Tao Te King (Stanislas Julien)/Chapitre 46

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Traduction par Stanislas Julien.
Imprimerie nationale (p. 172-173).


CHAPITRE XLVI.



天下有道,卻走馬以糞。天下無道,戎馬生於郊。禍莫大於不知足;咎莫大於欲得。故知足之足,常足矣。


Lorsque le Tao régnait dans le monde (1), on renvoyait les chevaux pour cultiver les champs.

Depuis que le Tao ne règne plus dans le monde (2), les chevaux de combat naissent sur les frontières.

Il n’y a pas de plus grand crime que de se livrer à ses désirs.

Il n’y a pas de plus grand malheur que de ne pas savoir se suffire.

Il n’y a pas de plus grande calamité que le désir d’acquérir.

Celui qui sait se suffire est toujours content de son sort.


NOTES.


(1) H : Lao-tseu veut montrer dans ce chapitre les malheurs qui naissent de la multitude des désirs et de l’activité (du contraire du non-agir), et le bonheur du sage qui sait se conserver par la modération.

Dans la haute antiquité, les princes qui possédaient le Tao étaient purs, calmes et exempts de désirs ; ils convertissaient les hommes par le non-agir. C’est pourquoi le peuple vivait en paix et se plaisait dans sa condition. On laissait 棄却 les chevaux, qui auparavant étaient destinés aux combats, et on ne les employait plus qu’à cultiver les champs. Aussi, chaque famille, chaque homme avait tout ce qui lui était nécessaire. Depuis que le siècle s’est corrompu et que le Tao a dépéri, les Saints ne surgissent plus dans le monde. Les vassaux s’abandonnent à la violence et au désordre. Chacun d’eux s’applique à enrichir son royaume et à dominer par la force des armes ; leur ambition est insatiable. Ils se livrent des combats continuels. C’est pourquoi les chevaux de guerre naissent sur les frontières. Voyez note 2.

E explique ce passage d’une manière générale : « Quand l’empire suit la droite voie, on renvoie les chevaux (de l’armée) et l’on n’en fait aucun usage. Les hommes s’appliquent uniquement à cultiver les champs. — Quand l’empire ne suit pas la droite voie, etc. » Il rend les mots khio-tseou-ma 却走馬 par « renvoyer les chevaux dans l’intérieur du royaume ; il rapporte aux hommes le mot fen , et lui donne le sens de « cultiver les champs. »

走馬 Par tseou-ma, C entend les chevaux de l’armée, tchen-ma 戰馬.


(2) C, E : La guerre se prolongeant, les chevaux ne reviennent plus dans l’intérieur du royaume, et restent si longtemps en dehors des frontières, qu’ils peuvent y propager leur race.

Le reste du chapitre ne présente aucune difficulté.