimètre et l’aune exposés sans cesse à la vue des enfants ; l’instituteur a pris les mêmes précautions pour matérialiser la connaissance du litre, du kilogramme.

Charente-Inférieure ; arr. de Rochefort. — J’ai fait déposer dans toutes les écoles les modèles des principales mesures avec le tableau comparatif de leur rapport avec les mesures locales. Ainsi, les oreilles de nos jeunes paysans ne seront plus frappés de mots qui ne laissent aucune trace dans leurs esprits, parce qu’ils étaient séparés des réalités qui devaient parler à leurs sens, et lier étroitement une nomenclature qui ne leur paraîtra plus extraordinaire, parce qu’elle leur deviendra familière, à des modèles placés sous leurs yeux, mis entre leurs mains, reproduits au tableau noir.

Vendée ; arr. de Bourbon-Vendée. — L’école où se tiendraient ces conférences, devrait renfermer des étalons de poids et mesures, des instruments de dessin linéaire et d’arpentage, des modèles en bois des principaux solides dont s’occupe la géométrie, et quelques cartes de très grande dimension (mappe-monde, les cinq parties du monde, la France). Il serait bien à désirer que ces mêmes objets pussent se trouver dans toutes les écoles de quelque importance.

Ardennes ; arr. de Réthel. — À peine parle-t-on de grammaire française dans deux ou trois écoles.

Jura ; arr. de Lons-le-Saulnier, cant. d’Arinthod. — L’étude de la grammaire française est singulièrement négligée dans le canton d’Arinthod. Je citerai la commune de Chisseria où depuis quinze ans on n’a pas encore ouvert dans l’école une grammaire ; les parents s’y opposent ; ils n’en veulent pas faire la dépense, et il serait urgent d’envoyer une douzaine de grammaires dans cette commune.

Drôme ; arr. de Nyons. — Le chef du pensionnat de N.... a défendu aux instituteurs d’enseigner la grammaire, de sorte que, dans la plupart des communes, les enfants ont été dans l’impossibilité de me dire quelle différence il y avait entre un nom et un verbe.

Aube ; arr. de Troyes. — Dans une quinzaine de communes, les maîtres m’ont dit que les parents s’opposent non seulement à l’enseignement, mais même à la lecture de la grammaire.

Doubs ; arr. de Besançon, cant. de Besançon et Banlieue. — Beaucoup de parents ne veulent point qu’on enseigne à leurs enfants autre chose qu’un peu d’écriture, de calcul sans théorie et de lecture des papiers (manuscrits). La géographie et la grammaire sont proscrites dans beaucoup de communes.

Oise ; arr. de Beauvais. — Dans certaines localités que j’ai signalées chacune en son lieu, les parents ne veulent pas que leurs enfants apprennent la grammaire française, parce que, disent-ils, elle leur casse la tête. Quelle indifférence !

Somme ; arr. d’Abbeville, cant. d’Hallencourt. — Il existe dans plusieurs communes de ce canton une indifférence complète pour l’instruction. Il y en a même où les parents ne prétendent pas que leurs enfants calculent, sous prétexte que cela leur casse la tête.

Somma ; arr. d’Amiens, cant. de Bougainville. — Les habitants sont si grossiers qu’ils défendent à l’instituteur de faire voir la grammaire aux enfants ; et cependant ils se plaignent du peu de capacité des enfants.

Var ; arr. de Grasse, cant. d’Antibes. — Aux reproches que j’ai faits, tous les instituteurs m’ont répondu, que les parents ne voulaient point acheter de grammaire à leurs enfants, qu’ils disaient que la lecture et l’écriture suffisaient, qu’eux et leurs pères avaient bien appris à lire sans grammaire. Il n’est point de pays plus arriéré.

Ardennes ; arr. de Vouziers, cant. de Grand-Pré. — Dans la plupart des communes, les parents ont une aversion prononcée pour les innovations qui peuvent améliorer l’enseignement. J’en pourrais citer plusieurs où les instituteurs ont eu une peine infinie à introduire la grammaire française dans le programme des études. J’ai indiqué à chaque instituteur le moyen de faire ces innovations sans froisser personne, pas même les curés qui ne contrarient pas les maîtres, peut-être parce qu’ils suivent l’ancienne routine ; mais qui pourraient bien ne pas voir d’un bon œil la moindre innovation, même celle de la suppression de l’épellation dans l’enseignement de la lecture.

