Tableau du royaume de Caboul et de ses dépendances dans la Perse, la Tartarie et l’Inde/Tome 3/Tribus des montagnes

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TRIBUS DES MONTAGNES.

Les Sheeraunées sont la principale de ces tribus qui habitent au pied de la chaîne des Monts-Soliman. Ces hommes sont d’une taille moyenne, minces, mais vigoureux et pleins d’activité. Leur aspect est des plus sauvages. Ils ont pour habit deux couvertures grossières d’étoffe de laine noire. Ils portent des sandales dont la semelle est faite de cuir de bœuf, grossièrement préparée avec des cendres de bois de tamarin.

Ils se nourrissent de mais, de beurre et de lait de brebis ; encore ce dernier article est-il un objet de luxe, ainsi que le pain de froment. Le mouton est presque la seule viande dont ils fassent usage. Jamais ils ne tuent de bœufs : si un de ces animaux vient à mourir de maladie, ils le saignent à la gorge, et le mangent sans scrupule, bien que la chair des animaux morts de maladie soit prohibée par le Koran.

Ils mangent les olives fraîchement cueillies sur les arbres, et font bouillir celles qui sont desséchées.

Les Sheeraunées se marient fort tard. Ils diffèrent des autres Afghans en ce point que le père de la fille paie une dot au lieu d’en recevoir lui-même le prix ; les femmes ne sont employées qu’aux travaux domestiques et à la moisson.

Les espèces monnoyées étant fort rares parmi eux, presque tout le commerce se fait par échanges. Ils n’ont point d’esclaves ni même de serviteurs ou d’ouvriers à gages, et cultivent eux-mêmes leurs terres. Ils font deux moissons par an ; la première consiste en riz rouge, maïs, millet et tabac. Lorsque cette récolte est faite, ils sèment du froment et autre blé, qu’ils recueillent au commencement de l’été.

Le chef s’appelle le nika, c’est-à-dire le grand-père. Il jouit d’une trèsgrande autorité sur sa tribu ; elle dérive en partie de ce qu’il est élu dans la plus ancienne famille, et, en outre, de la ferme croyance des Sheeraunées que leur chef est sous la direction spéciale de la Providence. Il possède des terrains considérables, qu’il fait exploiter par des fermiers, mais il n’a point de serviteurs domestiques. Il reçoit un agneau par an de tout homme de la tribu, qui possède des moutons, et un veau de ceux qui élèvent des bêtes à cornes. Cet impôt se lève sans aucune rigueur ; les gens du pays sont persuadés que leur refus de s’acquitter seroit puni d’une malédiction céleste, par exemple, de la perte d’un enfant.

Le nika est le seul dispensateur de la justice ; il entend les parties, fait une prière, et prononce d’après l’inspiration de la Divinité. Ses ordres sont toujours exécutés dans la crainte d’un châtiment surnaturel.

C’est aussi le nika qui commande les expéditions guerrières. Avant de se mettre en campagne les troupes passent sous son turban. Les soldats s’imaginent que cette cérémonie les rend invulnérables, et je ne crois pas que de nombreux exemples du contraire puissent jamais les détromper.