Tableau historique et pittoresque de Paris/L’abbaye de Port-Royal

La bibliothèque libre.

L’ABBAYE DE PORT-ROYAL.


Ce monastère étoit un démembrement de celui de Porroi ou Porrois et Porrais, fondé près de Chevreuse en 1204. Il fut nommé depuis, par altération, Port-du-Roi et Port-Royal. On y suivoit la règle de Cîteaux ; mais les austérités qu’elle prescrit s’étoient adoucies par degrés, et le relâchement commençoit à s’y introduire, lorsqu’en 1609 la réforme y fut introduite par Jacqueline-Marie-Angélique Arnauld, qui alors en étoit abbesse. Cette réforme eut un si grand succès et fut embrassée par tant de personnes, que les bâtiments de cette maison devenant insuffisants, on pensa, peu de temps après, à former un second établissement ; et ce parti devenoit d’autant plus urgent que le monastère de Port-Royal étoit situé dans une vallée marécageuse et très malsaine. Il est probable toutefois que l’exécution en eût souffert beaucoup de difficultés, sans les libéralités de madame Catherine Marion, veuve d’Antoine Arnauld, sieur d’Andilli, et mère de l’abbesse. Elle fit, au profit de cette abbaye, l’acquisition d’une grande maison accompagnée de jardins, nommée la maison de Clagni, et non de Glatigni, comme l’écrivent plusieurs historiens. M. de Gondi donna en 1625 les permissions nécessaires pour la translation des religieuses, translation qui fut exécutée le 28 mai de la même année ; et les dons considérables d’un très grand nombre de personnes de la plus haute qualité fournirent bientôt les moyens d’y faire construire les lieux réguliers, ainsi que tous les autres bâtiments nécessaires à une communauté religieuse[1]. La mère Angélique, désirant consolider la réforme qu’elle avoit instituée, obtint du pape et du roi que son monastère seroit soustrait à la juridiction de Citeaux, pour être soumis à celle de l’archevêque de Paris, et que l’élection des abbesses, jusque là perpétuelle, deviendroit triennale. Le roi lui ayant accordé à cet effet des lettres-patentes en 1629, elle donna sa démission en 1630.

Les fondements de l’église de ce monastère furent jetés en 1646 ; elle fut achevée et bénite en 1648. Dès l’année précédente madame Arnauld avoit obtenu du pape un nouveau bref pour établir dans son monastère l’adoration perpétuelle du Saint-Sacrement.

Cependant on ne cessoit point de travailler aux réparations de l’ancien monastère, à qui l’on donna alors, pour le distinguer de celui-ci, le nom de Port-Royal-des-Champs. Dès qu’elles furent achevées, l’abbesse et les religieuses demandèrent à l’archevêque la permission d’y envoyer quelques-unes de leurs sœurs, ce qui leur fut accordé en 1647, sous la condition expresse que cette maison ne formeroit point un corps de communauté particulière, et ne cesseroit point d’être soumise à l’autorité de l’abbesse et à la juridiction de l’ordinaire. Depuis, la résistance qu’opposèrent à la signature du formulaire les religieuses de Paris détermina l’archevêque à les transférer dans le Port-Royal-des-Champs ; quelques unes même furent dispersées en divers couvents, ce qui dura jusqu’à la paix de Clément IX, arrivée en 1669. Alors un arrêt du conseil sépara les deux maisons de Port-Royal en deux titres d’abbayes indépendantes l’une de l’autre. Celle de Paris fut déclarée de nomination royale et perpétuelle, et l’autre, élective et triennale. On partagea en même temps tous les biens, dont les deux tiers furent attribués à Port-Royal-des-Champs.

Cette dernière maison a subsisté jusqu’en 1709, qu’en conséquence d’une bulle de Clément XI, M. le cardinal de Noailles, archevêque de Paris, supprima le titre de cette abbaye et en réunit les biens à celle de Paris. Les religieuses furent dispersées dans divers monastères, et l’on détruisit leur couvent, en vertu d’un arrêt du conseil donné dans la même année[2].

L’église élevée sur les dessins de Le Pautre, architecte célèbre, passoit autrefois pour un chef-d’œuvre d’architecture[3].


CURIOSITÉS DE L’ÉGLISE DE PORT-ROYAL.


tableaux.


Sur le maître-autel, une Cène ; par Philippe de Champagne. Ce n’étoit qu’une répétition du même sujet placé dans le chœur des religieuses, où l’on n’entroit point[4].


sépultures.


Dans cette église avoient été inhumés :

Louis, seigneur de Pontis et d’Ubaie, maréchal de camp, mort en 1670.

Marie-Angélique de Scoraille de Roussille, duchesse de Fontange, maîtresse de Louis XIV, morte en 1681.

Catherine-Gasparde de Scoraille, marquise de Curton, sa sœur, morte en 1736.


  1. Madame Hurault de Chiverni, veuve du marquis d’Aumont, acquitta toutes les dettes de la communauté, fit bâtir le chœur et les logements pratiqués au dessus, éleva les murs de clôture du jardin, etc. ; la marquise de Sablé fit construire le corps de logis et le chapitre au bout du chœur ; la princesse de Guémenée, la sacristie et partie d’un des côtés du cloître. Mesdames de Pontcarré, de Choiseul-Praslin, de La Guette de Champigny, de Boulogne, de Rubantel, etc. ; MM. de Sévigné, Le Maître de Séricourt-Sacy, Le Roi de La Potherie, etc., comblèrent les religieuses de libéralités, et plusieurs de ces dames s’y renfermèrent après la mort de leurs maris. Louise-Marie de Gonzague de Clèves, reine de Pologne, qui avoit été élevée à Port-Royal, signala sa reconnoissance par de riches présents.
  2. Voyez p. 180.
  3. Elle existe encore, ainsi que la maison qui sert maintenant d’hospices pour les pauvres femmes en couche. C’est un ouvrage bien médiocre. (Voyez pl. 188.)
  4. Ce beau tableau est maintenant dans le Musée du Roi.