Côte-d’Or ; arr. de Beaune. — La grammaire est entièrement abandonnée dans la plupart des écoles : 1° parce que les instituteurs eux-mêmes ne la savent pas ; 2° parce que les parents, ou la trouvent inutile ou ne veulent pas faire la dépense d’un livre ; 3° parce que la lecture, l’écriture et les éléments du calcul suffisent, et de reste, pour absorber tout le temps des instituteurs qui emploient la méthode individuelle.

Jura ; arr. de Lons-le-Saulnier. — L’étude de la grammaire est généralement trop négligée ; beaucoup de parents ne veulent pas faire, sous ce rapport, aucune dépense. Ils vous disent avec un sang-froid imperturbable : « Nos pères ont bien vécu sans cela ; nous vivons bien sans cela, et nos enfants pourront faire de même. »

Marne ; arr. d’Épernay, cant. de Fère-Champenoise. Au reste, telle est la force de l’habitude dans ces communes, que celui qui proposerait aux parents des méthodes plus parfaites, et un enseignement plus complet, serait mal accueilli.

L’enseignement de la grammaire, par exemple, et par conséquent de l’orthographe est impossible à des enfants dont les parents refuseraient nettement d’y donner la main. « Il faut, disent ils, faire comme on a fait pour eux, et rien au-delà. » Toute espèce de nouveauté les révolte, et, si le maître insiste, il s’expose à une foule de désagréments ; et les parents chargent en quelque sorte leurs enfants de venger leur ridicule amour-propre.

Nord ; arr. et cant. d’Avesnes (nord). Les cours de grammaire et d’orthographe sont presque des exceptions, tant le nombre des élèves qui les suivent est restreint (3 ou 4 sur 40).

Ardennes ; arr. de Vouziers, cant. de Vouziers. — Il n’y a, dans ce canton, qu’un très-petit nombre d’écoles où on enseigne un peu de grammaire française et d’orthographe.

Aube ; arr. de Troyes. — L’orthographe et la grammaire sont nulles.

Aube ; arr. de Troyes. — L’orthographe et la grammaire sont encore plus mal traitées ; là, il n’y a pas même de routine : ignorance complète.

Cantal ; arr. de Mauriac. — Les exercices d’analyse grammaticale et d’orthographe manquent presque partout, de sorte que les leçons de grammaire n’ont pas de résultats sensibles.

Doubs ; arr. de Besançon. — Les élèves lisent presque toujours sans comprendre le sens de leurs lectures.

Gard ; arr. d’Uzès, cant. de Bagnols. — L’état de l’enseignement, dans les communes du canton de Bagnols, laisse beaucoup à désirer ; pour mieux dire, il est nul. Dans aucune école je n’ai trouvé des enfants qui fussent capables de répondre à la moindre question sur la grammaire française. Dans la plus grande partie de ces écoles, les élèves ont entre les mains différents livres ; comme histoire, géographie, arithmétique, grammaire, etc., mais tous ces livres leur servent seulement pour la lecture ; ils n’apprennent rien par cœur, ils ne rendent compte de rien ; le maître ne leur donne aucune explication.

Lot-et-Garonne ; arr. d’Agen, cant. de Puymiral. — La langue française est, comme dans les autres cantons, bien négligée.

Lot-et-Garonne ; arr. de Marmande, cant. de Mas-d’Agenais. — L’enseignement de la grammaire est nul dans toutes les écoles que j’ai inspectées. Voici comment on le pratique : l’instituteur prescrit une leçon à l’élève, sans la lui expliquer, et le condamne à la lui réciter. S’il ne la sait pas, le maître envoie l’élève à sa place, et lui dit gravement : « vous ne savez pas votre leçon. »

Haute-Marne ; arr. de Chaumont, cant. de Vignory. — Les instituteurs savent passablement la grammaire française ; ils enseignent, pour la plupart, l’orthographe d’après la méthode de M. Gallien. Mais cette méthode a le désavantage de dénaturer la nomenclature précise de la grammaire, et les élèves, dans leurs analyses, ignorent presque toujours les rapports que les mots ont entre eux, et la fonction qu’ils remplissent dans le discours.

Haute-Marne ; arr. de Vassy, cant. de Donjeux. — Dans plusieurs écoles, l’enseignement des vrais principes est délaissé, on s’en tient à la méthode de Gallien pour montrer l’orthographe.

