Tableau du royaume de Caboul et de ses dépendances dans la Perse, la Tartarie et l’Inde/Tome 2/Éducation des Afghans

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TABLEAU
DU
ROYAUME DE CABOUL

ÉDUCATION DES AFGHANS.

Ce sont les mollahs qui se chargent de l’éducation des enfans. On ne leur apprend guère plus que les prières communes, quelques passages du Koran, les cérémonies de leur religion, et les devoirs d’un Musulman. À Peshawer, et chez les Douraunées, on exerce les élèves à lire le Koran en langue arabe, sans toutefois qu’ils puissent le comprendre. Dans les autres tribus, cette espèce d’étude est le partage exclusif des classes supérieures. Quant aux enfans d’une condition obscure, il n’y en a pas un quart qui puisse lire dans leur propre langue.

Les personnes riches ont chez elles des mollahs pour élever leurs enfans ; mais les fonctions de ces gouverneurs se réduisent à celles de maîtres d’école. Le mollah qui présidoit à l’éducation du fils du premier ministre me disoit qu’il avoit passé toute la journée à faire lire ce jeune homme, alors âgé de seize ans.

Il y a dans chaque village un maître d’école à qui l’on donne une pièce de terre à cultiver, et qui reçoit de plus une petite rétribution de ses élèves. Ses fonctions se confondent quelquefois avec celles de prêtre du village, mais le plus souvent elles en sont distinctes. Il y a dans les villes des écoles régulières tenues à peu près sur le même pied qu’en Europe. La somme que paient les enfans est proportionnée aux facultés de leur père, et s’élève communément à trente sous de France par mois. La plupart des élèves sont externes ; mais, chez les Berdouraunées, les enfans sont envoyés dès l’âge le plus tendre à un village éloigné ; ils s’établissent dans les mosquées, et vivent d’aumônes sous la surveillance de leur maître, sans que les parens s’occupent presque d’eux.

Voici le cours de l’éducation, à Peshawer.

Pour se conformer à une injonction que la tradition attribue au prophète, chaque enfant commence à apprendre ses lettres lorsqu’il est âgé de quatre ans quatre mois et quatre jours.

Bientôt il interrompt cette étude, et ne la reprend qu’à l’âge de six ou sept ans ; alors on lui fait épeler un petit poëme persan de Sahdi : dans ce poëme, les avantages de chaque vertu, et l’horreur de chaque vice, sont tracés en vers simples, mais élégans. Cet exercice dure de quatre mois à une année, suivant la capacité de l’étudiant. Les enfans du peuple apprennent ensuite à lire le Koran et d’autres écrits dans leur langue maternelle : ceux des gens aisés lisent les classiques persans, et étudient un peu la grammaire arabe.

Ceux que l’on destine à l’état ecclésiastique apprennent l’arabe à fond ; et comme les grammaires arabes sont très-compliquées, et embrassent toutes sortes de sciences, cette étude exige plusieurs années. Lorsqu’un mollah a fait suffisamment de progrès dans cette science il se rend à Peshawer, à Houshtnuggur, ou dans autre ville fameuse par ses établissemens ecclésiastiques ; là il commence son cours de logique, de jurisprudence, et de théologie. Voilà ce qui complète l’éducation d’un mollah ; mais il en est qui se lancent dans l’étude de la métaphysique et de la physique, d’après le système qu’on s’en fait en Orient. Ils se livrent aussi à l’histoire, à la poésie, à la médecine ; cette dernière science est fort recherchée, et convient aux hommes de toutes les classes.

Quelques uns vont jusqu’à Bokhaura pour se perfectionner ; mais l’école théologique de Peshawer a plus de réputation. L'hérésie des Persans est cause que tous les sunnites s’abstiennent de fréquenter leurs écoles.

On regarde comme une bonne œuvre de favoriser l’instruction. Outre les collèges royaux, il y a une école particulière dans chaque village.