Puy-de-Dôme ; arr. d’Ambert, cant. d’Ambert. — L’étude de la grammaire se borne à la conjugaison machinale des verbes, ou à la récitation de quelques pages auxquelles l’élève ne comprend rien, parce qu’on ne les lui explique pas.

Pyrénées-Orientales ; arr. de Perpignan. — La grammaire est la partie la plus faible de l’enseignement, dans nos écoles ; presque tous les instituteurs se contentent de faire apprendre par cœur l’abrégé de Lhomond sans en faire jamais l’application à des exemples ou à des analyses de phrases dictées.

Yonne ; arr. de Sens. — Souvent, un instituteur vous présente un enfant de quatorze ans qui passe pour le héros de son école ; il récite, sans s’arrêter, deux pages de grammaire (toujours les deux premières), et ne comprend pas un mot de ce qu’il récite.

Manche ; arr. de Saint-Lô, cant. de Percy, de Thessy et de Thorigny. — Dans beaucoup d’écoles, l’on n’a jamais enseigné dans quel pays du monde on était, à quel peuple on appartenait. Je me suis assuré que plusieurs enfants ne le savaient pas. On ignore, presque universellement, à l’école, que la France se divise en départements, les départements en arrondissements, etc. Ce n’est que par tradition qu’on l’apprend en vieillissant. Rien de ce qui concerne l’agriculture, les arts, l’hygiène, n’est enseigné ; nulle part on n’apprend à peser et à mesurer, comme on doit peser et mesurer légalement. Aucun échantillon de mesures n’est déposé dans les écoles ; les instituteurs ne connaissent pas le système métrique.

Aube ; arr. de Bar-sur-Seine, cant. de Mussy-sur-Seine. — Il est assez curieux de remarquer encore que, dans tout le canton, il n’y a qu’un instituteur du troisième degré ; que, dans presque toutes les écoles, on trouve un décamètre et une équerre, que les enfants s’occupent d’arpentage, et que les vacances sont réduites à trois mois, à deux mois et même à six semaines, c’est un des signes les plus infaillibles de la prospérité des études.

Charente-Inférieure ; arr. de Saint-Jean-d’Angély, cant. de Malta. — J’ai vu l’arpentage seul, conduit vers son véritable but, dans les écoles rurales, et cela, parce qu’on en éprouve le besoin journalier. Les instituteurs qui possèdent cette connaissance, sont arpenteurs connus à plusieurs lieues aux environs, et se font, en cette qualité, un éventuel très-honnête.

Vosges ; arr. de Neuf-Château. — L’arpentage est enseigné dans presque toutes les écoles ; le dessin linéaire, l’histoire et la géographie dans quelques-unes.

Aube ; arr. de Bar-sur-Seine, cant. de Chaource. — L’arpentage est enseigné dans presque toutes les écoles, je ne l’ai indiqué que dans celles où l’on conduit les élèves sur le terrain ; mais les procédés employés par les instituteurs, au lieu d’être fondés sur les principes de la géométrie, sont de grossières approximations transmises par la routine, et dont aucun maître ne s’est avisé de rechercher le principe. L’erreur du résultat peut aller du 1/6 au 1/4 de la véritable contenance, dans certains cas un peu compliqués.

Haute-Marne ; arr. de Chaumont. — Il en est de même du chant ; quelques élèves apprennent seulement la musique de l’antiphonaire et du graduel. Un choix de cantiques et autres poésies d’un chant simple, facile et harmonieux serait, pour les élèves, une agréable suspension des divers exercices de l’école. Je ne dis rien des autres avantages qu’il y aurait à cultiver un organe qui répand dans la société tant d’agrément.

Yonne ; arr. de Sens, cant. de Sargines. — Nous ne sommes qu’à trente lieues de Paris et, cependant, il est certaines communes dans lesquelles les enfants ont plutôt l’air de petits hottentots que de français ; prononciation, grammaire, bon sens, ils écorchent tout. Le nom d’un fleuve, d’une montagne, d’une ville de France leur fait dresser les oreilles et ouvrir de grands yeux. Il en est à peine vingt qui sachent faire les quatre règles. Arpentage, dessin linéaire, sont des mots inconnus, même pour le maître. Lorsque, sur cent élèves, on en trouve douze qui savent lire couramment et écrire passablement, on doit s’estimer heureux, et plus heureux encore si on n’entend pas, autour de soi, un bourdonnement assourdissant, que les petits marmots prennent pour une preuve de zèle et de bonne volonté.